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Une femme examine les ruines d'un bâtiment où elle vivait avant qu'il ne soit détruit par les bombardements russes à Mykolaiv, une ville clé sur la route d'Odessa, le 27 mars 2022.
Une femme examine les ruines d'un bâtiment où elle vivait avant qu'il ne soit détruit par les bombardements russes à Mykolaiv, une ville clé sur la route d'Odessa, le 27 mars 2022.
©OLEKSANDR GIMANOV / AFP

Atlantico Business

Si les hostilités se poursuivent, le monde entier court le risque d’une crise économique sans précédent. Entre l’inflation, les pénuries d’énergie et de biens alimentaires, les scénarios les plus pessimistes sont partagés par la plupart des instituts d’observation et de prévision

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Que l’on prenne les analyses du FMI (fonds monétaire international), de l’OMC (l’organisation mondiale du commerce), de la Commission de Bruxelles, des différentes banques centrales (FED, BCE et Banque d’Angleterre) et bien sûr, le travail de prévision des différents instituts économiques privés, sans parler de ce que prévoit les grands fonds d’investissement comme BlackRock ou Warren Buffet, on retombe à chaque fois sur des scénarios de crise économique mondiale extrêmement graves. 

D’ordinaire, dans l’histoire de l’humanité, les grandes crises économiques ont le plus souvent précédé et engendré des crises politiques et parfois des guerres. Pas toujours heureusement, mais ce qui a été vérifié dans le passé, c’est que les guerres sont nées d’une crise économique non résolue. 

Aujourd’hui, on assiste au phénomène inverse. Le monde n’est pas en crise économique. Au contraire. La guerre en Ukraine engagée par la Russie est venue casser le rebond qui suivait la crise du Covid et risque de provoquer une crise économique sans précédent. La probabilité d’une évolution catastrophique est beaucoup plus forte que la probabilité d’une résolution rapide et responsable qui éviterait le pire. 

1e point : les premiers effets de la guerre sont déjà visibles à court terme. Partout dans le monde, le rebond qui a suivi la fin de la pandémie du Covid, l’invasion de l‘Ukraine depuis un mois, sa violence, sa brutalité, et les sanctions ont provoqué une onde de choc dans les systèmes de production qui a donné un coup de frein à la reprise économique. En moyenne, les pays du monde qui étaient partis dans une phase de rattrapage Covid ont déjà perdu entre 1 et 3 points de PIB en rythme annuel sur 2022. Les facteurs de crise sont évidents : ralentissement du commerce mondial, rupture de livraisons de composants mécaniques et électroniques, d‘où l’arrêt de certaines fabrications, pas seulement en Ukraine et en Russie mais également dans beaucoup de pays développés et émergents. 

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D’où, en Europe, un coup de frein sur les investissements, des projets arrêtés ou retardés, un niveau de chômage qui ne baisse plus, un immobilier qui était reparti très vite et très fort et qui s’est arrêté tant au niveau des transactions et des projets. Mais ce qui est beaucoup plus toxique parce que générateur de grogne sociale, c’est que l’inflation s’étend à la plupart des biens alimentaires et des formes d’énergie : du blé, aux fruits et légumes (de 10 à 20 %) en passant par le gaz, l’essence et le gasoil.

2e point : les risques à plus long terme sont plus inquiétants. L’inflation est particulièrement toxique parce qu’elle va formellement contaminer l’ensemble des systèmes économiques. L’inflation alimente la grogne sociale que l’on va essayer de calmer par des hausses de salaires et des aides sociales qui, à leur tour, se répercutent sur les prix. D’où un risque de  spirale prix-revenus.  

La hausse des prix n’est pas le seul résultat des embargos. La hausse des prix va être directement liée aux conséquences du raccourcissement de la chaine de valeurs. Si, pour restaurer son indépendance, chaque pays essaie de rapatrier des productions et de relocaliser des fabrications, l’ensemble va se traduire par des hausses de cout de production. C’est le prix qu’il faudra payer pour sortir de la mondialisation. Cette mondialisation organisée depuis 30 ans avait l’avantage de jouer sur une division internationale du travail et profiter des spécialisations de chacun. Tout le monde en a profité : les pays développés qui se sont spécialisés dans les activités à forte valeur ajoutée, mais aussi les pays émergents qui sont sortis de la pauvreté extrême. La tentation de l’autarcie pour s’affranchir de la dépendance à l’égard de certaines régions inquiétantes du globe va provoquer des cassures sociales et politiques qu‘il faudra gérer. 

A moyen terme, le risque de crise alimentaire est également très probable.  L‘Ukraine et la Russie étaient devenues, depuis dix ans, les plus gros producteurs de céréales du monde. Au total, les deux régions couvraient près de 30% des besoins de la planète. Maintenant que beaucoup de greniers à blé ont été dévastés par la guerre (notamment dans la plaine d’Ukraine) et surtout, la plupart des cargos, plein à craquer, sont bloqués dans les ports de la mer noire (et notamment Odessa) alors qu’ils devaient partir vers l’Égypte et les pays du Maghreb pour assurer les semailles de l’année, cette situation prépare une crise alimentaire qui va toucher l'Afrique toute entière. La pénurie de blé a toujours servi de ferment à la révolution, puis de moteur à une immigration vers le nord. L‘Asie ne sera pas épargnée, elle a besoin d’énergie et de céréales. 

Les effets ne se feront pas sentir avant l’hiver prochain. Mais l’hiver prochain, l’Europe aura besoin de se chauffer et l’Afrique comme l’Asie auront faim. Pour les économistes et les sociologues, et même pour les médecins, la perspective est catastrophique, et si la guerre continue, le monde occidental n’a pas de moyen magique pour l’éviter.

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