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La Chine : une menace militaire ? Comment le nouveau président booste les forces armées
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Bonnes feuilles

La Chine s'affirme et n'hésitera plus à utiliser la force. Par la voix de son président, Xi Jinping, elle a adressé un message clair aux pays tentés de franchir les lignes rouges qu'elle a fixées. Pour sa défense comme pour la renaissance de la nation chinoise, son armée a reçu l'ordre d'être "prête au combat". Extrait de "La Chine : une menace militaire ?" (1/2).

Pierre  Picquart

Pierre Picquart

Pierre Picquart est docteur en Géopolitique de l’Université de Paris-VIII, spécialiste en Géographie humaine, expert international, et spécialiste de la Chine.

Il a rédigé notamment La Chine dans vingt ans et le reste du monde. Demain, tous chinois ? en 2011.

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À peine élu, le numéro un chinois Xi Jinping a déclaré qu’il souhaitait « une grande renaissance de l’armée chinoise ». Il satisfait ainsi tous ses compatriotes, qu’ils soient réformistes ou conservateurs.

C’est dans ce premier discours très habile et rassembleur qu’il a promis de nombreuses réformes à venir, telles que la progression du pouvoir d’achat ou la lutte contre la corruption et les inégalités.

Contrairement aux propos de ses prédécesseurs, qui prônaient une Chine unifiée mais discrète, nous assistons là à une prise de position décomplexée en faveur de la montée en puissance des forces armées chinoises.

Au rythme de l’ascension rapide de la Chine et de son influence mondiale grandissante, le discours nationaliste et martial des gouvernants chinois a certes progressé régulièrement chaque année ; néanmoins, le paradoxe est complet : réaffirmant des intentions pacifiques, le propos tend à se durcir pour affirmer la toute-puissance militaire actuelle et à venir de l’Empire du Milieu.

Tout en confirmant la ligne politique amorcée sous Deng Xiaoping, la nouvelle équipe au pouvoir prône une diplomatie multilatérale axée sur la paix, la coopération et une politique nationale défensive. Toutefois, les propos des politiques s’aguerrissent, notamment sur les questions frontalières et territoriales en mer de Chine. Il s’agit de défendre le territoire national, la sécurité économique et les zones territoriales revendiquées en mer de Chine.

Ces signaux patriotiques relayés par les médias plaisent aux Chinois qui attendent le renouveau du pays et des réformes indispensables. Le peuple a conscience du redressement qui a été accompli et en est fier malgré le travail qu’il reste à accomplir.

Ce genre de déclarations patriotiques ne peut donc que flatter les Chinois et les honorer, quand on sait que leur mémoire collective garde des traces meurtries des conflits internes (telle la Révolution culturelle) comme de l’humiliation subie face aux occupations occidentales du début du XXe siècle. Ils ne sont pas non plus sans se rappeler l’annexion de la Mandchourie en 1931 par leurs voisins japonais, ainsi que l’invasion de 1939 et les massacres de Nankin qui ont suivi.

Les médias chinois vont dans ce sens, et cela plaît au peuple chinois. Ils abordent les préoccupations du peuple, l’actualité internationale, l’économie de leur pays comme les difficultés et les enjeux que la Chine devra surmonter, mais aussi les nouvelles avancées technologiques militaires, la défense nationale et l’action des forces considérables du pays.

Au cours de la dernière décennie, l’ex-président chinois Hu Jintao déclarait :

« L’armée doit se doter d’une importante force de garantie pour le Parti afin de consolider ses choix de gouvernance, et pour fournir une puissante garantie de sécurité. Elle doit sauvegarder des périodes d’importantes opportunités stratégiques pour le développement national. »

Pour poursuivre : « De même, l’armée doit fournir un support stratégique efficace pour sauvegarder les intérêts nationaux. Enfin, sa fonction est de jouer un rôle important dans la préservation de la paix mondiale et la promotion du développement mutuel. »

Avec une suprématie en hommes déjà acquise, l’armée voit ses stratégies s’affiner et le discours officiel se muscler, devenant ainsi presque inquiétant vis-à-vis des éventuels adversaires et de certains voisins.

Néanmoins le nouveau président élu aborde le sujet sous un nouvel angle, parlant du « combat chinois ». Ainsi, dans un de ses discours inauguraux, Xi Jinping a réaffirmé la volonté de souveraineté de la Chine et sa capacité à combattre et à se défendre, notamment au regard des conflits en mer de Chine. Dans une brève de la presse chinoise en mars 2013 relayée par la presse occidentale, nous avons pu lire un extrait de la première allocution devant le Parlement chinois du nouveau président, au style novateur et à l’allure décontractée. Il en appelle clairement à une grande renaissance de la nation chinoise et à une amélioration de la capacité de l’armée à remporter des combats : «Nous allons continuer à nous battre pour la cause du socialisme aux couleurs de la Chine et pour réaliser le rêve d’une grande renaissance de la nation chinoise. »

« Tous les soldats et officiers de l’Armée populaire et de la police militaire chinoise doivent, guidés par le Parti, être capables de remporter des combats et avoir pour objectif une armée forte et disciplinée… pour améliorer ses capacités à remplir ses missions et défendre résolument la souveraineté et la sécurité nationale… »

« Alors que les relations entre Pékin et Tokyo sont très tendues en raison d’une dispute de souveraineté sur un archipel en mer de Chine orientale, l’Armée populaire de libération doit améliorer ses capacités à remplir ses missions, défendre résolument la souveraineté. »

Budget militaire : 180 milliards d’euros en 2015

La Chine s’active dans le plus grand silence, et la coopération militaro-technique russo-chinoise connaît un nouvel essor. Ces derniers mois, certains médias du web chinois diffusaient des rumeurs concernant un projet de fourniture à la Chine d’avions de chasse russes. Cela n’est pas étonnant quand on connaît les relations entre les deux pays qui, par ailleurs, ne sont pas liées à une quelconque idéologie ou aux amitiés anciennes du temps de l’URSS. En 2013, la Chine s’est engagée à acheter à la Russie vingt-quatre avions de chasse et quatre sous-marins, ce qui représente la plus importante vente d’armes de Moscou à Pékin.

Doit-on s’attendre à de nouvelles armes russes pour la Chine ? Au-delà du matériel militaire issu de sa propre fabrication dans ses usines d’armement, la Chine devrait connaître une année record dans ses achats d’armes à la Russie : selon certains médias2, la Chine aurait décidé d’investir en 2013 un milliard et demi d’euros pour son armement militaire auprès de son alliée. Dans une nouvelle guerre froide qui se prépare entre les grandes puissances, Pékin s’arme de façon préventive…

Dernièrement, la déclaration de ces deux pays indiquant aux États-Unis qu’une guerre mondiale éclaterait si Israël venait à attaquer l’Iran marque un changement de cap. En bloquant des résolutions contre la Syrie au Conseil de sécurité de l’ONU (ou en faisant part de leurs réserves), Pékin et Moscou, qui n’ont pas d’affinités particulières avec les dirigeants arabes, ne jouent pas uniquement leur sécurité. Au-delà du leadership mondial que la Chine assume pas à pas, ces deux pays ne souhaitent pas une déstabilisation régionale.

Ainsi, nous assistons au début d’un changement dans l’équilibre des forces et des dépenses militaires mondiales. À contre-courant des pays occidentaux, les dépenses militaires augmentent en Asie et notamment en mer de Chine. Au début de mars 2013, Pékin a en effet annoncé une hausse importante de son budget militaire, ce qui devrait renforcer les inquiétudes déjà fortes de Washington et des voisins de la Chine, notamment au regard des tensions territoriales des plus tendues avec le Japon.

Tandis que les États-Unis redéploient leurs troupes en Asie et comptent leurs forces, la Chine s’arme. Son budget augmente de 10,7 %, soit environ 90 milliards d’euros. D’ici à 2015, il devrait doubler pour atteindre 180 milliards d’euros.

Extrait de "La Chine : une menace militaire ?", Pierre Picquart (Editions Favre), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ci.

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