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La danse qui fait des ravages et autres trucs dingues qu’on adore regarder sur le web mais qu’il vaut mieux éviter de faire chez soi, au risque de se faire très mal
©Capture d'écran Instagram

Maman, bobo

Aux Etats-Unis comme en France, la diffusion de vidéos et de photos sur Internet inspire parfois les jeunes à reproduire ce qu'ils ont vu. Malheureusement, tous ces comportements présentent parfois des risques.

Sauveur Boukris

Sauveur Boukris

Sauveur Boukris est médecin généraliste.

Enseignant à Paris, il participe à de nombreuses émissions de radio et de télévision sur les questions de santé. Il est l'auteur de plusieurs livres médicaux dont "Santé : la démolition programmée", aux Editions du Cherche Midi.

Il a écrit  "Médicaments génériques, la grande arnaque" aux Editions du Moment.

Son dernier livre s'intitule "La fabrique des malades" aux Editions du cherche midi.

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Atlantico : De nombreux adolescents se blessent en tentant de reproduire les postures de danseurs acrobatiques qui publient sur le web des photos ou des vidéos de leurs exploits physiques. Quelle est l'ampleur de ce phénomène et dans quelle mesure ces blessures peuvent-elles être sévères ? Quels exemples peut-on citer ?

Sauveur Boukris : Rappelons, pour commencer, que le phénomène est loin d'être très nouveau. Il y a plus de 20 ans déjà, la danse de rue et le phénomène break dance émergeaient, notamment aux Etats-Unis. Les adolescents français ont souhaité ressembler aux adolescents de New-York et ont tenté de pratiquer ce genre de mouvements, les torsions du corps que cela impliquait. Tout naturellement, cela a provoqué de nombreux problèmes musculaires, des douleurs, des tendinites, etc. C'est d'autant plus gênant qu'il est question d'adolescents, dont le corps n'a donc pas fini de se développer et connaît encore une pleine croissance.

Le phénomène est plus grave aujourd'hui, en cela qu'il est plus aigu. Les mouvements des danseurs, tels que montrés sur le web, sont beaucoup plus intenses et bien plus violents. Ils sont à la source de pathologies non seulement musculaires, mais également articulaires. Le problème existe en France : les adolescents, à la suite de ces mouvements difficiles auxquels ils ne sont pas préparés le plus souvent, font des claquages musculaires, des tendinites (encore une fois) qui leur imposent parfois une immobilisation à proprement parler. Cependant, il s'agit de cas qui ne sont pas très fréquents : d'une part parce que ceux qui parviennent à haut niveau sont nécessairement habitués et en bonne condition physique. Ceux qui les imitent, en revanche… 

Les adolescents se comportent le plus souvent par mimétisme et dans l'idée de créer un certain sentiment d'appartenance, de rejoindre une communauté. Danser et reproduire de tels mouvements est une façon de rejoindre un groupe. C'est relatif à la construction de l'identité de l'adolescent. C'est pourquoi certains adolescents se blessent en imitant des professionnels (ou au moins des individus compétents). Dans ce genre de situation, en tant que médecin, on croise souvent des tensions musculaires, des contractures, des tendinites. Heureusement, ces choses sont réversibles. Nous n'en sommes pas encore aux Etats-Unis, où tout est excessif, dans le nombre et dans l'intensité.

Concernant les conséquences et les blessures, il n'y a pas – ou très peu – de fractures. C'est rare. On constate beaucoup plus des contractions et des tensions musculaires, des hématomes, des tendinites. Les cas les plus graves, en France, comptent des tendinites sévères. Elles nécessitent une immobilisation, pour ne pas que le tendon et le muscle ne travaillent et se soignent à l'aide d'un plâtre. Les problèmes physiques ne sont pas, cependant, le seul souci que l'on constate : il y a également un vrai problème psychologique qui se traduit dans ce genre d'attitude. Presque d'addiction, même. Ces jeunes ont l'impression qu'ils ne peuvent pas faire autrement que d'aller au bout de l'exercice physique dans lequel ils se sont engagés et c'est un danger à part entière. Cette tendance à l'extrême, ce comportement jusqu'au-boutiste est susceptible de générer des blessures plus graves (il pousse l'adolescent à recommencer aussitôt qu'il est soigné, par exemple) et traduit potentiellement des comportements que l'on peut retrouver ailleurs que dans le sport. C'est quelque chose, ce comportement presque obsessionnel, de vraiment préoccupant.

Ce phénomène se limite-t-il à la seule danse ou d'autres photos ou vidéos sont à l'origine de blessures d'adolescents ? Lesquelles ? Quels sont les attitudes de mimétisme les plus dangereuses que l'on constate ?

Les adolescents se pensent souvent invulnérables.  Ils ne parviennent pas à se raisonner, ne pensent pas aux conséquences, vivent l'instant présent. Il y a de nombreuses situations, en effet, ou l'adolescent cherche à se désinhiber. Toujours dans l'idée d'entrer dans un groupe, puisqu'un adolescent ne se construit pas tout seul, il n'est pas rare qu'ils aillent jusqu'au bout.

Ces comportements mimétiques concernent différents types d'activités dont certaines ne sont pas sportives à proprement parler. On peut notamment citer le Ice bucket challenge, qui consiste à se verser un sceau d'eau glacée sur le corps, mais aussi les "bains" dans une eau glaciale. Le choc thermique peut présenter un danger. De la même façon, les filles (notamment) ont récemment été victimes de la tendance à se gonfler les lèvres en les coinçant dans un goulot de bouteille ; avant d'aspirer quelques secondes durant. Dans les activités plus proches du sport, n'oublions pas la mode du saut à l'élastique, responsable de plusieurs accidents et de plusieurs traumatismes. Elle illustre parfaitement la façon dont les jeunes adolescents peuvent ignorer le danger, rechercher des sensations fortes. Dans ce mécanisme, internet fait office de porte d'entrée vers des comportements que les jeunes n'auraient potentiellement pas imaginés seuls. Il agit comme une loupe, grossissant le problème et les dangers associés.

Les comportements acrobatiques ne se limitent évidemment pas à la danse. Sur des engins motorisés, comme des motos ou des voitures, les adolescents – après avoir regardé des vidéos internet – roulent parfois dangereusement. Sur une seule roue, sans casse ou en enchaînant les zig-zag. Cela n'est évidemment pas sans risque, c'est même parfois frôler la mort. C'est aussi des activités que l'on constate avec des rollers ou des skate-boards, propices également aux acrobaties et permettant cette décharge d'adrénaline qui est recherchée. Sur cette dimension, en plus du seul aspect vidéo d'internet, la possibilité de laisser des commentaires et l'absence générale de l'autorité d'un adulte pour réguler le tout peut générer une certaine forme d'escalade. Malheureusement, parfois on ne constate les dégâts que lorsque l'on retrouve ces jeunes à l'hôpital, ou aux urgences.

Le partage d'informations sur les réseaux sociaux ne provoque-t-il pas d'autres comportements à risques plus "innocents", en termes de régimes alimentaires ou d'automédication par exemple ?

Il y a bien évidemment des comportements à risque plus insidieux, comme au travers des régimes et de l'automédication. Le plus souvent les régimes touchent des populations féminines : les cures d'amaigrissement connaissent un certain succès, de la même façon que les régimes végétariens, parfois particulièrement stricts. On trouve aussi une idée assez en vogue sur internet : celle de consommer (en grande quantité) du jus de citron au petit déjeuner. Cela fait fondre les graisses mais n'est pas toujours indiqué. Un régime inadapté, surtout s'il est commencé tôt (13 ou 14 ans), constitue indéniablement un comportement à risque : il est potentiellement responsable d'anémie, de fatigue, de carence en fer, de diminution des capacités intellectuelles… entre autres symptômes.  Quant à l'automédication, les risques sont avérés.  De l'effet secondaire des médicaments inattendus (comme l'aspirine qui facilite les hémorragies et est par conséquent profondément contre indiquée en cas de règles abondantes) à des conséquences plus graves, c'est un danger réel. Un adolescent souffrant d'asthme et qui consomme en excès de la ventoline risque jusqu'à un accident potentiellement mortel, comme il m'est arrivé d'en croiser dans le cadre de l'exercice de mon métier. La ventoline en excès accentue l'asthme et peut provoquer des accidents mortels.

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