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La nouvelle réforme de la PAC pour la période 2014-2020 a été présentée en septembre 2013.
La nouvelle réforme de la PAC pour la période 2014-2020 a été présentée en septembre 2013.
©Reuters

Meuh !

La nouvelle réforme de la PAC pour la période 2014-2020 a été présentée en septembre 2013. Et depuis le 20 novembre dernier, la PAC a officiellement été adoptée par les députés européens. Problème : les agriculteurs français pourraient en être les premières victimes.

Florent Detroy

Florent Detroy

"Florent Detroy est journaliste économique, spécialisé notamment sur les questions énergétiques, environnementales et industrielles. Voir son site."
 
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Plus "verte", plus "jeune", plus "équitable".

C'est avec ce trio d'adjectifs que la nouvelle réforme de la PAC pour la période 2014-2020 a été présentée en septembre 2013. Et depuis le 20 novembre dernier, la PAC a officiellement été adoptée par les députés européens.

Les grandes lignes sont simples : la PAC est davantage tournée vers les petites exploitations qui privilégient l'agriculture biologique et de qualité. Elle est également plus équitable car les aides données ne devraient plus être concentrées entre les mains de quelques grands céréaliers d'un petit nombre de pays. On pourrait ajouter aux adjectifs qui ont accompagné cette réforme son avantage coût, puisque la PAC coûtera moins aux contribuables. Son budget est en baisse de 12%.

La France en bénéficie-t-elle ?

Dès que l'on parle de PAC, la France est naturellement concernée. Appartenant historiquement à ce petit groupe d'happy few, privilégiés de la PAC, les agriculteurs français pourraient être les premières victimes de la réforme.

S'il est vrai que certaines grandes exploitations françaises pourraient perdre ainsi jusqu'à 40% de leurs subventions, le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll a toutefois rappelé que le pays possédait une agriculture diversifiée, capable de profiter des nouveaux axes de la PAC. D'ailleurs, le pays n'est pas "céréalo-centré", mais est également compétitif dans l'élevage, secteur qui devrait être davantage soutenu.

Au-delà ce nouvel horizon, l'adoption de cette PAC est l'occasion de faire le point sur la situation de l'Europe et de la France sur le marché mondialisé de l'agriculture. L'UE est un acteur majeur de ce marché. La zone est ainsi le second exportateur de produits agricoles et alimentaires hors UE, et le premier importateur au monde. Elle exerce également, comme le souligne Pierre Verluise, Stéphane Abis et Thierry Pouch dans l'article "Géopolitique de l'agriculture dans la mondialisation", "des effets d'entraînement importants sur les secteurs situés en amont (machinisme, engrais...), et aval, puisque les industries agroalimentaires s'approvisionnent largement auprès des producteurs de l'UE".

La "des-agriculturation" de la France

La France ne peut malheureusement pas afficher la même santé. Focalisé sur la désindustrialisation de la France, Paris s'est moins préoccupée du recul de la compétitivité de l'agriculture. Ce ralentissement est pourtant tout aussi préoccupant depuis 10 ans.

L'agriculture représente 2% du PIB français aujourd'hui, et compte pour 3,3% de l'emploi. Côté exportation, elle représente 12% des exportations françaises, et pèse 12 milliards d'euros d'excédent commercial. Pourtant les exportations sont en baisse depuis 10 ans. Elles sont passées de 7% à 5,5% du marché mondial. En 2010, Paris n'était plus que le quatrième exportateur mondial de produits alimentaires.

La concurrence des émergents

On se rend compte que c'est sur ses marchés de préférences que l'agriculture française a perdu en priorité des parts de marché. Ses ventes aux autres pays européens ont baissé de 3 points sur 10 ans. Pire, ses exportations vers l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient se sont également réduites. Problème, les marchés sur lesquels Paris auraient pu compenser cette baisse ont également vu leur demande baisser. S'ils ont effectivement longtemps représenté la locomotive de la demande mondiale, les pays émergents ont fini par apprendre à produire eux-mêmes leurs denrées alimentaires.

La part des pays en développement hors PMA (pays moins avancés) dans les exportations mondiales sont passées de 49% à 62% entre 2001 et 2011. A noter, c'est sur la viande et le soja que ces pays ont capté les parts de marchés les plus importantes.

Individuellement, la performance est encore plus impressionnante. Les exportations du Brésil par exemple ont progressé de 348%, et celles de l'Indonésie de 265% en 10 ans. Même si ces succès ont été acquis à grands coups de subventions, elles ont profondément transformé le paysage agricole mondial.

[NDLR : Matières à Profits s'est aussi intéressé à ces nouveaux exportateurs en intégrant dans son portefeuille un des spécialiste argentin du soja. La société a vendu une partie des terres qu'elle cultivait, pour une valeur supérieure à l'ensemble des terres qu'elle avait vendu depuis 1998. Le titre a alors explosé à la hausse. Après une première prise de bénéfice de 22%, le titre est à nouveau à l'achat dans le portefeuille Matières à Profits. Retrouvez plus de détails dans Matières à Profits.]

La France en queue de peloton ?

La montée en puissance des agricultures émergentes n'ont pas touché la seule France, elles ont également touché les Etats-Unis, le Canada ou encore les Pays-Bas. Et on peut noter que la France a su conserver sa place auprès de pays importants, comme la Chine ou le Japon. Toutefois le jeu de la comparaison avec son meilleur concurrent se révèle être plus préoccupant, l'Allemagne.

Berlin est récemment passée devant Paris en termes de pays exportateurs de denrées alimentaires. Si la France a su défendre la qualité de sa production dans les céréales, globalement le premier pays exportateurs en Europe est l'Allemagne. Encore une fois, l'Allemagne s'est imposée comme un grand exportateur.

Mon conseil :

La réforme de la PAC privilégie la qualité sur la quantité. Ce choix semble important à long terme, car les pays émergents seront à leur tour obligé un jour de prendre en compte la dimension environnementale ou qualitative de leur production. Un effort dans la recherche et la qualité aujourd'hui en Europe permettrait de garder une longueur d'avance sur les pays émergents.

Les pays européens abritent encore d'importants groupes agro-alimentaires, qui ont fait de la recherche le coeur de leur activité. C'est le cas du Suisse Syngenta (NYSE : SYT) ou du Français Vilmorin (NYSE : RIN).

Ps : Cet article a auparavant été publié sur le site L'Edito Matières Premières.

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