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La jeune droite lance le chantier de son avenir (mais n’a pas encore choisi l’architecte)
©Sameer Al-Doumy / AFP

Brainstrorming

Ce samedi se tenait la "Convention de la droite", organisée autour d’Eric Zemmour et de Marion Maréchal afin de proposer une "alternative au progressisme". Nathalie Krikorian-Duronsoy y assistait pour Atlantico.

Nathalie Krikorian-Duronsoy

Nathalie Krikorian-Duronsoy

Nathalie Krikorian-Duronsoy est philosophe, analyste du discours politique et des idéologies.
 
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Echafaudé par trois organisateurs, L’Incorrect, le Cercle Audace et Racines d’Avenir, le projet d’une « Convention de la droite » pour rassembler les idées de droite, dans un grand brainstorming politique, brillait comme une étoile, sur le papier. L’objectif affiché était d’en tirer, sinon un idéal, du moins des convergences, afin de former la droite de demain.

Dans la réalité, on a assisté, samedi, à un foisonnement d’idées sans réel lien entre elles, souvent en opposition, et portées par des intervenants enthousiastes, mais qui avançaient seuls dans leur logique, et semblaient suivre des buts très personnels. Il était évident que personne ne sortirait de … la Palmeraie. Au grand dame de Robert Ménard venu exhorté chacun à se présenter aux élections : « Il faut arrêter de parler de la politique, il faut en faire ».

En gros tout cela manquait d’unité et avait, en conséquence surtout, le mérite de démontrer la nécessité de s’entendre sur le contenu idéologique du projet politique, avant même de parvenir à un contenant électoral.

Pour Marion Maréchal, (invitée vedette de la journée, avec Eric Zemmour et l’américaine « trumpiste » Candace Owens), en revenir à la droite, c’est refuser la nomenclature de l’échiquier politique conjointement redéfini par Emmanuel Macron et Marine Le Pen.

Le couple en course pour la prochaine élection présidentielle de 2022 s’accorde, en effet, à rejeter le vieux clivage droite/gauche. Ils lui préfèrent la nouvelle opposition des progressistes contre les nationalistes, pour lui, des souverainistes contre les mondialistes, pour elle.

Les mots ont leur importance dans la bataille des idées, en vue de la future conquête du pouvoir.

Marion Maréchal a choisi le sien. Ce sera le « conservatisme ». Qui définit  une adhésion au libéralisme économique, et permet de critiquer « le relativisme des valeurs » qui selon elle mine la société.

Son objectif est clair. Avant d’affronter le combat électoral, il convient de travailler en amont, au plan méta-politique. Ce qu’avait fait, dans les années 80, la revue Eléments d’Alain de Benoist, avant que la gauche, ironie du sort, ne lui pique sa philosophie de la différence.

Dans une optique plus pragmatique, selon les organisateurs de la Convention, comme pour Erik Tégner de Racine d’Avenir, la victoire électorale d’une « union des droites » devra passer par l’effacement de « la porosité encore latente » entre les élus de son parti, Les Républicains, et une droite qui en aurait terminé avec la « gauchisation » de ses principes.

De cette journée d’échanges, on retiendra que Raphaël Enthoven et Eric Zemmour étaient les deux intellectuels invités vedettes qui ont défendu, on s’en doute, des positions fort contradictoires.

Leurs joutes oratoires furent puissantes et avaient pourtant en commun de diffuser deux visions passéistes de l’histoire.

Rendons à Cesar ce qui lui appartient. C’est à Eric Zemmour que l’on doit l’inversion de la courbe moralisatrice qui a enfonçât la France, adepte du consensus chiraco-mitterrandien, dans la repentance communautariste et le différentialisme médiatique.

Aujourd’hui, l’auteur de Suicide français est allé plus loin dans sa logique, en assenant des phrases comme des couperets : « L'ennemi à abattre, chez les progressistes, c'est l'homme blanc hétérosexuel et catholique, c'est lui qui est coupable de tous les maux ». Ou encore, faisant siennes les thèses de Jean Raspail et Renaud Camus : « L’inversion du dynamisme démographique entraine une inversion de la colonisation ». Au « règne de l’individu libre », il préfère « les préjugés ». Aujourd’hui, nous dit-il, « la religion du progrès » c’est au fond « la dictature de l’idéologie diversitaire ». L’antiracisme ayant conduit à une adhésion globale de la société au multiculturalisme.

Dans ce contexte interroge Eric Zemmour : « Comment se battre et pourquoi? ». Sa réponse : en abandonnant « les vieux mots de la République, dévoyés, vidés de leur sens » et en se concentrant sur « la question de l’identité (qui) est plus importante que celle de la souveraineté ».

Mais que serait la Nation ou la cité, les valeurs d’identité donc, sans l’Etat souverain, comme lieu du pouvoir ?

Acclamé par la salle il terminera par ces mots de Bernanos : « La vraie espérance est le désespoir surmonté ». Prions pour que sainte Greta T l’entende et cesse de désespérer totalement la jeunesse.

Le discours de Raphael Enthoven, hurlant dans son micro, sonnait comme une réponse cinglante : « Je suis là… pour vous déconstruire… et vous dire…que ce que vous entreprenez ne marchera pas.» Pour lui, comme pour Emmanuel Macron, « la droite ne sera jamais « une alternative au progressisme » parce que « le clivage libéral/souverainiste » a remplacé le clivage droite/gauche.

Enfin le philosophe pense, sans rire, que « l’identité » n’existe pas : « c’est une illusion ». A se demander, du coup, si la déconstruction a encore un avenir devant elle?

Venue des Etats-Unis Candace Owens, une black toute fraiche malgré les sunlights, apportait à l’assistance, dans un américain aussi chic que sa silhouette, une analyse révolutionnaire des questions raciales : « manipulées » dit-elle, par les Démocrates, « à des fins électorales ». Elle dénonçait aussi la position victimaire  dans laquelle sont enfermés les « afro-américains ». Problématiques que l’on retrouve en France avec l’immigration victimisée et transformée en otages des stratégies de conquête du pouvoir de la gauche comme de la droite, depuis presque quarante ans.

Au terme de cette journée, la question taraude certains esprits calculateurs et d’autres, plus inquiets qui voudraient, comme le maire de Bézier zapper la case réflexions pour se rendre directement à celle des élections : qui du tandem Eric Zemmour, Marion Maréchal se présentera en 2022 ?

Sur ce terrain Marion Maréchal l’a répété, elle ne s’opposera pas à sa tante.

C’est pourquoi, les regards avisés feraient sans doute bien de se tourner vers ceux qui jouent aujourd’hui dans la même cours : Marion Maréchal et Jordan Bardella. Des deux jeunes prodiges de la politique, l’un est sur la longue voie de devenir un jour l’héritier d’un parti, le Rassemblement National, et l’autre, faisant passer la théorie avant la pratique, fait le pari de former une nouvelle droite.

Tandis qu’à gauche, il n’y a pour l’instant qu’Emmanuel Macron et son « progressisme ». L’autre mot pour désigner la déjà vieille perdante social-démocratie à la française.

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