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La création de la sécurité sociale : un tournant, une rupture dans l’histoire de la protection sociale en France
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Bonnes feuilles

La liste est longue des scandales liés aux organismes de complémentaires santé dénoncés dans ce livre, dans un domaine qui concerne chacun d’entre nous : la couverture du risque santé. L’auteur dénonce cette évolution de notre système de santé et propose des mesures pour infléchir cette tendance tout en adaptant le système aux nouveaux enjeux du XXIe siècle. Extrait de "Complémentaires santé - le scandale !" de Frédéric Bizard, aux éditions Dunod 2/2

Frédéric Bizard

Frédéric Bizard

Frédéric Bizard est professeur d’économie à l’ESCP, président de l’Institut de Santé et auteur de « L’Autonomie solidaire en santé, la seule réforme possible ! », publié aux éditions Michalon.

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Le tournant de la création de la sécurité sociale

L’année 1945 marque incontestablement un tournant, voire une rupture dans l’histoire de la protection sociale en France et à l’international. Le contexte très particulier post-guerre a joué un rôle déterminant. L’ensemble des acteurs ont la volonté de bâtir un ordre social nouveau, à partir de fondamentaux et de règles différentes de la période tragique qui vient de se terminer. Il faut reconstruire le pays sous un angle social et économique nouveau.

Même si certains historiens voient dans la sécurité sociale une continuité des techniques et institutions existantes et que l’intégralité de l’ambition initiale n’a pas été réalisée, les mesures prises en 1945 s’inscrivent dans un dessein stratégique différent. Il ne s’agit pas seulement d’acquitter une dette envers les plus défavorisés et de les inciter à participer à leur propre protection mais de construire une solidarité d’appartenance, une interdépendance collective au sein de la Nation. Pour cela, il faut sortir du système de protection individuelle catégorielle et définir une protection de la collectivité. Laroque rappelait souvent que l’expression « sécurité sociale » devait être interprétée comme la sécurité de la société, la sécurité dans la société. Pour cela, un détour par le collectif est indispensable mais encore faut-il construire ce collectif. Les constituants de 1946 l’ont intégré comme une question autour de laquelle la démocratie devait se penser.

Concernant la protection en santé, de grandes règles et de nombreux outils de fonctionnement de l’assurance-maladie sont déjà installés à la veille de la sécurité sociale : conventions médicales, tarifs de responsabilité, feuilles de soins, ticket modérateur.

Près de 16 millions de personnes (soit 40 % de la population) sont concernées par les assurances sociales de 1930. Des notions importantes ont aussi vu le jour comme les cliniques conventionnées, l’émergence du concept de « longue maladie » ouvrant droit à une prise en charge élargie, la suppression du ticket modérateur pour la maternité et les interventions chirurgicales lourdes, l’émergence des caisses primaires et des mutuelles de la fonction publique. Cependant, la spécificité du projet de 1945 ne peut se concevoir par une approche simple des techniques et institutions.

L’universalisation recherchée et les ambitions natalistes et sanitaires différencient nettement la sécurité sociale des assurances sociales dont le seul but est la protection. La notion d’obligation exprime la légitimité démocratique et le statut de service public (confié à des organismes privés, les caisses primaires), ainsi que la volonté de promouvoir une société solidaire.

L’instauration de la Sécurité sociale par les ordonnances de 1945 est aussi une rupture pour les mutuelles dont le rôle premier va devenir « complémentaire santé ». Dans ce nouveau système post-1945, les mutuelles se voient marginalisées au profit des syndicats, qui participent à la gestion de la Sécurité sociale au sein du paritarisme. Après un temps d’appréhension, la Mutualité va participer au régime général de Sécurité sociale par le biais des mutuelles de fonctionnaires, notamment d’enseignants. L’État a aussi redéfini les fonctions de la Mutualité par rapport à la Sécurité sociale.

En aval du système obligatoire, la Mutualité s’installe ensuite confortablement dans ce rôle de « complémentaire ». Dans les années soixante, elle gagne aussi les grandes entreprises avec les contrats collectifs obligatoires de prévoyance. Jusqu’à la fin des années soixante-dix, la Mutualité bénéficiera d’un monopole de fait sur la couverture complémentaire. Ensuite, les sociétés d’assurance et les organismes de prévoyance vont commencer à commercialiser à leur tour des garanties de complémentaire santé.

LES COMPLÉMENTAIRES SANTÉ : UN SECTEUR TRÈS HÉTÉROGÈNE

Même si les mutuelles restent prédominantes, leur part de marché s’effrite progressivement au profit des assureurs privés. Le marché de l’assurance santé complémentaire se caractérise par un degré de concentration croissant. Le nombre d’organismes complémentaires santé (Ocam) est passé de 1 230 en 2003 à 605 en 20131 soit une baisse de 50 %. Le secteur des Ocam est encore peu concentré comparé aux autres secteurs d’assurance et le secteur mutualiste reste très atomisé.

Extrait de "Complémentaires santé - le scandale !" de Frédéric Bizard, publié aux éditions Dunod, 2016.  Pour acheter ce livre, cliquez ici

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