La droite entre boulevard et trou de souris<!-- --> | Atlantico.fr
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Eric Zemmour est crédité de 5% dans les sondages.
Eric Zemmour est crédité de 5% dans les sondages.
©Ludovic MARIN / AFP

Les maux habituels de la droite

L’histoire de la droite est celle d’une série de trahisons: à la trahison des politiques entre eux vient s’ajouter la trahison des entités réelles et du droit naturel. A l'orée de 2022, elle s'enfonce dans les mêmes travers.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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A la plupart des élections présidentielles depuis la mort de Georges Pompidou, la droite a joué avec le feu et elle a souvent perdu. Il y a deux manières de perdre, pour les forces politiques qui gardent un lien avec le réel et préfèrent la France telle qu’elle est aux injonctions des idéologues. La première, la plus évidente, est l’incapacité à surmonter les rivalités personnelles: de l’affrontement entre Giscard et Chirac en 1981 aux poignards plantés dans le dos de François Fillon par Nicolas Sarkozy et Alain Juppé en 2017, la succession des haines de mélodrame conduisant à de retentissantes défaites racontent la vanité des hommes politiques aux dépens de ceux qu’ils devraient défendre. Plus grave encore et plus insidieux est le fréquent refus de la droite d’être de droite. D’un Giscard, homme profondément de droite personnellement mais jouant en permanence le rôle, mal ajusté, d’un progressiste, à Nicolas Sarkozy élu grâce aux voix du Front National mais pratiquant l’ouverture à gauche au lieu de constituer un gouvernement de droite, en passant par un Jacques Chirac s’appliquant à faire mourir à petit feu le gaullisme qui l’avait nourri et lancé en politique, l’histoire de la droite est celle d’une série de trahisons: à la trahison des politiques entre eux vient s’ajouter la trahison des entités réelles (l’héritage patrimonial ou le capital français, les familles, la nation) et du droit naturel. Etre de droite, en effet, c’est respecter le réel et se souvenir que la loi ne fait jamais qu’expliciter la nature des choses et protéger les libertés individuelles et collectives sans en définir le contenu. 

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En 2022 rien de nouveau

La cuvée de droite 2022 semble bien avoir les défauts des précédentes. Est-il besoin de s’étendre sur le ridicule de candidats de la galaxie LR pour l’instant incapables à eux seuls d’atteindre le second tour mais étalant leurs divisions?   Bertrand, Wauquiez, Pécresse se font tester au second tour et là, ils battent tous Macron ! Le problème, c’est qu’aucun n’atteint le second tour dans la dynamique actuelle des sondages. Quant à Marine Le Pen, capable d’atteindre le second tour, elle s’obstine à ne pas vouloir être « de droite »: soit qu’elle ignore le patronat (qui le lui rend bien, il est vrai); soit qu’elle dise craindre que Zemmour vienne entraver son opération de « dédiabolisation ». Quant à Eric Zemmour lui-même, il semble bien décidé à troquer la place solide de premier influenceur politique du pays et de potentiel faiseur de roi à droite pour une incertaine candidature à la présidentielle, un métier dans lequel il a encore tout à apprendre. 

Le problème, pour accéder au boulevard, c’est le trou de souris qui est devant

En vérité, la droite a un boulevard devant elle. Emmanuel Macron est le plus catastrophique de nos présidents. A l’incompétence d’un François Hollande, il ajoute l’arrogance de celui qui a su une fois exploiter avec bonheur les circonstances et qui croit que désormais « la France ne suffit pas ». « Make Our Planet Great Again » disait avec morgue en 2017 celui qui a dû faire matraquer les Gilets Jaunes puis sortir 25 milliards pour éteindre la révolte sociale; qui a présenté, avec la réforme des retraites, la copie la plus bâclée de notre histoire politique; et qui ne cesse de mendier le soutien de l’Allemagne pour pouvoir endetter la France. Il ne fait aucun doute qu’un candidat de droite modeste et à l’écoute de la « France périphérique » autant que des plaintes des créateurs de richesse accablés de normes et d’impôts, a les plus grande chances de s’imposer.  A une condition: savoir passer d’abord par le trou de souris que les droites se sont construites à elles-mêmes. Qu’ils soient à 25% (Marine Le Pen), 15% (Bertrand & Cie) ou 5% (Zemmour, Dupont-Aignan), les candidats tendent naturellement à rétrécir la brèche dans laquelle ils pourraient s’enfoncer. Forte du soutien de la France populaire, Marine Le Pen devrait être à 35% dans les sondages - mais son manque de travail et son désintérêt pour le monde des décideurs économiques la condamne à stagner. On se moque volontiers sur les réseaux sociaux de la grenouille Bertrand qui veut se faire aussi grosse que le boeuf Macron; mais tous ses rivaux sont atteints du même syndrome. Et l’ambition est, pour parler comme René Girard, une maladie mimétique dont tous sont frappés et tous risquent de mourir faute d’avoir compris ce qu’attendent les Français. 

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Ceux qu’ils veut perdre, Jupiter les rend fous

Apparemment, 70% d’abstention aux élections régionales n’ont pas suffi pour faire comprendre aux droites l’exigence, élémentaire, de nos concitoyens: ils attendent de leurs hommes politiques vérité et désintéressement. Ils veulent des politiques qui, non seulement, fassent ce qu’ils ont annoncé mais aussi disent la vérité sur ce qu’ils sont en train de faire. Ils attendent un retour à la raison d’être du pays: le service du pays. Que vaut-il mieux, quand on est Laurent Wauquiez: faire élire Xavier Bertrand et obtenir un ministère régalien ou bien se morfondre cinq ans de plus dans l’opposition nationale? Que devrait chercher Valérie Pécresse: aider Michel Barnier à construire une coalition victorieuse ou bien se laisser emporter par l’idée désincarnée que « c’est maintenant le tour d’une femme »? Qu’attendent les Français d’Eric Zemmour: qu’il empêche un candidat LR d’arriver au second tour ou bien qu’il pèse suffisamment sur les droites, par son verbe que les chroniques quotidiennes ne semblent pas émousser, et fasse battre Emmanuel Macron avec, pourquoi pas, des députés aux législatives et un ministère à la clé? 
Il est bien vrai que ceux qu’ils veut perdre, Jupiter les rend fous ! Malheureusement, la formule semble réussir, pour l’instant, à Emmanuel Macron, que ses adversaires de droite s’ingénient à conforter par leurs divisions et leurs vanités. 

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