La France, pays le plus visité en 2013 : les vérités dérangeantes derrière les jolis chiffres<!-- --> | Atlantico.fr
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Des touristes se prennent en photo devant la pyramide du Louvre
Des touristes se prennent en photo devant la pyramide du Louvre
©REUTERS/Jacky Naegelen

La quantité ok, mais la qualité ?

Avec 85 millions de touristes en 2013, la France reste le pays le plus visité. Cependant l'offre actuelle, notamment de logements, ne satisfait pas pleinement la clientèle, et les investissements tendent à manquer en général. Attention, donc, à ne pas se reposer sur ses lauriers.

Jean-Michel  Hoerner

Jean-Michel Hoerner

Professeur de géopolitique et auteur d'un livre récent, Tourisme et mondialisme, publié chez Balzac Éditeurs avec le concours de l'IEFT-IDRAC en novembre 2013.
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Atlantico : La France se félicite d'être encore en 2013 le pays qui a accueilli le plus de touristes, soit 85 millions de personnes. Mais viennent-elles toutes passer des vacances en France ? Quelle proportion de ces visiteurs n'est en fait qu'en transit ?

Jean-Michel Hoerner : Le terme "vacances", qui est plus littéraire, n'est pas le meilleur en l'occurrence : ces 85 millions de visiteurs d'origine étrangère viennent effectuer un séjour en France, d'une moyenne de près de 8 jours (en hausse d'ailleurs entre 2012 et 2013), et bien sûr il peut s'agir d'un transit. Tous les observateurs font ainsi remarquer que beaucoup de personnes d'Europe du Nord, notamment des Allemands, passent une nuit sur l'autoroute du soleil et n'utilisent donc le territoire français que pour aller en Espagne ou en Italie. Cette habitude remet en cause la définition du tourisme par l'Organisation mondiale du tourisme, dans la mesure où il ne s'agirait pas seulement de passer une nuit en France pour devenir un véritable touriste mais où il faudrait consommer de réels produits touristiques, dont des hébergements par exemple. La forte attractivité de la péninsule ibérique accroît naturellement cette forme de transit...

Un rapport du Forum économique mondial de mars dernier montrait une perte d'attractivité du tourisme français. Comment l'expliquer ?

Le tourisme de la France n'est pas réellement en crise mais il pourrait mieux fonctionner. Je ne cesse de répéter que ces touristes étrangers qui viennent en France et ailleurs appartiennent à la classe moyenne supérieure, et recherchent donc des hébergements propres à leurs moyens, souvent plus haut de gamme qu'on ne le pense. Dans la mesure où beaucoup de pays d'accueil l'ont compris et développent une belle hôtellerie, par exemple la formule "club premium", ils attirent une clientèle qui venait traditionnellement en France. C'est facile à comprendre : la France est numéro un pour la réception de touristes étrangers mais troisième au niveau des recettes. Aux Etats-Unis, un touriste étranger dépense trois fois plus que lorsqu'il va en France ! C'est moins la qualité de l'accueil et bien sûr le niveau des attractivités qui sont en cause et freinent les dépenses touristiques en France, ce sont les équipements hôteliers haut de gamme qui manquent.   

Trois villes françaises sont citées parmi les pires villes du monde selon le groupe de presse américain Condé Nast : Cannes, Paris et Marseille. La France a-t-elle conscience de sa mauvaise réputation et des conséquences que cette dernière pourrait avoir à plus long terme ?

La mauvaise réputation de quelques villes françaises auprès des touristes étrangers est anecdotique. On a  pu par exemple rassurer les touristes chinois qui vont à Paris en augmentant les forces de l'ordre, comme au Louvre, mais c'est partout la même chose : des touristes aisés, assez décontractés, attirent tous les voleurs du monde et seules les villes qui prennent les mesures nécessaires échappent à ce fléau. Maintenant, on peut aussi penser que l'accueil dans un hôtel de basse catégorie est moins agréable et peut-être moins sécurisé que dans un établissement haut de gamme, a fortiori un palace... 

Comment ont évolué les revenus que la France tire du tourisme ? Constate-t-on une inflexion ?

Le tourisme en France équivaut à plus de 7% du PIB - il a donc doublé en 5 ans - et correspond à 140 milliards d'euros.  Ce sont donc des revenus importants et mêmes fondamentaux pour certaines régions. La croissance touristique, partout dans le monde, est assurée puisqu'elle concerne au moins 700 millions de visiteurs internationaux et bientôt 1 milliard (en 2020 ?). Cela est dû à cette classe moyenne supérieure qui, en 2013 dans le monde, a accru ses revenus financiers (rien que financiers) de quelque 20 000 milliards de dollars. Il faut donc ne pas hésiter à parler de la réalité de l'industrie touristique et la France, avec tous ses charmes et malgré des équipements hôteliers insuffisants, en tire le plus grand profit.

En matière de tourisme, la France regarde-t-elle vraiment les bons classements et les bons chiffres quand elle revendique la couronne mondiale ? A quels indicateurs devrait-elle se montrer plus attentive ?

La "couronne mondiale" touristique de la France, qui remonte à quelques décennies, est bien sûr menacée. Déjà, en matière de recettes, notre pays n'est qu'au troisième rang, et que penser des quelque 100 millions de Chinois qui partent faire du tourisme hors de chez eux ? Notre Ministère du tourisme devient plus vigilant, car il a compris qu'en matière d'hébergements, on pouvait mieux faire. À mon modeste niveau, du côté de Perpignan où j'habite, je crois avoir mobilisé les élus locaux qui reconnaissent avec moi qu'on ne dispose pas d'un accueil suffisamment chic pour profiter entièrement de la manne touristique. Le tourisme est une industrie qui nécessite des gens compétents pour mieux la faire fonctionner et des investissements pour accueillir les clientèles souhaitées et disponibles. Lors de ma dernière intervention, on m'avait demander s'il fallait opposer le "tourisme de masse" au "tourisme de classe" : hélas, oui ! Comme dans l'industrie automobile : les Allemands retirent plus de recettes que nous grâce à leurs grosses cylindrées !

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