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La Chine, l’angle mort des élections européennes
©Omer MESSINGER / AFP

L’union fait la force. Ok, mais concrètement comment ?

Les relations diplomatiques et commerciales avec la Chine sont un enjeu majeur pour l'Union Européenne, mais le sujet a été peu abordé durant la campagne.

Emmanuel Dubois de Prisque

Emmanuel Dubois de Prisque

Emmanuel Dubois de Prisque est chercheur associé à l'Institut Thomas More et co-rédacteur en chef de la revue Monde chinois nouvelle Asie.

 
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Atlantico : Les relations diplomatiques et commerciales avec la Chine sont un enjeu majeur pour l'Union Européenne. Pourtant, ce sujet est étrangement absent de la campagne des européennes. Comment l'expliquez-vous ?

Emmanuel Dubois de Prisque : Ce sujet n’est pas tout à fait absent de la campagne. Le thème est parfois abordé. Ce qui me semble plutôt remarquable, c’est la relative unanimité sur le sujet. Si l’on excepte la tête de liste de la France Insoumise Manon Aubry, qui dans le sillage de son patron Jean-Luc Mélenchon fait preuve d’une remarquable complaisance à l’égard du pouvoir chinois (en faisant l’éloge de la prétendue capacité de Pékin à réduire les inégalités), les têtes de liste sont plutôt d’accord pour proposer des politiques de fermeté à l’encontre de la Chine. Le déficit commercial, la concurrence déloyale, la nécessité de mettre en place des mesures protectionnistes et de développer le localisme sont des sujets souvent évoqués par les candidats. En creux, c’est tout de même la Chine qui est en cause et ses pratiques commerciales déloyales. Enfin, l’idée selon laquelle il faudrait que les pays européens s’unissent « face à la Chine » est un truisme absolu des élections européennes depuis déjà de longues années.

Sur quels dossiers (nouvelles routes de la soie, espionnage, investissements, expansionnisme militaire...) la Chine constitue-t-elle une menace pour l'UE? Comment cette dernière devrait-elle se positionner face à cela ?

L’UE a déclaré récemment que la Chine était « un rival systémique » de l’UE. Même si l’expression est un peu curieuse, on comprend qu’il s’agit de s’inquiéter du système international qui serait induit par un monde dominé par la Chine. La Chine n’est pas une véritable menace à court terme, mais sa montée en puissance industrielle, technologique, son irrédentisme, sa capacité à bousculer le système libéral mis en place après la seconde guerre mondiale sont profondément déstabilisatrices. Alors que de nombreux doutes assaillent les démocraties occidentales, l’apparente stabilité du système chinois, sa capacité à créer de la richesse sont susceptibles de devenir attractives. C’est sans doute le risque le plus important, même s’il reste aujourd’hui limité et relativement distant. Par ailleurs, la Chine est pour chaque État industriel un concurrent redoutable qui devrait inciter ceux qui disposent encore d’une industrie de se défendre, au niveau de l’UE comme (et peut-être surtout) au niveau national.

La "menace chinoise" ne devrait-elle pas permettre d'unir les pays membres de l'Union ? Comment expliquer qu'une position commune n'émerge pas ?

Les États membres ont des intérêts très divergents dans leurs rapports avec la Chine. Entre l’Allemagne dont le commerce bilatéral avec la Chine est très important et les pays qui ne possèdent que peu d’intérêts commerciaux ou industriels en Chine et qui en attendent avant tout des investissements dans leurs infrastructures, les divergences sont profondes. Si tous s’accordent à l’occasion pour pointer du doigt la Chine, cela ne signifie pas que les États-membres partagent des intérêts communs face à elle. En outre, prétendre qu’il faudrait un ennemi commun pour que les États membres puissent enfin s’unir est un peu curieux, alors même que l’idée fondamentale de la construction européenne était de dépasser les approches conflictuelles des relations internationales. L’idée selon laquelle il faudrait instrumentaliser une « menace » pour enfin être capable de vivre ensemble est une idée une peu veule, indigne de ce que fut l’Europe. Ce n’est pas « contre » que les Européens doivent s’unir, mais « pour », pour la défense de la civilisation et de la culture européenne, pour la reconnaissance de la valeur de notre héritage, de ce que nous devons à nos pères. A cette aune, l’UE et ses institutions sans foi ni chair importent peu, et la Chine est bien secondaire. 

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