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La fin du pain blanc ? Pourquoi la crise des prisons révèle bien plus que la maladresse de Nicole Belloubet sur ce qui attend le gouvernement pour le reste du quinquennat
©Thomas SAMSON / AFP

Problèmes en vue

Les difficultés du gouvernement à gérer à crise des prisons, qui n'avait pas été anticipée, montre qu'une fois les réformes les mieux préparées passées, le plus dur reste à venir.

Bruno Jeudy

Bruno Jeudy

Bruno Jeudy est rédacteur en chef Politique et Économie chez Paris Match. Spécialiste de la droite, il est notamment le co-auteur du livre Le Coup monté, avec Carole Barjon.

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Atlantico : Au début du quinquennat, le gouvernement Philippe a su faire passer les premières réformes, parfois difficiles, notamment la loi travail. Certaines difficultés semblent depuis apparaître, dans le cas des prisons, ou dans certains renoncements lors de négociations (assurance chômage, collectivités locales, etc...). Ces difficultés ne révèlent pas les faiblesses du macronisme ? Quelles en sont les causes ? La préparation peut-elle être mise en cause ?

Bruno Jeudy : Clairement Emmanuel Macron avait bien préparé son début de quinquennat. Il a commencé par mettre en place les réformes qu'il avait le mieux énoncées pendant sa campagne comme les ordonnances travail, les lois sur la moralisation de la vie publique, la fin de l'état d'urgence… C'est ce qui lui a permis de lancer son mandat avec une faible résistance aussi bien du côté de l'opposition qu'en provenance de la rue.

Depuis le début de l'année 2018, Emmanuel Macron a ouvert une seconde phase, la mise en place de réformes qui avaient été exposées moins clairement devant l'opinion lors de la campagne. Ça va être le cas avec la réforme de l'apprentissage et de la formation, avec la réforme sur le logement ou encore avec la réforme du baccalauréat. Mais globalement cela devrait, à mon avis, passer relativement aisément.

Je ne pense pas qu'il y ait  un problème de préparation car en plaçant des ministres experts sur ces sujets, Emmanuel Macron s'évite des lois mal écrites, mal préparées et – sauf à rater la phase du dialogue – je ne vois pas comment il n'arriverait pas à bon port sur ses textes. En revanche, les premiers bugs arrivent avec les sujets non prévus par le président et le Premier ministre. On le voit avec les prisons qui sont la première épreuve pour le gouvernement. Edouard Philippe s'est sans doute endormi sur ses lauriers après la décision sur Notre-Dame-des-Landes, et l'affaire des prisons est certainement l'anti Notre-Dame-des-Landes.

On a une ministre de la Justice, Nicole Belloubet, mal préparée à ce type de conflits qui vit son baptême du feu en la matière. Elle a mal enclenché le dialogue social en écartant une partie des organisations syndicales pour discuter avec une seule d'entre elles, puis a fait revenir les autres autour de la table des négociations… Résultat des courses : elle ne parvient pas à obtenir un consensus autour de propositions de sortie de crise et on a déjà 13 jours de conflit. On devrait évidemment en sortir, mais ce conflit montre que le gouvernement – qui veut évidemment lâcher un minimum les cordons de la bourse – a du mal dans sa première épreuve de conflit catégoriel. Ce premier "bug" pourrait être suivit d'autres, on voit que ça bouge dans les hôpitaux, que ça bouge dans les maisons de retraite médicalisées… Le gouvernement n'est pas à l'abri de grognes corporatistes catégorielles. Le problème est la façon dont il gère à l'économie ces conflits, au risque de creuser un peu plus le fossé entre la population et un Emmanuel Macron qui serait plus à l'écoute des couches les plus aisées que des couches populaires.

Quels sont les risques de voir le gouvernement perdre le contrôle sur certains dossiers ? Un risque de retournement est-il envisageable à ce titre ?

Le premier risque est le risque d'aggraver l'image d'un président des riches qui n'écoute que la "France qui va bien" et qui est sourd face à celle qui gagne 1400 euros par mois comme les gardiens de prison en début de carrière.

L'autre risque c'est que lâcher des augmentations de salaire sur un premier conflit social, c'est prendre le risque de faire tache d'huile dans les hôpitaux, l'enseignement ou dans les maisons de retraite médicalisées par exemple. Le gouvernement n'a pas envie de se retrouver avec une forte demande d'augmentations de salaire dans la fonction publique hospitalière. 

Après, compte tenu des choix budgétaires qu'a faits Emmanuel Macron, il s'interdit de fait tout dérapage en matière d'augmentation de dépenses publiques. Le gouvernement s'est engagé sur des choix coûteux en matière militaire, la création d'un service civique universel, l'argent pour les banlieues… On voit mal comment ce gouvernement qui compte réduire la dépense publique peut se permettre de lâcher au premier conflit social venu.

Pourrait-on également évoquer le résultat d'une trop grande confiance de la part d'Emmanuel Macron et de son entourage par rapport aux difficultés et à la complexité de la tâche ?

Il y a sans doute un peu de cela. Le gouvernement n'a pas vu venir le conflit des prisons. Jamais le Premier ministre n'avait d'ailleurs parlé de la question des prisons depuis son installation à Matignon, pas un mot dans son discours de politique générale… Ce conflit prévisible n'a donc pas été anticipé et c'est d'autant moins excusable que la question des détenus radicalisés est une question qui est centrale, compte tenu de la multiplication par deux du nombre de détenus radicalisés en l'espace de deux ans. Cela ne risque d'ailleurs pas de diminuer avec les retours probables des djihadistes des zones syriennes et irakiennes.

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