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La fin de règne d’Angela Merkel se dessine dans le congrès du SPD
©Odd ANDERSEN / AFP

Une page se tourne ?

Le SPD se réunit en congrès. L'avenir de la coalition CDU-CSU-SPD sera abordé. Angela Merkel a annoncé l'an dernier qu'elle se retirerait de la vie politique à l'issue de son mandat, en 2021. Sa coalition gouvernementale, composée de son parti, la CDU, et des sociaux-démocrates du SPD, est en danger.

Jérôme Vaillant

Jérôme Vaillant

Jérôme Vaillant est professeur émérite de civilisation allemande à l'Université de Lille et directeur de la revue Allemagne d'aujourdhuiIl a récemment publié avec Hans Stark "Les relations franco-allemandes: vers un nouveau traité de l'Elysée" dans le numéro 226 de la revue Allemagne d'aujourd'hui, (Octobre-décembre 2018), pp. 3-110.
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Atlantico.fr : Le SPD se réunit en congrès à partir d’aujourd’hui, vendredi 6 décembre, jusqu’à dimanche 8 décembre. Doit être notamment discuté l’avenir de la grande coalition CDU-CSU-SPD derrière Angela Merkel. L’enjeu du week-end est-il la fin de cette coalition ?

Jérôme Vaillant : Je ne crois pas que ce soit l’enjeu. Compte tenu de mes connaissances de ce qui se passe au sein du SPD actuellement, je ne crois pas que le véritable enjeu soit déjà – et j’insiste sur ce déjà – l’avenir de la grande coalition. On a aujourd’hui affaire à un SPD profondément divisé. Il n’y a pas seulement au sein du SPD une nouvelle direction (encore faut-il qu’elle soit d’ailleurs confirmée par le congrès, ce qui devrait arriver), composée de Saskia Esken et de Norbert Walter-Borjans, il y a aussi une partie du SPD qui pense que quitter la grande coalition en claquant la porte ne rimerait pas à grand-chose, et que ce serait au contraire quelque chose qui pourrait précipiter le déclin du parti. Il ne faut pas perdre de vue le fait que ce duo n’est pas obligatoirement bien installé au sein du parti. Il ne le connaît pas dans toutes ses ramifications.

Les négociations qui ont été menées entre ce nouveau duo et le comité directeur du SPD a conduit à la mise en place d’une proposition qui sera soumise au Congrès à Berlin, proposition plutôt modérée, proposition de compromis entre les deux mouvements en présence au sein du parti. Cette proposition n’est pas l’expression des volontés des deux nouveaux dirigeants du parti. D’autant que ce duo est composé d’amateurs : Saskia Esken et Norbert Walter-Borjans ne sont pas des personnalités très connues en Allemagne et n’ont pas l’expérience du pouvoir fédéral.

Le compromis trouvé consiste en trois points : améliorer le pacte qui a été accepté par l’actuel gouvernement sur le climat, jugé insuffisant par une grande partie du SPD ; provoquer des investissements massifs dans les infrastructures ; augmenter le salaire minimum à 12€, alors qu’il est aujourd’hui en dessous de 10€. La tendance va donc plutôt à reconnaître la nécessité de réunir la grande coalition à mi-parcours, pour voir ce qui a été obtenu par le parti et ce qui pourrait être développé. Ces trois thèmes pourraient être l’objet de négociations avec la CDU et la CSU, qui pourraient être vigoureuses. Par conséquent, ce qui n’arrivera sans doute pas au Congrès de Berlin pourrait arriver par la suite.

 C’est aussi le sort d’un certain nombre de personnes qui va être réglé à Berlin, par exemple celui du ministre des Finances. Si Olaf Scholz décidait de démissionner de sa fonction, ce serait un geste qui pourrait davantage fragiliser la coalition actuellement.

Faut-il prévoir plutôt une rupture de cette coalition ou une réduction de la marge de manœuvre de la chancelière avant la fin de son mandat en 2021 ?

Je ne voudrais pas jouer au devin. L’objectif poursuivi par Angela Merkel et par les chrétiens démocrates, c’est de se maintenir au pouvoir au moins jusqu’en 2021. Si ce n’est pas au sein d’une coalition, ce serait, comme certains le suggèrent à la chancelière, avec un gouvernement minoritaire, ce que l’Allemagne n’a jamais connu véritablement au niveau fédéral.

On ne peut rien exclure, vu que le SPD n’est pas une garantie de stabilité. La faiblesse du parti est un élément de déstabilisation. Ce qui ne se produira pas dans les jours qui viennent, cela peut se produire à une autre occasion. C’est d’ailleurs redoutable pour la politique allemande, parce qu’on n’a pas le sentiment que le gouvernement soit capable de prendre de grandes décisions, mais plutôt qu’il est en train de louvoyer pour éviter les difficultés. Cela n’est pas une bonne chose.

Que ce soit au Royaume-Uni, en Italie ou en France, les gouvernements européens semblent ne plus avoir de majorité d’action pour mener à bien des politiques. Grâce aux coalitions, l’Allemagne a réussi à passer à travers les gouttes. Mais la nouvelle génération sociale-démocrate semble vouloir changer de cap. En cas de crise politique majeure, y aurait-il d’autres possibilités de coalition ? Vers quoi se dirigerait-on ?

Je fais partie de ceux qui ont regretté qu’après les élections fédérales de septembre 2017, l’expérience d’un gouvernement à trois, CDU-CSU, Verts et libéraux, n’ait pas abouti. Cela aurait été une expérience intéressante et utile qui aurait épargné à l’Allemagne cette nouvelle grande coalition pas très solide. Cela n’a pas marché à cause du retrait des libéraux. Je ne pense pas qu’on puisse imaginer, si jamais la grande coalition devait se défaire, que les libéraux souhaitent entrer dans une coalition du type de celle qu’ils ont refusée. On s’orientera sans doute vers des élections anticipées dans ce cas-là, élections lors desquelles les Verts auraient très certainement une carte à jouer. On peut imaginer une coalition après des élections anticipées qui serait faite de la CDU-CSU, de Verts, peut-être appuyée de libéraux.

Dans quelle mesure la faiblesse de la grande coalition fragilise Angela Merkel en Europe ?

La prédominance de l’Allemagne sur les sujets européens est déjà remise en cause depuis longtemps. C’est de toute façon une prédominance qui ne s’est manifestée que dans le domaine financier et économique. Sur le plan de la politique internationale et des opérations extérieures, ce qui a caractérisé les différents gouvernements Merkel, c’est plutôt la tendance à la prudence et au retrait, malgré quelques avancées par ci, par là. On sent que les chrétiens démocrates cherchent à aller plus loin que la chancelière Merkel sur l’Europe et sur la défense européenne. On oublie en France d’écouter ce qui se dit entre les lignes chez les chrétiens démocrates. Sans vouloir présager de l’avenir de l’actuelle ministre de la Défense et présidente de la CDU, Annegret Kramp-Karrenbauer, elle a une formule à laquelle on devrait s’intéresser : « Il faut rester transatlantique et devenir plus européen », a-t-elle expliqué.  Elle parlait de l’Europe de la Défense. Je pense qu’on n’a pas compris véritablement le positionnement de l’Allemagne et d’Angela Merkel sur l’Europe de la Défense et les relations transatlantiques.  Angela Merkel, dès l’arrivée de Trump au pouvoir, a dit qu’à l’évidence, on ne pouvait plus compter sur les amis d’hier comme on l’avait fait jusqu’alors. Le problème à mes yeux, c’est qu’elle semble avoir fait la bonne analyse mais qu’elle n’a pas suivi cette analyse de propositions concrètes, qui auraient pu aller au-devant des propositions de la France telles que formulées par Emmanuel Macron. Il y a là un déficit manifeste et il n’est pas sûr que l’actuel marasme politique favorise l’émergence de grands projets européens, à quelque niveau que ce soit, en Allemagne.

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