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Giorgia Meloni a permis à la coalition de droite de triompher dimanche soir lors des élections législatives en Italie.
Giorgia Meloni a permis à la coalition de droite de triompher dimanche soir lors des élections législatives en Italie.
©Piero CRUCIATTI / AFP

Victoire d'une candidate post fasciste

Giorgia Meloni, présidente du parti Fratelli d'Italia et probable future première ministre de l'Italie, incarne un mouvement à l'ADN post-fasciste qu'elle a réussi à "dédiaboliser" pour arriver au pouvoir.

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle est un géopolitologue et essayiste franco-italien. Ancien éditorialiste (France SoirIl Liberal, etc.), il intervient dans des institutions patronales et européennes, et est chercheur associé au Cpfa (Center of Foreign and Political Affairs). Il a publié plusieurs essais en France et en Italie sur la faiblesse des démocraties, les guerres balkaniques, l'islamisme, la Turquie, la persécution des chrétiens, la Syrie et le terrorisme. 

Son dernier ouvrage, coécrit avec Jacques Soppelsa, Vers un choc global ? La mondialisation dangereuse, est paru en 2023 aux Editions de l'Artilleur. 

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Leonardo Dini

Leonardo Dini

Leonardo Dini est philosophe du droit, expert en politique nationale et internationale. Il est également auteur de plusieurs ouvrages.

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Notre chroniqueur Alexandre del Valle s'est entretenu ce week-end, au moment où les Italiens votaient dans le cadre des élections législatives, avec Leonardo Dini, philosophe du droit franco-italien et expert de politique internationale. Il nous a fait part tant de ses analyses politiques que des différents scénarii possibles, parfois contre-intuitifs, tant le système politico-électoral italien (qui rappelle d'ailleurs notre IVème république française parlementaire-partisane), est différent de celui, fort simplifié, de la Vème République, voulue par le général De Gaulle qui souhaitait justement éviter les éceuils des gouvernements instables de la république précédente. Le point sur une élection italienne majeure, tant sur le plan de la question européenne qu'en matière de politique économique et de politique intérieure et institutionnelle, d'autant que l'un des thèmes de campagnes favoris de Giorgia Meloni est justement le changement de la Constitution et l'évolution d'un nouveau système plus stable sur le modèle gaullien. Ce à quoi la gauche (parti démocrate) de M. Letta a répondu par la négative absolue en martelant dans les meeting qu'il ne laisserait pas la droite saboter "notre" belle Constitution...

Alexandre del Valle : A ceux qui ont "peur" de la figure "post-fasciste" de Giorgia Meloni, il convient de répondre que la victoire du "centre-droit" italien et donc de la majorité obtenue par Madame Meloni ne conduiront pas forcément à sa nomination comme Première Ministre, étant donnée la structure du système électoral, constitutionnel et institutionnel italien qui est un régime parlementaire de "partis" comme dans notre IV ème République passée. Qu'en pensez-vous?

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Leonardo Dini : À mon avis, il n'est pas dit que les choses se passent comme ça. On se rappelle des précédents de 1995-1996, sous les gouvernements de Romano Prodi et Lamberto Dini après la tentative inachevée avec le gouvernement Ciampi, lorsque l'ex-PCI (parti communiste italien) l'a autorisé à gouverner avec l'accord de Washington. Aujourd'hui, la coalition de centre-droit de Giorgia Meloni (ex-membre du Movimento sociale italiano-MSI, devenu Alleanza Nazionale, puis FDI avec un nom inspiré de l'incipit de l'hymne national italien), est dans une situation inédite. D'une certaine manière, son mouvement a éclipsé la droite italienne postfasciste qui, pendant de nombreuses années, a été tenue à l'écart de l'arc constitutionnel et fut considérée uniquement comme une force d'opposition. Certes, l'ex-Alleanza Nazionale (AN) de Gianfranco Fini, à laquelle Meloni a appartenu, était devenue un temps une force gouvernementale, mais en renonçant à la flamme tricolore (l'ancien symbole du MSI) et en se dissolvant dans le parti de Silvio Berlusconi, Forza Italia. Ce retour en force de Meloni et de son parti "neo-post-fasciste" surviennent cent ans pile poil après la Marche sur Rome..., hasard ou coïncidence ? C'est comme si en 2021, cent ans après la fondation du PCI, il y avait un gouvernement post-communiste en Italie. De l'autre côté de l'échiquier, le Parti démocrate (gauche), bien que très affecté et pénalisé par ses origines issues du PCI et de la DC, est devenu un mouvement nouveau plus du tout composé d'anciens apparatchiks communistes, donc rénové. A l'inverse, la droite de gouvernement capable d'arriver aux affaires après avoir effacé la mémoire totalitaire passée dans le cadre d'une démocratie libérale a soit fait défaut en Italie, soit n'a fait irruption que dans la droite centriste de la Democrazia cristiana (DC) et en partie dans le parti conservateur de Berlusconi, le PDL (popolo delle Libertà, d'ailleurs un parti libéral également nommé PLI existait jusqu'à fin 1993) ex-Forza Italia, tandis que Meloni incarne une sorte de retour en arrière bien plus radical, d'où la reprise de la flamme tricolore...

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Donc pour vous répondre, il y a donc un risque d'effet similaire au cas de Le Pen en France: un isolement externe et interne. Ensuite, en Italie, la nation est divisée entre les pour et les contre ce futur gouvernement de "centre-droit" en réalité très très à droite. N'oublions pas que l'Italie est le pays des Guelfes et Gibelins, toujours divisés sur tout et indécis sur tout...

ADV : Toujours?

LD : La dernière fois que la querelle battait son plein, elle opposait le gouvernement "jaune-vert" ("giallo verde") de la Lega et du M5S (Cinq Etoiles) et le gouvernement Pd (Gauche/parti démocrate), tandis qu'auparavant, c'était entre les gouvernements Berlusconi et Démocrates. Maintenant c'est à nouveau entre la droite et la gauche, entre le parti démocrate de M. Letta et la droite dure de Mme Meloni.

Pour revenir à votre première question, en cas de victoire de la droite, il est possible, qu'en alternative à une Giorgia Meloni qui ne rassurerait pas, l'on se dirige vers le choix d'un technocrate de droite, comme par exemple les économistes Giulio Tremonti ou Mario Baldassarri (ex-ministre de l'économie et des Finances de droite et ex-vice-president du Senat), ou même le diplomate Giulio Terzi (ex-ministre des affaires étrangères du gouvernement Monti).

Même si cela est peu probable, en cas de succès du centre gauche ou de résultat équilibré, le poste de Mario Draghi pourrait être confié à un technicien, à un économiste, comme Carlo Cottarelli, expert en révision des dépenses, nom d'ailleurs également retenu par le centre droit. Certes, avec une victoire nette de la droite, Mme Meloni pourrait recevoir un "mandat exploratoire" du président de la République Mattarella (qui nomme les présidents du Conseil), en tant que la leader incontestée de la coalition gagnante, mais il ne sera pas facile à Giorgia Meloni d'assurer une coalition solide et cohérente pendant 5 ans. De plus, elle devra faire face à l'inévitable rivalité avec Salvini, à nouveau vice-Premier ministre et nouveau ministre de l'Intérieur et que Silvio Berlusconi a défini un jour "notre Butteur"...

Au centre du centre droit, il existe aussi la branche quasi "janséniste", des centristes de Tajani (longtemps bras-droit de Berlusconi) et de Maurizio Lupi, un berlusconien modéré qui fut ministre d'un gouvernement de gauche sous Renzi.

ADV : Le tandem centriste Calenda-Renzi et leur nouveau parti centriste-européiste très "draghiste" n'est-il pas devenu le maître des horloges dans ces élections en tant que parti pivot ?

LD :  Oui, il est intéressant de s'attarder sur le cas de l'alliance étonnante entre Matteo Renzi, l'ex-président du Conseil démocrate (partenaire stable de Macron à travers son bras-droit Sandro Gozi, ex-Secrétaire d'Etat chargé des Affaires européennes, entré dans la politique française en se faisant élire, en 2019, député européen sur la liste de LREM) et Carlo Calenda, l'ex-Ministre de Renzi qui a fondé en 2019 le nouveau parti Azione. Ce parti se positionne comme l'alternative absolue aux populistes, il affiche des positions libérales-européistes et modérées et exprime les intérêts de la moyenne et haute bourgeoisie italienne, du travail, des entreprises, des professions libérales et du commerce. Cette alliance inédite Calenda-Renzi vise certes à gagner et à gouverner, mais on sait qu'elle peut difficilement faire plus de 10%. Toutefois, elle est décisive pour le succès de l'une des deux coalitions, car en cas de forte percée d'Azione, le parti démocrate peut perdre de nombreux électeurs. Renzi et Letta, comme cela s'est déjà produit avec le gouvernement Draghi, ont d'ailleurs parfois été obligés d'être de s'allier, soit dans l'optique de l'opposition, soit pour gouverner. Accrédités par les sondages à moins de 5 %, le pôle Azione de Calenda et Renzi, attracteurs des voix modérées et progressistes, visent les 10 %. Ils proposent un programme réformiste sur l'économie, les entreprises et le travail, pour relancer le système de production et le marché du travail italiens. Par conséquent, la surprise de ces élections pourrait venir de l'affirmation de ce "troisième pôle".

Leur pari ne sera pas facile: déjà dans le passé, diverses figures du centre électoral, de "La Margherita", qu'il s'agisse de Luca Cordero di Montezemolo, ou de l'ex-président du conseil technocrate Mario Monti, ont tenté en vain de recréer un Centre qui en fait n'existe plus depuis 1993, c'est-à-dire depuis l'époque de la Démocratie Chrétienne alors déconfite avec l'opération du juge Di Pietro Mani Pulite. Il ne restait donc depuis des années que Forza Italia de Berlusconi, qui se voulait être le "centre droit", c'est-à-dire le centre au sens historique, alors qu'en fait il a gouverné en s'alliant systématiquement avec la droite dure post-fasciste (AN) et les régionalistes-populistes de la Ligue Nord devenue Ligue.

ADV : Qu'en est-il du positionnement de Matteo Renzi et Calenda et de leur parti Azione, sur l'Ukraine et la Russie ? Il semble que leur position soit originale non, inspirée entre autres par celle -pacifiste- du Pape dont ils se disent proches?

LD : Oui, en effet, Matteo Renzi a récemment proposé une "mission de maintien de la paix" avec Angela Merkel, et il propose aujourd'hui une délégation ou une "mission exploratoire" pour traiter avec la Russie, préconisant ainsi la négociation de l'Europe comme alternative à la guerre Russie/Otan-Etats-Unis. La position de Azione semble assez proche de celle de la diplomatie vaticane et du Pape lui-même sur ce plan (ndlr). 

ADV : Si le Parti démocrate confirme électoralement sa chute anticipée par les sondages, comment va-t-il survivre?

LD : On dit en Italie que quelques années d'opposition seront bonnes pour le Parti démocrate, qui aspirait à être la nouvelle Démocratie Chrétienne. 

ADV : Revenons à Meloni, quid de la nouveauté d'une femme présidente du Conseil, dont Hillary Clinton elle-même a dit que cela est une bonne chose en soi?

LD : Dans la mentalité italienne, une femme Premier ministre serait une révolution: ce serait la première fois que cela se produirait, mais il faudrait plutôt une femme modérée ou progressiste, afin d'éviter le défaut politique qui l'a déjà accablé, comme jadis pour Marozia (papesse contestée du Moyen Age), ou comme on l'a vu avec la maire de Rome (cinq étoiles), Mme Raggi l'an dernier.

A tout cela s'ajoute le tableau des relations internationales qui se complique du fait de l'aggravation de la guerre en Ukraine. Bien que Meloni et le centre-droit prétendent ne pas être financés par les Russes et ne les soutiennent pas, il existe de vastes situations passées d'affinité et de soutien au gouvernement de M. Poutine et à des positions politiques proches de la Russie qui constituent des précédents embarrassants et problématiques. Giorgia Meloni court le risque de se retrouver isolée en Europe et d'avoir la tentation, dans laquelle la Hongrie, la Bulgarie, la Serbie et une partie de l'opposition en République tchèque sont déjà tombées, de développer des politiques ambiguës ou "neutralistes" considérées inappropriées et erronées dans ce contexte international tendu.

Enfin, ce gouvernement de droite dure italien incarné par Meloni arrive en octobre 2022, soit pile un siècle après la Marche sur Rome, lorsqu'en Italie renaît la nostalgie du fascisme et de l'Empire de Mussolini, idée anachronique mais liée aux temps de crise et de malaise social généralisé qui courent à travers le pays.

La nouvelle droite saura-t-elle faire comme Gianfranco Fini jadis qui s'est émancipé du MSI fasciste et a dépassé la nostalgie vers un patriotisme au second degré qui est celui de la nation européenne ? Rappelons que la jeune Giorgia Meloni était comme Fini membre du MSI, le Movimento Sociale italiano, fasciste, dont la flamme tricolore était commune à celle de J.M. Le Pen, et qu'il figure désormais comme symbole-logo du parti de Meloni, la FDI... A l'époque, la devise du jeune mouvement de droite était : "nous ne sommes pas les derniers d'hier mais les premiers de demain". Toutefois, la flamme tricolore, qui remonte à la République sociale de 1945 (lorsque le mouvement fasciste de Mussolini battu à Rome s'est replié dans le Nord, à Salo', sous le contrôle total de l'allié hitlérien, ndlr), reste un symbole du passé et qui divise, tout comme le marteau et la faucille de l'autre côté de l'échiquier politique.

ADV : Un scénario comme celui de Giuseppe Conte, qui, entre 2018 et 2021, devint le Président du Conseil avec à ses côtés deux vice-premiers-ministres, Matteo Salvini et Luigi Di Maio, peut-il se reproduire, donc en écartant la figure gagnante des droites Meloni?

LD : Historiquement, le rôle des vice-premiers-ministres est une conséquence des accords pré et post électoraux entre les forces politiques et, parfois - comme dans le cas du gouvernement Draghi, il résulte d'un compromis dans une coalition aussi vaste que complexe et difficile à gérer. Aujourd'hui, si la réapparition de Salvini comme vice-premier ministre du centre-droit apparaît comme une évidence, alors qu'il pourrait se proposer lui-même comme Premier ministre de la coalition dans une seconde phase de l'exploration présidentielle de Mattarella sur le choix du premier ministre, la présence d'un deuxième vice-premier ministre comme en 2018 n'est pas du tout acquise, même si ce rôle pourrait cette fois se jouer autour de Tajani ou Lupi.

Le thème décisif du rôle des centristes Calenda et Renzi demeure aussi intacte: ils résisteront à la tentation de faire comme les Cinque Etoiles en 2018, c'est-à-dire à des alliances téméraires avec le centre droit, sous prétexte de jouer un rôle de leaders qui intègrent la coalition gouvernementale.  Calenda et Renzi, pourraient plus probablement soutenir le leader du parti Démocrate, Enrico Letta, pour tenter de former un centre exécutif étendu au Parti démocrate, aux Cinq étoiles (M5S), un gouvernement alternatif fragile mais hypothétiquement possible si le centre droit n'obtient pas un franc succès.

ADV :Le pouvoir financier et Bruxelles et les médias ont déjà commencé à étiqueter Meloni de "néo-fasciste" et de danger populiste. Peuvent-ils réellement l'empêcher d'être Premier ministre ou au moins influencer le futur gouvernement pour faire plier le centre droit ou adoucir certains points difficiles de son programme?

LD : À titre préliminaire, je dirais que, déjà dans le passé, avec la démission forcée de Berlusconi, après ses frasques et dans le contexte de la situation économique et financière italienne très grave, cela est déjà arrivé. Et aujourd'hui, il est évident que Bruxelles et les puissances financières se méfient d'un exécutif trop à droite, même s'il existe toujours objectivement, certaines puissances financières et internationales fortes de droite qui peuvent soutiennent des gouvernements très droitiers. En outre, la baisse du niveau et du classement dans l'évaluation globale et la résilience du système italien et de la dette publique suscitent des inquiétudes fortes.

Il y a aussi les problèmes concernant le nom du prochain ministre de l'économie, probablement un technicien de droite, car le nom du ministre de l'économie est un élément rassurant, même dans des gouvernements jugés instables ou peu modérés. Je rappelle l'exemple de Ciampi pour le gouvernement Prodi de 1996 ou de Lamberto Dini pour le gouvernement Berlusconi de 1994, garants envers le FMI et envers les USA et l'Europe, comme l'ont été également dans deux gouvernements récents, à des titres divers, Gualtieri et Padoan.

Draghi, en revanche, était lui-même le garant des puissances européennes et économiques, ce qu'on ne peut plus reproduire aujourd'hui...

Il est possible que les politiques d'un nouveau gouvernement de centre droit (j'ajoute au passage que je crois que les classifications qui dataient de 1963 entre "centre droit" et "centre gauche", nées au temps de la première république, soient clairement dépassées!) soient impactées par les "corrections" de l'UE sur les questions controversées de l'immigration, les non-relations susmentionnées avec Moscou, sur les politiques budgétaires et sur les politiques du travail, ainsi que sur d'autres dossiers d'intérêt européen et supranational.

Se pose également la question de savoir si et comment ceux qui ont brandi la bannière anti-européenne et pro Trump (en 2017 et dans le futur en 2024, s'il est réélu), donc clairement populiste, pourrons poursuivre leur programme et intégrer des thèmes liés à l'Intégration européenne.

N'oublions pas que le gouvernement de droite de FDI ne sera que le fruit de l'opposition dialoguée et tenace de Mme Meloni au gouvernement Draghi, car elle a été ces dernières années la seule force d'opposition - avec la gauche italienne - et c'est pour cette raison qu'elle a été récompensée par le vote massif des Italiens, un vote qui s'est traduit par un référendum "pour ou contre Draghi", avec une issue qu'on devine en fait depuis de longs mois, à travers des sondages et des analyses critiques internationales. J'ajoute que si Meloni n'est jusqu'à présent pas suffisamment connue à l'étranger, Salvini, Berlusconi et Tajani ont une notoriété qui dépasse les frontières italiennes.

ADV : Est-il vrai que Giorgia Meloni voit souvent Mario Draghi et qu'ils réfléchissent à certaines propositions de ministres et qu'elle veut ainsi rassurer les marchés financiers internationaux et Bruxelles, en essayant d'imposer à Salvini certaines questions d'impact économique et géopolitique considérées essentielles par le premier ministre sortant Draghi ?

LD : Si le pacte informel de consultation périodique, qui a eu lieu pendant la majeure partie du gouvernement Draghi, entre Giorgia Meloni - en tant que leader de l'opposition de l'ombre - et le chef du gouvernement est vrai et tout à fait normal, aujourd'hui ces dialogues semblent plus concerner la perspicacité des commérages que la politique concrète...

C'est une pratique courante, dans les périodes de transition, surtout si le résultat du vote semble se profiler depuis un certain temps. Pareil dialogue entre le Premier ministre sortant et les nouveaux dirigeants potentiels/premiers ministres éventuels fait partie du jeu dans toute démocratie évoluée, même si l'Italie ne connaît toujours pas le mécanisme de la "méfiance constructive" allemande, ni celui de la "convention constitutionnelle" anglo-saxonne.

La nouvelle Première Ministre britannique, Liz Truss, par exemple, avec une méthode épistémologiquement inconnue en Italie, a été élue à la majorité des adhérents lors d'une consultation interne du parti conservateur: des "primaires à l'anglaise" mais de nature confirmatoire.

Il est certes évident que Draghi, en bon fonctionnaire, prend soin - en plus de laisser une gouvernance ordonnée et bien gérée de l'administration gouvernementale ordinaire - de suggérer des noms et des sujets utiles à un prochain exécutif. Bref, Draghi n'est pas Churchill et Meloni n'est pas l'Elizabeth d'Angleterre du début, je ne crois donc pas que Draghi fasse des intrigues byzantines...

Cependant, dans le jeu des probabilités de cette politique italienne incertaine et étrange, si difficile même en temps ordinaire, à comprendre pour les étrangers et pour les observateurs internationaux, tout est plausible... même un gouvernement 'Draghi 2', certes inattendu, comme cela s'est déjà produit pour Mattarella et Napolitano, rappelés dans le jeu à l'improviste, ou comme cela a pu arriver justement à Carlo Cottarelli (nommé président du conseil par le président de la République juste avant de renoncer) ou à d'autres technocrates, régulièrement impliqués, malgré eux, dans les jeux d'équilibre, de politique et de Palais.

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