La Commission d’enquête sur la souveraineté énergétique de la France, remet les pendules à l’heure, mais pas forcément la machine en branle<!-- --> | Atlantico.fr
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l y a une volonté de reconstruire une industrie et une filière nucléaire française, notamment en termes d’enrichissement d’uranium.
l y a une volonté de reconstruire une industrie et une filière nucléaire française, notamment en termes d’enrichissement d’uranium.
©PATRICK HERTZOG / AFP

Souveraineté énergétique

« Le Point » s’est procuré les 30 propositions du rapport de la commission d’enquête sur la perte de souveraineté énergétique de la France.

Damien Ernst

Damien Ernst

Damien Ernst est professeur titulaire à l'Université de Liège et à Télécom Paris. Il dirige des recherches dédiées aux réseaux électriques intelligents. Il intervient régulièrement dans les médias sur les sujets liés à l'énergie.

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Atlantico : « Le Point » s’est procuré les 30 propositions du rapport de la commission d’enquête sur la perte de souveraineté énergétique de la France. Que retenez-vous de ce rapport ?

Damien Ernst : Les propositions les plus intéressantes concernent la filière nucléaire française. Il y a une volonté de reconstruire une industrie et une filière nucléaire française, notamment en termes d’enrichissement d’uranium. C’est une volonté importante. Il y a aussi une volonté de reconstruire des petits réacteurs nucléaires et de lancer la construction d'un réacteur à neutrons rapides du type de celui envisagé dans le projet Astrid abandonné lors du premier mandat de Macron. Troisièmement, il y a une volonté de maintenir la flotte nucléaire et de l’étendre dans le futur, selon les capacités industrielles de la France.

Le rapport documente « trois décennies » de « retard considérable accumulé en termes de souveraineté énergétique ». Que propose-t-elle face à cela ?

Effectivement la France se rend compte des défaillances en la matière. Et notamment des problèmes liés aux interconnexions et plus exactement de cette philosophie d’approvisionnement visant à compter sur ses voisins pour sa sécurité d'approvisionnement. La France semble maintenant vouloir être beaucoup plus autonome énergétiquement. Le contexte de la crise du gaz russe pousse beaucoup d'États à repenser leur souveraineté énergétique.

Il y a aussi une proposition d’arrêter l’ARENH, qu’en penser ?

L’accès régulé au nucléaire histoire a clairement appauvri EDF, en particulier par son usage dans la crise énergétique au cours de laquelle le volume de l’ARENH a été augmenté, forçant EDF à aller chercher ces volumes additionnels sur les marchés de gros à des prix très élevés. Cela va-t-il marquer pour autant la fin des tarifs régulés et notamment des tarifs bleus d’EDF ?  C’est à voir.

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Que retenir d’autre ?

Il y a un élément notable mais qui semble plutôt témoigner d’une mécompréhension du marché de l’électricité : la volonté de découpler le prix du gaz de celui de l’électricité. La commission n’a pas été suffisamment en profondeur dans la manière dont fonctionnent les marchés. Il n’y a que sur les marchés day ahead qu’il y a une forme de couplage explicite dans certaines configurations. C’est une proposition qui manque de finesse. Il y aurait plein d’autres possibilités de contourner le couplage sans avoir à opérer une réforme en profondeur dont on voit mal comment elle pourrait advenir. Je note que les fournisseurs sont d'ailleurs en train de vouloir proposer à leurs clients des nouveaux produits de fourniture d'électricité, de type PPA renouvelable domestique par exemple, qui sont largement découplés du prix du gaz.

De manière globale, ce rapport montre une prise de conscience des enjeux mais ne contient pas de propositions visionnaires. Des choses se développent très rapidement dans le secteur de l’énergie, comme par exemple la production de molécules riches en énergie dans des 'hubs énergétiques renouvelables', qui devraient prochainement bousculer le secteur de l’énergie et qui ne sont pas prises en compte. Pour l’instant, il y a une incapacité à se projeter sur ces enjeux. De la même manière, sur les marchés de l’électricité, on manque de créativité. On sent la prise de conscience des erreurs faites, mais les recommandations semblent un peu vieillottes. La part ambitieuse de ce texte est surtout sur le nucléaire.

Le diagnostic est-il le bon ?

Le diagnostic de la situation est bien fait. La France comme d’autres pays s’est laissée aller à des discours anti-nucléaire, prônant une forme de sobriété poussée à l’extrême. Et les raisonnables n’ont pas su trouver les arguments convaincants pour faire face à ces discours. Il a fallu que la France heurte le mur pour qu’ils soient de nouveau audibles. Mais j'encourage quand même ces personnes visionnaires ayant mis en garde de prendre conscience du fait que la libéralisation du marché de l'électricité offre beaucoup de possibilités intéressantes, il suffit d'être créatif, et que le renouvelable sera incontournable dans les années à venir.

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