La France a déjà survécu à une violente vague de terrorisme intérieur il y a longtemps et voilà ce que l'on peut en apprendre<!-- --> | Atlantico.fr
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En 1893-1894, la France est complètement paniquée par les attentats, qui visaient les institutions mais aussi la population civile.
En 1893-1894, la France est complètement paniquée par les attentats, qui visaient les institutions mais aussi la population civile.
©Bibliothèque nationale de France / Wikipedia

Souvenez-vous des anarchistes !

A la fin du XIXème siècle, la IIIème République est confrontée à une vague d'attentats "anarchistes" sans précédent. Civils, chef d'Etat et ministres seront visés jusqu'à la Première Guerre mondiale. Une séquence qui donna lieu notamment aux lois scélérates, qui réprimaient la complicité intellectuelle avec l'idéologie anarchiste.

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe, docteur d’État, hdr., est directeur de recherche à l’IRIS, spécialisé dans la communication, la cyberstratégie et l’intelligence économique, derniers livres : « L’art de la guerre idéologique » (le Cerf 2021) et  « Fake news Manip, infox et infodémie en 2021 » (VA éditeurs 2020).

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Atlantico : Depuis l'attaque de Mohammed Merah en mars 2012, la France est entrée dans une séquence de terrorisme où les principaux instigateurs sont nés et ont été élevés en France. Est-ce que la première fois que cela arrive dans l'histoire du pays ? A quels moments dans l'histoire de France le pays a-t-il été confronté à cette configuration de terrorisme ?

François Bernard Huyghe : Bien entendu, la France n'a pas attendu 2012 et Mohammed Merah pour voir des terroristes nés en France, disposant d'un passeport français, et pratiquant la violence spectacle. Comme aux États-Unis, la France a eu un très grand courant de terrorisme "anarchiste" à partir de 1880, devenu très sanglant à partir de 1891 où des anarchistes comme Ravachol ou encore Vaillant posaient des bombes contre des juges, des bourgeois... Ils périront tous sur l'échafaud, mais il faut réaliser que la France de 1890 jusqu'à environ la première guerre mondiale a vécu une terreur sans nom, en voyant des chefs d'État, des ministres se faire tuer et l'instabilité politique que l'on peut imaginer. Son idéologie se distinguait par son antiétatisme d'extrême gauche et anarchiste.

L'ampleur de cette vague terroriste a atteint un tel degré que la France adopte en 1893-1894 les lois scélérates, lesquelles réprimaient notamment la complicité intellectuelle avec l'anarchisme. Cette longue expérience au tournant du XXème siècle s'est terminée notamment grâce à une police extrêmement efficace, et avec l'aide de la concurrence du communisme russe, en particulier après la révolution de 1917 qui le remplace comme puissance dominante à l'extrême gauche. En effet, le communisme russe s'était largement construit en refusant l'attentat individuel. N'oublions pas que le frère de Lénine a été pendu pour terrorisme...

Mais la France a aussi connu d'autres périodes où le terrorisme était issu de son sein. Ceux des indépendantistes par exemple (ETA, Corse), des actions liées au contexte international. Les attentats ont aussi permis à leurs auteurs de créer une pression sur la France, c'est ce qu'on a appelé la diplomatie par les bombes. On se souvient de la vague du FLN, et de l'OAS, qui se sont réglées une fois leur indépendance acquise. Encore une fois la police a été très efficace. D'ailleurs nous l'avons aussi été contre Al-Qaida : après le 11 septembre, la France n'a pas connu d'équivalent de l'attentat de Madrid ou de Londres, et on en a empêché d'autres d'envergure comme celui de la cathédrale de Strasbourg).

Qu'est-ce que nous devons tirer comme expérience de ces différents épisodes, combien de temps ont-elles duré, et quelles ont été les réponses efficaces ? La proposition de Nathalie Kosciusko-Morizet visant à interdire le salafisme pourrait s'apparenter à l'intention de la loi scélérate par exemple.

Les salafistes ne passent pas forcément au terrorisme, même si je pense qu'il faut combattre le fondamentalisme.

En 1893-1894, la France est complètement paniquée par les attentats, qui visaient les institutions mais aussi la population civile. La France a donc fait adopter les lois scélérates pour réprimer le mouvement anarchiste et son apologie, mais aussi la complicité intellectuelle, c'est-à-dire les intellectuels, journalistes qui étaient complaisants envers les anarchistes. Étaient donc réprimés la presse anarchiste, très développée (certains journaux donnaient la recette de bombes…). Ces lois ont donc élargi l'horizon de la répression intellectuelle comme par exemple la "propagande par le fait".

Aujourd'hui, les débats accordent une place importante au respect de l'Etat de droit. Quelle a été la place accordée au respect des valeurs dites démocratiques ?

Tous les principes démocratiques n'ont pas forcément été respectés pour lutter contre le terrorisme… A travers l'état d'urgence, les lois scélérates… La France a connu des périodes où certaines libertés ordinaires ont été suspendues. Mais elle est toujours restée une République, aucune dictature militaire n'a jamais été mise en place.

Les groupes terroristes finissent tous un jour. Soit ils gagnent (le FLN a eu son État), soit ils se convertissent au processus démocratique (comme l'ETA ou les mouvements indépendantistes corses). Ce qui marche contre le terrorisme, c'est une bonne répression policière, et peu de lois d'exception. L'Italie par exemple est venue à bout d'un terrorisme effroyable, qui a fait plusieurs milliers de victimes, et pourtant le pouvoir a toujours été élus au suffrage universel. La présence de repentis est également très importante, tout comme des tribunaux qui fonctionnent.

Le jihadisme islamique n'existera plus en France dans 40 ans, soit parce qu'on les aura eu, soit parce que nous serons devenus un émirat.

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