La colère des classes moyennes ne s’explique ni par la réforme des retraites, ni par le défaut de pouvoir d’achat…<!-- --> | Atlantico.fr
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Des Français mobilisés contre la réforme des retraites lors d'une manifestation.
Des Français mobilisés contre la réforme des retraites lors d'une manifestation.
©FREDERICK FLORIN / AFP

Atlantico Business

La question du pouvoir d’achat qui alimente la colère des classes moyennes françaises ne s’explique pas par le manque d’argent mais par la crise du logement, le poids des dépenses contraintes, la dégradation des services publics et par le ressenti du poids de l’immigration.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La très grande majorité des Français qui s’opposent à la retraite à 64 ans, reconnaissent qu’il faudra réformer le système et reporter l’âge de départ si on veut conserver le niveau des pensions. Ce paradoxe n’explique évidemment  pas, la force et la durée des manifestations sociales, d’autant que la loi est passée sans transgression constitutionnelle.

La logique aurait voulu que le corps social tourne la pageet ouvre d’autres dossiers. C’est l’ambition déclaréede quelques syndicatsdont la CFDT. L’observation et l’analyse des mouvements sociaux montrent qu’actuellement, la colère déborde largement la question des retraites pour se recentrer sur celle du pouvoir d’achat qui sert désormais de moteur au mécontentement général mais qui porte aussi beaucoup d’autres frustrations.

Ce diagnostic sur un pouvoir d’achat qui aurait déséquilibré l’ensemble des classes moyennes françaises est à l’examen très fragile.

Si on considère que la classe moyenne en France comme ailleurs en Europe, regroupe les bénéficiaires de revenus compris entre 1200 euros et 4000 euros , net mensuel , on parle d’une catégorie qui regroupeplus de 70 % de la population. En dessous de 1200 euros neton a des gens qui sont en difficultés et parfois en très grande difficultés. Au-dessus de 4000 euros par mois, on a des populations qui commencent à être plus à l’aise. François Hollande en se référant à des calculs de l’OCDE avait même fixé à 4000 euros, le seuil à partir duquel on peut se considérer comme riche. La vérité c’est qu’avec 4000 euros on est riche plus qu’avec 2000 euros, mais on est loin d’appartenir à la classes des riches.

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Moralité chaque catégorie est assez hétérogèneet la comparaison avec les autres définit plus souvent le ressenti duniveau de richesse que le niveau lui-même. Si le voisin gagne plusque soi, on se sent pauvre et frustré. L’analyse objective des questions d’argentest très difficile à faire. 

C’est d’autant plus difficile que si on prend le montant des revenus et son évolution, parce que depuis trois ans, les revenus de la classe moyenne ont augmenté plus qu’avant . Parce qu’il y a eu de la distribution d’agent public, des baisses d’impôts et aussi parce que les salaires ont augmenté avec la reprise post covid. Sans parler de la baisse du chômage, donc dela hausse d’emplois rémunères.Dans la plupart des cas, la substitution d’une allocation chômage par une vraie rémunération apporte une vraie majoration de pouvoir d’achat.

Ce qui engendrele sentiment d’un déclassement social c’est l’inflation explosive entrainées par la hausse de prix alimentaires de base, et de l’Energie ( gaz , pétrole et électricité .)

Mais àpartir de là ? Tout est compliqué.

1e point : cette inflation est ressentie de façon différente selon la structure de dépenses. Les bas revenusétant principalement consacrés aux dépenses de base, ils prennent de plein fouet la hausse des prix. La hausse des prix alimentaires et de l’essence fait beaucoup de mal quand on gagne 1000 euros. Beaucoup moins a ceux qui gagnent dix fois plus.

2e point : cette inflation est d’autant moins supportée qu’à l’arrivée elle s’applique très rapidement …. Elle se retire beaucoup plus lentement comme actuellement. Pour reprendre une image de Laurent Berger, «  Quand les prix et les coûts montent, ils prennent l’ascenseur … quand ils descendent, ils passent par l’escalier. Actuellement Les prix du pétrole baissent au niveau international, les prix de l’essence ne baissentpas vite …

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3e point : si le pouvoir d’achat est affecté au niveau des très bas revenus, il ne l’est pas pour la majorité des autres revenus . La moyenne despouvoir d’achat a encore augmente depuis le début de cette année. Ce qui n’empêche pas la grande majorité des Français de se plaindre d’une baisse ressentie de ce pouvoir d’achat qui en réalité un véritable déclassement social.
4e point: Ce ressenti aggravé de la baisse de pouvoir d’achat s’explique par quatre séries de facteurs :

Le premier facteur,c’est la situation catastrophique du logement en France et notamment dans les grandes métropoles. Les prix sont devenus exorbitants, les conditions d’achat sont plus difficiles à cause du crédit cher. Le secteur est en déficit d’offre. On ne construit plus de logement neuf en France et les restaurations sont rares. Les municipalités ne veulent plus accorder de permis de construire parce que c’est trop compliqué. Et les écologistes ont une part de responsabilité dans ce blocage .Le comble est que les propriétaires immobiliers bénéficient d’une rentedonc ils s’opposent aux projets ce qui protège la valeur des biens immobiliers. La classe moyenne dont les seniors à la retraite et les jeunes sont exclus des métropoles.

Le deuxième facteur de déclassement c’est le poids des dépenses contraintes et notamment les dépenses de digitales. Ces dépenses sont devenues incontournables et s’accroissent. Les appareils et les services qui vont avec. Le tout dans un secteur qui n’est pas un modèle de concurrence. Or l’impossibilité de se procurer le dernier smartphone a plus de 1000 euros, est un marqueur de déclassement.

Le troisième facteur se cache dans le mauvais fonctionnement des services publics, la santé, l’école, la sécurité, ont été des biens publics très précieux pour le bonheur de la classe moyenne dans son ensemble . Or l'école ne fonctionne plus et met l’avenir des enfants en risque d’échec . La sante ne fonctionne plus comme avant et accroit le sentiment d’injustice parce que ceux qui ont de l’argent trouveront toujours le médecin ou la clinique qui les prendront en chargeetc. etc. ;

Le quatrième facteur porte sur l’immigration qui met beaucoup de gouvernements européens en risque d’échec. La société toute entière est au bord de l’overdose, compte tenu dupoids de l’immigration, et du nombre d’immigrés non intégrés, non assimilés. Avec le sentiment qu’on ne peut pas régler ce problème.

5e point : Sur le terrain politique , on s’aperçoit que si on ramène les causes et les effets du déclassement de la classe moyenne à une simple question de pouvoir d’achat , on va passer à cote du problème . Ça n’est évidemment pas avec l’hélicoptère monnaie qu'on résoudra le problèmecette fois-ci. Il faudra s’attaquer à la racine de ce ressenti : le logement, les services publics, etc. etc. C’est un programme politique pour tout un quinquennat.

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