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La dette des Etats, ou comment la solution devient le problème
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Cercle vicieux

Michel Musolino explique comment les Etats, pris entre l'enclume de la dette et le marteau de l'euro, ont inventé un nouveau jeu, une variante du "Je te tiens, tu me tiens par la barbichette" : sauver les banques, pour espérer se faire sauver par elles. Extrait de "La crise pour les nuls" (1/2).

Michel Musolino

Michel Musolino

Michel Musolino est professeur d'économie. Il enseigne l'économie en classes préparatoires et dans des écoles de commerce à vocation internationale, comme l'Institut supérieur de gestion.

Il est l'auteur de L'Economie pour les Nuls (First) et Le Trader et la Ménagère (First).

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Les faits sont explicites : en 2011, la moyenne de la dette des pays riches était de l’ordre de 100% du PIB. Quatre ans auparavant, elle était de 70%.

Le sauvetage des banques a coûté très cher : selon le FMI (en 2011), 5% du PIB en moyenne, mais jusqu’à 12% pour l’Allemagne et 38% pour l’Irlande, sans tenir compte des garanties. La récession, ou l’affaiblissement de la croissance, a fait le reste. Les recettes ont baissé. Les plans de relance ont aussi coûté de l’argent, mais ont-ils aggravé le problème ou ont-ils évité qu’il ne s’aggrave en amortissant l’impact de la crise ? C’est l’inévitable dilemme.

L'Union européenne avait fait de la réduction de la dette un des critères de l’entrée des pays dans l’euro. La norme était clairement indiquée : la dette ne devait pas dépasser 60% du PIB.

Avant la crise, certains bons élèves respectaient la règle, d’autres pas. L’irruption de la crise a fait sauter ce critère. Vers 2010-2011, plus aucun "grand" pays n’était en règle. Dans la zone euro, la France est à 85% et l’Allemagne autour de 82%, l’Italie est à 120%, la Grèce à 165%, l’Irlande à 110%. Un des pays qui semblent se comporter le plus sagement est l’Espagne, qui se situe à 68%. Cela ne l’empêchera pas d’avoir des problèmes.

En dehors de la zone euro, la situation n’est guère plus brillante : le Royaume-Uni est à 86%. Et en dehors du Vieux Continent, on trouve deux champions de la dette : les États-Unis, qui sont le pays le plus endetté en montant global (15 000 milliards de dollars) et le Japon, qui est le pays le plus endetté en pourcentage de son PIB (229%). Pour les autres, la situation n’est guère plus brillante : neuf pays ont fait défaut entre 1998 et 2001, parmi lesquels la Russie, l’Ukraine, le Venezuela et l’Argentine.

[...]

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le niveau global de la dette n’est pas un critère de gravité de la situation. Selon le FMI, plus de la moitié des défauts a concerné des pays dont la dette était inférieure à 60%, et un tiers d’entre eux des pays dont la dette restait en dessous de 40%.

Selon les économistes qui se sont penchés sur le problème (notamment Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff), le seuil à ne pas dépasser serait de 90%. À partir de ce taux, le remboursement de la dette aurait un impact négatif sur la croissance.Selon la BRI (Banque des règlements internationaux), ce seuil serait à 85%. À partir de là, 10 points d’endettement supplémentaires coûteraient 0,1% de croissance…

D’autres, comme Paul Krugman, insistent sur le fait que c’est le manque de croissance qui fait augmenter le taux d’endettement. Le lien est établi, mais dans quel sens ? On vend des parapluies parce qu’il pleut, ou il pleut parce que l’on vend des parapluies ? Les économistes n’en sont pas à leur premier débat de ce type.

Le consensus se fait autour d’une constatation incontournable : l’État s’endette et injecte de l’argent dans l’économie. Cet argent lui rapporte et lui coûte. Il faut que le premier terme soit supérieur au deuxième. À partir de là, on peut analyser le solde budgétaire : il faut que l’"excédent budgétaire primaire" (c’est-à-dire hors intérêts) soit positif, sinon il y a effet boule de neige.

De toute manière, la véritable appréciation ne peut être qu’une projection sur l’avenir. Le pays peut-il réduire son déficit et faire augmenter la croissance ? Ces projections ne sont pas simples par la multitude des variables qui entrent en jeu, et l’appréciation est souvent de nature politique. Le FMI, dans les années 1990, a eu tendance à surestimer les capacités de certains pays du Sud à rembourser, car il en découlait le montant de la dette à… annuler !

En définitive, pour un pays qui a une dette proche de 100% du PIB, la règle est simple : il faut que le taux de croissance soit supérieur au taux d’intérêt. C’est mathématique. Et c’est là que le bât blesse. Les taux d’intérêt que doivent payer les États sont fixés par les marchés en fonction de la confiance (ou de la méfiance) qu’inspire le pays. Plus un pays a de difficultés, plus ses taux augmentent. Là où l’Allemagne peut emprunter à des taux faibles, voire négatifs, l’Italie doit payer 7%, le Portugal 10%, la Grèce 20% ou plus. On voit le piège : plus un pays a de problèmes, plus il a de problèmes.

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Extrait de "La crise pour les Nuls", First Editions (octobre 2012), 12,5 euros.

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