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Parlement européen.
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©FREDERICK FLORIN / AFP

Fin de l'Euratom

L'utopie verte de Bruxelles-Strasbourg et son antinucléarisme primaire mettent de facto fin au traité Euratom. Comment éviter que les prochaines étapes soient la Désunion européenne et la décroissance ?

Samuel Furfari

Samuel Furfari

Samuel Furfari est professeur en géopolitique de l’énergie depuis 20 ans, docteur en Sciences appliquées (ULB), ingénieur polytechnicien (ULB). Il a été durant trente-six ans haut fonctionnaire à la Direction générale de l'énergie de la Commission européenne. Auteur de 18 livres.

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Le traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique, communément appelé traité Euratom, a été signé le 25 mars 1957 à Rome. L’objectif des fondateurs de ce qu’on appelait alors la Communauté européenne était de la doter d’une énergie abondante et bon marché. 

Au début était l’énergie abondante et bon marché

Le traité Euratom visait cet objectif. Son ambition était d’organiser « les conditions du développement d’une puissante industrie nucléaire » capable de garantir l’indépendance énergétique des six pays fondateurs de l’UE. Il a permis la construction d’une industrie nucléaire florissante… jusqu’à il y a quelques années. Ce traité extrêmement bien conçu n’a pas dû être révisé depuis 76 ans ; tout avait été pensé, y compris la sûreté et la sécurité de toute utilisation de matières fissiles et qui donne lieu à une direction de l’inspection nucléaire au sein de la Direction générale énergie de la Commission européenne.

Cela a permis aux États membres qui ont développé l’énergie nucléaire civile de disposer d’une électricité bon marché tout en maîtrisant la sécurité de l’approvisionnement en électricité. L’arrivée à maturité de l’énergie nucléaire dans les années 1970 a permis à l’UE de ne plus utiliser de produits pétroliers pour produire de l’électricité, ce qui a grandement contribué à briser la stratégie géopolitique de l’OPEP visant à forcer les pays occidentaux à abandonner leur soutien à Israël.

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Aujourd’hui, l’électricité nucléaire représente un quart de la production de l’UE. En France, pays le plus nucléarisé, elle fournit 41 % de la demande d’énergie primaire, ce qui en fait l’un des rares pays au monde où la part du pétrole dans le bouquet énergétique n’est pas la plus élevée.

Mais entre-temps, l’UE est devenue verte et Bruxelles-Strasbourg n’accepte plus que les énergies tolérées (éolienne et solaire). La Commission européenne, censée être la « gardienne des traités », bafoue le traité Euratom puisqu’elle ne promeut plus cette énergie, comme l’exige le texte.

Le terminus d’Euratom

On connaît les déboires du nucléaire depuis que le tandem Ursula von der Leyen-Frans Timmermans prétend mener la décarbonation du monde. Ils ont tout fait pour paralyser l’énergie nucléaire afin de favoriser les énergies tolérées. Ils n’y sont pas parvenus grâce à la détermination de quelques chefs d’État ou Premiers ministres.

15 États membres de l’UE et le Royaume-Uni ont compris qu’ils ne pouvaient plus compter sur la Commission européenne pour relancer l’indispensable énergie nucléaire. À l’initiative de la France, ils se sont réunis à Paris le 16 mai et ont créé une « alliance nucléaire » qui préparera une feuille de route pour le développement d’une industrie nucléaire européenne intégrée afin d’atteindre une capacité de 150 GW d’énergie nucléaire dans le mix électrique de l’UE d’ici 2050 (elle est actuellement de 110 GW) grâce à la construction de 30 à 45 nouveaux grands réacteurs et au développement de petits réacteurs modulaires (SMR) dans l’UE. L’alliance demande à la Commission européenne de promouvoir cette politique « dans la stratégie énergétique de l’UE », ce qu’elle ne peut évidemment pas faire sans d’abord se renier elle-même, et ensuite, c’est tout simplement impossible, car l’Autriche et l’Allemagne ne veulent pas du tout de l’énergie nucléaire, sans parler des écologistes de tous bords qui siègent à Strasbourg. L’Autriche a d’ailleurs prévu l’interdiction de l’énergie nucléaire dans sa constitution. La pauvre commissaire à l’énergie, Kadri Simson, a déclaré qu’elle était à Paris « pour écouter leurs préoccupations », alors que son patron, Franz Timmermans, est absolument sourd à l’énergie nucléaire. Observons son dilemme puisqu’elle est estonienne et que son pays fait partie de cette alliance nucléaire.

Que se passera-t-il probablement ? Le traité Euratom s’approche de la voie de garage. Des États membres de l’UE ont compris l’irréfragable limite de l’énergie tolérée et promue par Bruxelles-Strasbourg. Ils ne veulent pas que la Chine, la Russie, la Corée et les États-Unis dominent l’avenir de l’électricité mondiale. Ils vont donc s’organiser pour que cette alliance remplace de facto le traité Euratom. L’énergie qui avait été le ciment qui a permis la construction de l’UE (traités CECA et Euratom) devient aujourd’hui le coin qui risque de défaire ce qui a été construit avec succès pendant 2/3 de siècle.

L’union de la décroissance

Un autre événement qui s’est déroulé au même moment ajoute au pessimisme. Une autre alliance, celle de tous les décroissants de l’UE, s’est réunie le même jour au siège bruxellois du Parlement européen. Beyond Growth a réuni les écologistes européens et la constellation bruxelloise des ONG environnementales, qui sont généreusement financées par des « projets » soutenus par les programmes ad hoc des institutions européennes.

Beyond Growth s’est réuni dans l’hémicycle du Parlement européen. Cela lui confère une image de sérieux, car les citoyens qui sont loin de connaître les arcanes de Bruxelles ne sont pas en mesure de faire la différence entre une telle conférence et une réunion parlementaire formelle. D’autant plus que la présidente du Parlement européen a « rehaussé » la conférence de sa présence active, envoyant ainsi un message clair à la population qui ignore tout : l’UE s’oriente vers la décroissance pour sauver la planète.

La présidente de la Commission y a déclaré que « le modèle de croissance fondé sur les combustibles fossiles est tout simplement obsolète ». Il faut donc remplacer 81 % des énergies fossiles mondiales par des énergies tolérées, mais passer de 3 % d’énergie tolérée à 100 % est physiquement impossible, sans même parler de leur volonté de bannir l’énergie nucléaire. C’est pourquoi, sans le dire ouvertement, la décroissance est indispensable. Les centaines de participants ont compris que la décroissance est au pas de la porte et ont applaudi à tout rompre (voir vidéo) ! 

Combien de temps encore les États membres auront-ils de la patience ? Certes, ils sont contraints par les promesses de centaines de milliards d’euros de financements gérés par la Commission européenne et la Banque européenne. Mais poussés par leurs populations, qui ne peuvent se résigner à la décroissance alors que le reste du monde — et les BRICS en particulier — s’empresse d’investir dans les énergies fossiles et nucléaires, ils finiront par se rebeller et par créer une alliance énergétique de bon sens, à l’image de l’alliance nucléaire. Plus dangereux que l’opposition à l’énergie nucléaire, la décroissance risque de conduire à l’éclatement de l’Union.

Préparons-nous à voter en conséquence lors des élections européennes du 9 juin 2024. Nous avons un an pour arrêter la déconstruction de l’UE.

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