La BCE réalise qu’elle a précipité la zone euro dans la récession… mais pourrait bien décider de continuer<!-- --> | Atlantico.fr
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Une vue de la BCE, image d'illustration.
Une vue de la BCE, image d'illustration.
©DANIEL ROLAND / AFP

Politique monétaire

La Banque centrale européenne (BCE) doit déterminer cette semaine si elle procède à une nouvelle hausse des taux d'intérêt.

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega est universitaire, spécialiste de l'Union européenne et des questions économiques. Il écrit sous pseudonyme car il ne peut engager l’institution pour laquelle il travaille.

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Atlantico : Une réunion de politique monétaire de la Banque Centrale Européenne est prévue ce jeudi. Au cours de cette réunion, la BCE doit déterminer si elle procède à une nouvelle hausse des taux. Depuis Juillet 2022, l'Institution a relevé 9 fois d'affilé ses taux. Contre la hausse de l'inflation, est-ce une stratégie qui marche ?

Don Diego De La Vega : Il est un peu trop tôt pour le dire mais, à priori, cela va être un échec total ! 

Il faut s’interroger sur la composante de cette hausse des prix. L’inflation, c’est la hausse générale des prix. On a par exemple observé un mouvement de prix relatif sur les hydrocarbures, et ça la BCE ne peut rien y faire. Ils ne peuvent pas agir sur le prix du pétrole.

L’inflation que nous connaissons, elle n’est pas liée à une politique monétaire. Elle est liée à la guerre en Ukraine, le Covid, puis la période post Covid (le déconfinement), l’augmentation des prix du pétrole… On ne peut pas corriger ce qui n’est pas monétaire avec une politique monétaire.

Pourquoi cet entêtement ? 

La BCE veut déculpabiliser. Ses détracteurs lui ont dit que l’inflation à 0% ce n’était pas bien, qu’elle était laxiste. La BCE ne veut surtout pas être l’institution qui pourrait être accusée d’être responsable. Elle ne veut pas être le bouc émissaire de cette affaire

Cette politique de la BCE a-t-elle cassé la croissance?

Oui ! Mais le problème est encore plus grave ! Tous les indicateurs sont mauvais depuis Mars 2022. Il n’y a plus de croissance, il y a des résidus de croissance. Et cela n’a rien à voir avec la guerre en Ukraine. En sortie de Covid, nous n’allions pas avoir deux ans de suite une croissance à 7%. On a eu une croissance de rattrapage en 2021 qu’on a pris pour de la demande. Là, on revient à la normal, autour de 1% de croissance. Il n’y a pas de gains de productivité en zone euro depuis 5 ans. L’augmentation des taux de la BCE, le resserrement monétaire, on va le voir arriver l’hiver prochain. Jusqu’à fin 2025, il n’y aura pas de croissance hors miracle ou hors plan de croissance payé par nos enfants. 

On dit que l'augmentation des taux d'intérêt va aussi freiner les investissements nécessaire à la transition écologique, vous confirmez?

En Allemagne, il y a une transition vers le charbon qui marche plutôt bien. Elle coûte très chère ! En France, ce n’est pas une stratégie aussi nette… 

Plus sérieusement, si vous voulez favoriser une politique d’investissements alors vous baissez les taux d’intérêt. C’est la première chose à faire. 

Pour faire baisser l'inflation et sauver nos économies, qu'est-ce qu'il faudrait faire ? 

Il faut lutter contre la déflation qui arrive. Elle commencera l’hiver prochain si l’on en croit les agrégats monétaires, l’inversion de la courbe des taux et la cherté de l euro contre un panier large de monnaies pondérées des échanges. La mesure statistique de l’inflation (le maudit CPI de la ménagère, qui nous a coûté tant en passivité monétaire en 2008 et 2011) restera peut être à 2 ou 3% si les arabes et les russes ne pompent pas, mais nous seront en déflation objective, et pas que dans l’immobilier. L’emploi finira par céder car avec des gains de productivité négatifs depuis 5 ans le marché du travail en zone euro se situe dans les arrêts de jeu. Les dettes vont s’accumuler, magnifiées en termes réels. La japonisation des années 2010 va revenir, en pire. Pour lutter contre cela il faudrait un désarmement monétaire immédiat, complet, unilatéral et inconditionnel, tout ce que la BCE refusera : retour du QE, détricotage des hausses de taux sacrificielles, forward guidance… Peut-être aussi le changement de la cible d’inflation et remises des dettes. Autant faire une lettre au père noël de Francfort. Ils réagiront comme toujours trop peu et trop tard à la crise qu'ils ont provoqué pour conjurer d’hypothétiques spirales prix salaires et de fantomatiques surchauffes. Pendant ce temps, tous aux abris, et bonne chance.

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