L’UMP face à ses primaires : au-delà des règles, ces discrets détails organisationnels qui pourraient bien peser sur le résultat<!-- --> | Atlantico.fr
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Les modalités d'organisation de la primaire de l'UMP sont au programme d'un bureau politique organisé mardi 7 avril.
Les modalités d'organisation de la primaire de l'UMP sont au programme d'un bureau politique organisé mardi 7 avril.
©Reuters

Ne rien laisser au hasard

Les modalités d'organisation de la primaire de l'UMP sont au programme d'un bureau politique organisé mardi 7 avril. Y seront présentées un ensemble de dispositions qui influenceront sensiblement le résultat, alors que la bataille s'annonce serrée.

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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Atlantico : Au-delà du contenu encore incertain de la charte qui doit être présentée mardi 7 avril, quels choix peuvent peser sur les résultats finaux ?

Christelle Bertrand : Le Bureau Politique de ce matin est une étape importante pour les futurs candidats à la primaire et leurs soutiens. Les modalités d'organisation vont, en effet, être un élément important de la bataille. Nicolas Sarkozy, qui l'a bien compris, a d'ailleurs, ces derniers jours, bousculé le calendrier prévu afin de prendre de court ses concurrents. Alors que l'adoption de la charte d'organisation était initialement prévue le 14 avril, l'ancien président a avancé la date au 7 contre l'avis de certains cadres de son parti. Il semblerait aussi que des fuites aient été savamment organisées. Quant à François Fillon, indisponible, il pourrait même être absent de cette réunion. C'est à ce genre de détails que l'on perçoit l'importance des enjeux. Le nombre de parrainages à obtenir pour pouvoir se présenter, le statut du président de l'UMP si celui-ci est candidat...

Tous ces points techniques pèseront d'autant plus lourd que la bataille s’annonce serrée. Les cadres du parti s'attacheront aussi à trancher des questions encore plus pointues comme le nombre et la localisation des bureaux de vote. Un minimum de 8.000 bureaux est prévu, dont la moitié répartie également sur l'ensemble des circonscriptions. Les scores réalisés par la droite et le centre à la dernière présidentielle détermineront l'affectation des bureaux restants. Mais la répartition exacte des bureaux de vote reste toutefois à fixer et devrait donner lieu à un bras-de-fer entre les différentes écuries. La question est en effet stratégique car certaines zones sont plus juppéiste, d'autres plus sarkozistes... Jean-François Copé, qui n'ignorait rien de ces subtilités, avait, en vue de la bataille qui l'a opposé à François Fillon, porté une attention toute particulière à la répartition des bureaux de vote. Les Bouches du Rhône coppeiste avaient alors bénéficié de 22 bureaux de vote contre 11 pour les Alpes Maritime favorable à Fillon pour un nombre d'électeurs assez proche.

Selon un sondage Odoxa pour iTélé, 32 % des Français ayant l'intention de voter à la primaire UMP choisiraient Alain Juppé, contre 31 % pour Nicolas Sarkozy. Qu'est-ce qui pourrait faire peser la balance d'un côté ou de l'autre ?

Ce sondage montre aussi que l'ancien président de la République a les faveurs des sympathisants UMP tandis que 79% des sympathisants UDI ont exprimé leur intention de voter pour Alain Juppé. C'est pour cette raison que Nicolas Sarkozy ne fait rien pour intéresser les centristes au scrutin. Moins ils seront nombreux à se déplacer plus il aura de chance de l’emporter. L'UDI n'a donc pas été consultée pour rédiger la charte d'organisation. C'est une manière d'éloigner les militants et surtout les sympathisants qui vont avoir le sentiment de participer aux primaires de l'UMP et non de toute la droite. C'est ce qu'expliquait récemment Yves Jego : "La façon dont l'UMP bâtit son processus est une façon isolée, fermée, qui risque d'amener ceux qui ne sont pas dans cette construction de ce modèle à se sentir exclus". La médiatisation de l'alliance UDI UMP de rigueur lors des départementales n’est plus à l'ordre du jour. La participation des électeurs de François Bayrou, proche d'Alain Juppé, est aussi l'une des préoccupations des sarkozystes. Une petite phrase leur a été réservée dans la charte : cette primaire est "ouverte à l’ensemble des citoyens partageant les valeurs républicaines de la droite et du centre et s’engageant pour l’alternance", cela signifie que tous ceux qui préféreraient Hollande à Sarkozy, comme ce fut le cas des bayrouistes en 2012, n'ont rien à faire dans cette primaires. Le périmètre du corps électoral sera déterminant et donnera l'avantage à l'un et à l'autre tout autant que la qualité de la campagne que les candidats mèneront.

Qu'en est-il des autres candidats ? La tournure que semble prendre cette primaire réservera-t-elle un duel au sommet entre Juppé et Sarkozy, ou bien faut-il s'attendre à une multiplicité de candidatures ?

L'un des enjeux de ce bureau politique et l'un des points de crispation les plus médiatiques, consiste à définir le nombre de parrainages nécessaires pour se présenter. Nathalie Kosciusko-Morizet s'est beaucoup battue pour que ce chiffre soit abaissé à 14 afin qu'elle puisse se présenter. La charte propose un plancher élevé à 25, soit 13% des parlementaires, ce qui ne handicape pas que que NKM mais aussi Xavier Bertrand qui n'est pas certain de les obtenir, tout comme Christian Estrosi ou Hervé Mariton. A tel point que certains parient sur un abaissement à 20 parrainages parlementaires lors du bureau national. Le BP ne devrait pas accepter un seuil plus bas de peur de voir les candidatures dites "saugrenues", se multiplier. Ces règles sont bien plus strictes que celles arrêtées par le PS lors de sa propre primaire en 2011 qui avait exigé un seuil de 5%, il s'agit bien entendu de limiter le nombre de candidatures et de privilégier les deux candidats principaux, Nicolas Sarkozy et Alain Juppé.

Cette primaire est-elle à l’abri des controverses ? Qu'est-ce qui pourrait miner la légitimé du vainqueur, et comment le parti anticipe-t-il cette éventualité ?

L'UMP vit, depuis la guerre Fillon-Copé, dans la crainte d'un nouveau conflit interne, or la primaire à venir n'est pas sans risque. Il suffit d'écouter Alain Juppé expliquer le 2 mars "S'il s'agit d'une primaire ouverte à tous les sympathisants de la droite et du centre, j'aurai ma chance. En revanche, si le scrutin est "bidouillé" pour rééditer le scénario de l'élection du président de l'UMP, cette élection ne sera pas de nature à créer une véritable dynamique (...), je me présenterai donc au premier tour de l'élection présidentielle en 2017". Et d'autres, comme François Fillon, pourraient lui emboîter le pas. Pour éviter les "bidouillages", nombreux sont ceux qui aimeraient que Nicolas Sarkozy, s'il est candidat, démissionne de la présidence de l'UMP dès le début de la campagne interne mais la charte dévoilée la semaine dernière ne fixe aucune restriction ce qui devrait inciter l'ancien président à se déclarer le plus tard possible tout en faisant campagne aux frais du parti. La mise en retrait du président avait pourtant été actée dans les statuts de l’UMP dans le cadre du Yalta négocié entre Copé et Fillon. Il était convenu que la démission du président devait intervenir "dès réception" de sa déclaration de candidature ou, au plus tard, "quinze jours avant la date fixée pour le dépôt des déclarations de candidature". Mais à la demande de Nicolas Sarkozy, de nouveaux statuts sont en cours d’écriture, sous l’autorité de Nathalie Kosciusko-Morizet. L'ancien président souhaite garder la main le plus longtemps possible sur le parti car outre l'avantage financier que lui procure la possibilité de faire campagne aux frais du parti, ce statut lui donne une visibilité bien supérieure à celle de ses concurrents tout en lui offrant une mainmise totale sur l'organisation du futur scrutin. Des avantages à double tranchant qui pourraient entacher la légitimité de son élection.

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