La Chine aide beaucoup les pays émergents. Mais demande (et obtient) aussi beaucoup en retour<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président chinois Xi Jinping et le président sud-africain Cyril Ramaphosa assistent au Forum sur la coopération sino-africaine à Pékin le 4 septembre 2018.
Le président chinois Xi Jinping et le président sud-africain Cyril Ramaphosa assistent au Forum sur la coopération sino-africaine à Pékin le 4 septembre 2018.
©Lintao Zhang / POOL / AFP

Influence du régime chinois

La Chine est le premier partenaire commercial de l’Afrique lui permettant de bénéficier d'une influence économique et politique importante sur le continent africain.

Emmanuel Lincot

Emmanuel Lincot

Professeur à l'Institut Catholique de Paris, sinologue, Emmanuel Lincot est Chercheur-associé à l'Iris. Son dernier ouvrage « Le Très Grand Jeu : l’Asie centrale face à Pékin » est publié aux éditions du Cerf.

 

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Atlantico : La Chine est le premier partenaire commercial de l’Afrique, son premier créancier bilatéral et une source cruciale d’investissements dans les infrastructures. Cela lui offre une influence économique et politique importante. L'aide chinoise n'est évidemment pas désintéressée. A quel point la Chine demande et obtient-elle beaucoup en échange de son implication ? Quels exemples avons-nous ?

Emmanuel Lincot : Des années 1950 aux années 1970, l’idéologie est le principal facteur d’influence sur la politique d’aide étrangère de la Chine. Après la fondation de la République populaire de Chine, le pays est exposé à la menace du blocus militaire et économique des Etats-Unis, puis de l’ancienne Union soviétique. Durant cette même période, les pays du tiers-monde luttent pour leur indépendance nationale. Obéissant à un sentiment d’une destinée historique commune, la Chine considère le tiers-monde comme un allié important dans un « Front international uni » contre l’impérialisme et le colonialisme. Pour cette raison, elle commence à fournir de l’aide à d’autres pays du tiers-monde et s’engage dans l’exportation idéologique de son expérience dans la construction d’une société socialiste, ce qu’elle estime être une partie importante de son engagement en faveur de l’internationalisme prolétarien. L’Albanie d’Enver Hoxha, en Europe, voire certains pays d’Afrique comme la Tanzanie de Julius Nyerere ou la Guinée de Sékou Touré bénéficie de cette aide. L’influence de cette idéologie se fait fortement sentir dans les années 1960 et a atteint son apogée entre 1970 et 1975. Les « Huit principes de l’aide étrangère de la Chine », établis à l’origine par Zhou Enlai lors de sa visite à 14 pays d’Asie et d’Afrique en 1964, régissent encore à ce jour le cadre fondamental de l’aide étrangère de la Chine à d’autres pays en développement. En 1972, alors que le produit national brut (PNB) de la Chine n’atteignait que 28 % de celui de l’Union soviétique, la Chine devançait celle-ci dans le volume total de l’aide économique. Cette générosité chinoise n’était pas sans grever fortement l’économie chinoise. A partir des années 1990, à la suite de l’essor économique de la Chine, l’aide a revêtu une importance croissante au sein de la politique étrangère de la Chine. Depuis 2004, les dépenses du gouvernement central chinois consacrées à l’aide ont affiché un taux de croissance annuel de 18 %. Toutefois, cette aide est désormais subordonnée à des considérations stratégiques et à la promotion des intérêts nationaux. Ainsi, Huawei, le géant chinois des télécommunications, a établi des instituts régionaux en Angola, en Afrique du Sud, au Nigeria, en Egypte, en Tunisie et au Kenya afin d’enseigner au personnel local les compétences requises pour exploiter et entretenir les systèmes sans fil et à large bande de l’entreprise. Les pratiques axées sur la formation sont très largement prônées par la Chine. Elle les promeut à partir d’un organisme dont le centre est basé à Pékin depuis sa création en 2006, le Centre international de réduction de la pauvreté (IPRCC).

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Et pendant ce temps-là, la Chine prit un virage stratégique majeur

Selon The Economist, la Chine est de plus en plus encline à faire des demandes politiques en Afrique. A quel point est-ce vrai ? Dans quelle mesure la Chine s'est-elle assurée d'être dans les bonnes grâces des élites et plus particulièrement des politiques des pays dans lequel elle agit ?

Emmanuel Lincot : L’aide de la Chine passe essentiellement par des canaux bilatéraux. Outre les relations bilatérales, la Chine fournit de l’aide au travers d’institutions multilatérales, bien qu’à moindre échelle. La République populaire de Chine est en effet membre de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque asiatique de développement et de la Banque africaine de développement. Elle est aussi membre de longue date d’organismes des Nations unies tels que le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Programme alimentaire mondial (PAM) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Elle collabore avec les pays membres du Comité d’aide au développement (comme les Etats-Unis, la Nouvelle Zélande, les Pays-Bas et le Royaume-Uni). Comme la France jadis, elle recourt souvent à la diplomatie du chéquier et la construction de grandsprojets comme le musée des civilisations noires à Dakar lui permet de rester fidèle à ses engagements tiers-mondistes. Toutefois, les Africains ne sont pas dupes. Et la part des investissements chinois tend par ailleurs à diminuer depuis les dernières annonces faites au Forum Chine Afrique (FOCAC ).

Il existe un danger vraiment sérieux de voir (se déclencher) une prochaine grande crise de la dette dans les pays du Sud liée aux prêts accordés par la Chine, qui n'a elle-même pas une vue d'ensemble en raison des nombreux acteurs impliqués », a déclaré le chancelier social-démocrate Olaf Scholz lors d'un débat au Congrès des catholiques, tenu le 27 mai à Stuttgart. A quel point la "générosité" et les demandes chinoises sont-elles dangereuses pour l'économie comme la géopolitique mondiale ?

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La Chine est-elle vraiment le moteur de la croissance mondiale ?

Emmanuel Lincot : Le risque est évidemment le piège de l’endettement et réciproquement une entrée en dépendance de la Chine vis à vis de ces pays qui n’ont pas les moyens d’honorer le remboursement de leurs emprunts. C’est en somme, et d’un point de vue dialectique, l’image toute hégélienne du maître devenant esclave de son esclave. Une nouvelle forme d’aliénation, en quelque sorte. L’exemple caractéristique est l’Ethiopie qui est le pays d’Afrique où vous avez par ailleurs le plus grand nombre de ressortissants chinois récemment établis et même si l’on ne peut pas dire que le pays est sous l’emprise de la Chine, la situation est de fait de plus en plus critique et pourrait à terme créer des tensions en Éthiopie bien sûr mais aussi au niveau bilatéral.

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