La France saura-t-elle se réhumaniser en 2023 ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le feu d'artifice à côté de l'Arc de Triomphe, sur l'avenue des Champs-Elysées, lors des célébrations du Nouvel An à Paris, le 1er janvier 2023.
Le feu d'artifice à côté de l'Arc de Triomphe, sur l'avenue des Champs-Elysées, lors des célébrations du Nouvel An à Paris, le 1er janvier 2023.
© JULIEN DE ROSA / AFP

Anticipations 2023

La société se divise et se déshumanise face au chaos grandissant. Comment faire de 2023 une année qui permettre de retrouver une société moins clivée ?

Pascal Neveu

Pascal Neveu

Pascal Neveu est directeur de l'Institut Français de la Psychanalyse Active (IFPA) et secrétaire général du Conseil Supérieur de la Psychanalyse Active (CSDPA). Il est responsable national de la cellule de soutien psychologique au sein de l’Œuvre des Pupilles Orphelins des Sapeurs-Pompiers de France (ODP).

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Et si Satan conduisait le bal ?

Toute fin d’année est sujette à un bilan. En dehors des bonnes résolutions qui ne seront jamais suivies, force est de constater que 2022 restera encore une annus horribilis, et que nous attendons 2023 afin de renaître, souffler et respirer pour enfin vivre.

Pour autant, la guerre ne cesse de faire rage en Ukraine, la Covid continue à tuer, les actes terroristes perdurent, l’inflation impacte les foyers, les nombreuses grèves et aussi des manifestations de plus en plus violentes, sans compter les agressions… La société semble se diviser et se déshumaniser face au chaos grandissant. Qui sont les nouveaux Satan ? Comment faire de 2023 une « neuve » année afin de retrouver une société moins clivée ?

Qui sont ceux qui divisent la société ?

Afin d’expliquer le titre de mon écrit, j’ai repensé à l’opera « La damnation de Faust » de Berlioz… et la fameuse scène du Veau d’or où Méphistophélès chante : « Et Satan conduit le bal… ». Pour quelles raisons ?

Tout d’abord parce que le diable est celui qui étymologiquement divise, désunit et ordonne le chaos. On en reconnaîtra tous sans que je les nomme, mais ils portent tous en eux des caractéristiques.

Car ce chaos (sans me substituer à un sociologue) repose, pour un psychanalyste, sur quelques fondamentaux (sans les hiérarchiser) qui sont le meilleur et le pire de l’être humain :

-  l’ego : l’être humain se développe à travers un Moi qu’il découvre vers 7-9 mois, via le stade du miroir, et qu’il va construire dans un environnement familial, social, religieux, moral… singulier. Mais son inconscient avec ses turpitudes prévalait… Et le narcissisme reste présent, en termes de réalisation mais génère aussi des conflits. Prenons l’exemple de deux présidents : Vladimir Poutine, ex agent du KGB très mal noté par sa hiérarchie, devenu dictateur multi-milliardaire ; et Volodymyr Zelensky, comique critiqué devenu président, aussi contesté en terme de corruption que celui qui lui fait la guerre, les deux portant finalement le même prénom et en proie à une guerre de territoire identitaire et soif d’un nom reconquis via deux ego à psychanalyser !

- la foi : les religions s’affrontent malheureusement depuis des siècles. Certaines prônent la paix même si elles ont mené des croisades ou d’autres lancent des fatwa sans oublier la revendication d’un territoire. La recherche d’un père symbolique, souvent absent chez de jeunes terroristes, amène certains fanatiques  à passer à l’acte. Les études montrent que 2/3 des adolescents radicalisés ne connaissent pas les textes religieux et sont embrigadés (ils sont environ 2000 mineurs en France) jusque clamer qu’ « il faut tuer les mécréants ! », et tenter d’assassiner Salman Rushdie. Certains instrumentalisent politiquement ou intellectuellement. Le scandale dernier concernant Michel Houellebecq en est un exemple. Pour certains l’idéologie politique est devenue une foi.

- la mort : nous savons tous que nous allons mourir. Même si certains sont prêts à tuer et mourir à cause de leur ego ou leur foi. Mais d’autres, tels les pompiers, forces de l’ordre et militaires sont prêts à mourir pour sauver la vie des autres. Eros et Thanatos, la pulsion de vie et la pulsion de mort restent les forces psychiques les plus puissantes capables de diriger nos pensées et actes. Pour de belles ou de fanatiques raisons.

- l’argent : même si un adage promeut que « Peine d’argent n’est pas mortelle ! »… force est de constater que de tels adages deviennent de plus en plus stupides dans une société qui souffre. Car l’argent, tout comme la reconnaissance identitaire, la foi en la vie et le plaisir de vivre restent essentiels pour le socle d’une saine existence. L’argent est le premier moyen, objet d’échange avec l’autre. Sa force symbolique est interprétable à différents degrés… mais la valeur de l’argent est source de conflit quand on ne se sent pas exister et vivre lors de grosses difficultés qui engendrent vols, chantages, agressions, systèmes mafieux…

- le plaisir : il ne se vit qu’à travers une pulsion classique et non pathologique qui engendre un désir et une satisfaction réussie. Il rejoint le bon narcissisme, la foi en soi et l’autre, l’argent nécessaire à vivre et se faire plaisir… le plaisir de vivre, des autres, sans envie, du travail et parvenir à gérer ses frustrations et les épreuves de la vie dont certains d’entre nous seront lus ou moins épargnés.

Ces 5 « fondamentaux » se vivent consciemment et inconsciemment, s’entremêlent et tentent de s’équilibrer afin de ne pas créer de dysharmonie psychique et des conflits engendrant aigreurs et passages à l’acte.

Car la haine peut en naître, par défaut de se ressentir être le plus « accompli » possible, d’autant plus après plus de 2 années de pandémie, où nous avons vu une explosion de troubles psychiques, violences conjugales, difficultés affectives, vivre seul, sans oublier les étudiants.

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Renaître de ses cendres et entrer sur les chemins de l’espérance.

En 2023 :

Nous ne pourrons pas oublier l’enfer de l’Ukraine mais aussi d’autres pays.

Nous ne pourrons pas oublier l’enfer qu’a pu subir la pauvre petite Lola.

Nous ne pourrons pas oublier l’enfer qui tentera à nouveau de faire trembler notre monde.

Nous ne pourrons pas oublier…

Mais…

Tout comme depuis le Néolithique on commençait à enterrer nos morts de manière rituelle, il nous faut ne pas céder aux voix obscures de ceux qui veulent diviser notre société, et nous devons donc enterrer nos rancoeurs, nos haines, en pansant nos plaies et surtout en les pensant… car ne pas trouver le sens de ce qui nous arrive à travers ce monde impitoyable, mais aussi au sein de notre beau pays qu’est la France, n’aboutirait à rien.

Nous avons dépassé les guerres, même si j’ose écrire de manière provocante que certains regrettent Vichy et ses extrémistes en recherche de fausses figures paternelles, perdus dans la mauvaise foi et la propagande d’une espérance qui n’est qu’une chimère… loin  d’une saine utopie.

L’utopie, c’est la construction d’un monde meilleur, c’est tendre et vivre l’agapé, l’amour universel que nous avons perdu et que nous devons retrouver. Pas le chaos ni la mort.

Il suffit d’observer et vivre de ne pas recevoir le bonjour d’un inconnu, le retour d’un sourire, un soutien… pour en tirer des conclusions qui doivent nous faire réagir.

En conclusion, au-delà ma métaphore diabolique risquée, je n’ai de cesse de penser que notre monde réel, rationnel, raisonné va gagner face à la folie de notre monde, face à ces Hommes qui détruisent nos relations et notre monde.

2023 en est l’occasion, en renaissant des épreuves vécues depuis 2020, mais également des siècles.

Ce n’est pas une coupe du Monde éphémère qui crée la matrice de ce que l’humain doit retrouver et reconstruire.

Goethe l’écrivait très bien dans son Faust 1 : « Nous sommes responsables de nos actes… à nous d’en mesurer les conséquences ! »

L’autre, la santé, la politique, l’environnement… A nous, collectivement et en union, et non en désunion (et combats clivants et violents), de faire en sorte que 2023 sera l’année des résolutions les plus humanistes qui affirmera que NON, Satan ne conduit pas le bal !

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