L’opposition à la réforme des retraites pourrait tuer les régimes par répartition et précipiter leur privatisation <!-- --> | Atlantico.fr
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La question maintenant est de savoir ce qui pourrait se passer si le gouvernement cédait à la rue et à l’opposition en retirant son projet.
La question maintenant est de savoir ce qui pourrait se passer si le gouvernement cédait à la rue et à l’opposition en retirant son projet.
©Thomas SAMSON / AFP

ATLANTICO BUSINESS

L'opposition violente de Jean-Luc Mélenchon au projet Macron, conjuguée au refus des syndicats d’accepter le recul à 64 ans de l’âge légal, va préparer une privatisation progressive des régimes de retraite.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le jeu de dupe engagé sur la réforme de la retraite va changer de dimension cette semaine. En utilisant ce projet comme prétexte à mener la bataille politique globale contre Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon, qui espère renforcer la Nupes et notamment la France insoumise et lEurope Ecologie-Les Verts autour dune posture résolument radicale contre la politique du président de la République, va évidemment contribuer à jouer contre son camp en poussant les futurs retraités à se diriger vers des systèmes complémentaires privés si le régime général nest pas redressé.

Si les syndicats de leur côté ne réussissent pas à utiliser le succès de leur démarche unitaire pour formaliser des propositions alternatives afin de sauver le régime par répartition, ils vont eux aussi œuvrer sans le vouloir contre leurs intérêts. Tout ce qui affaiblit le rôle et lefficacité du modèle social français contribue à perdre des militants qui, en tant quassurés sociaux, se tourneront vers des systèmes plus solides.

Les dirigeants syndicaux savent bien cela et cest pourquoi ils ne vont pas se laisser enfermer dans une position de blocage. Mais ça va être compliqué.

Au gouvernement, on a bien compris le piège où tout le monde est tombé. Emmanuel Macron et son gouvernement avaient convaincu les dirigeants des républicains de voter pour ce projet pour que la réforme puisse passer avec une majorité absolue, ce qui lui donnerait beaucoup plus de légitimité face à lopposition de gauche et dextrême gauche.

Le gouvernement a au moins quatre raisons de saccrocher aux mesures qui cristallisent lopposition, à savoir le passage de l’âge de départ de 62 ans à 64 ans et lallongement de la durée de cotisation. Il est, semble-t-il, prêt à discuter (et lâcher) sur tout le reste.

La première raison est que ce recul de l’âge de départ à la retraite est un vrai marqueur de réforme en faveur dune préservation du régime par répartition. Elle est dailleurs comprise par lopinion. Le régime de retraite fonctionne selon les principes de lassurance. Si le nombre dassurés diminue, les bénéficiaires seront mécaniquement moins bien servis. Et pour compenser les effets de la démographie, le seul moyen est donc de travailler (et cotiser) plus longtemps.

La deuxième raison est que toutes les autres solutions dajustement sont porteuses deffets pervers. On pourrait, sans toucher l’âge de départ, augmenter le montant de la cotisation, mais ça reviendrait à augmenter le cout du travail. Doù le chômage.

La troisième raison concerne les retraités dont on pourrait limiter un peu leurs pensions. La moyenne des revenus a la retraite étant aujourdhui meilleure que la moyenne des salariés actifs. Politiquement et socialement, cest difficilement supportable.

Enfin quatrième raison, la gouvernance française a besoin denvoyer aux marchés financiers un signal tangible sur sa capacité à redresser des comptes publics. La France est très endettée, elle ne trouvera à financer sa dette que si elle montre quelle en mesure de la gérer. Si non, les créanciers perdront confiance et les taux dintérêt grimperont. Impensable.

Tous les gouvernements occidentaux attentifs à leur équilibre financier ont organisé un recul de l’âge de départ à la retraite. Entre 66 ans et 70 ans, assortis de mesures permettant le cumul emplois et retraites.

Au début du quinquennat, le premier projet de réforme avait lambition de créer une retraite par points. Cest-à-dire une retraite dont le montant eut été calculée en fonction des points accumules pendant la carrière. Cette réforme revenait à donner la responsabilité à chacun de constituer sa retraite dans un cadre fixé par les organismes paritaires et par l’Etat. Ce projet a été repoussé très violemment par lopposition politique, les syndicats et la rue, à un point tel que le président de la République a préféré retiré ce projet. Edouard Philippe en a, politiquement, payé le prix en démissionnant de Matignon.

La question maintenant est de savoir ce qui pourrait se passer si le gouvernement cédait à la rue et à lopposition en retirant son projet.

Sur le plan politique, le rejet du projet provoquerait évidemment un tsunami et obligerait Emmanuel Macron à proposer une réponse politique susceptible de lui apporter une nouvelle légitimité. Dans la situation internationale actuelle, cest difficilement imaginable. Dautant que lopposition nest pas en mesure de gouverner. Les partis qui la composent (la France insoumise et les écolos.) ne sont pas des partis de gouvernement. Ne serait-ce que sur ce projet des retraites, aucun parti na proposé de solutions alternatives.

Sur le plan syndical, les organisations co-gérantes du régime par répartition auraient beaucoup à perdre. Elles sont actuellement en reconstruction. Leurs appareils survivent actuellement non pas grâce au nombre de leurs adhérents (ce nombre est trop faible) mais grâce à leur participation à la gestion des systèmes sociaux (sécurité sociale, retraites, caisses dassurance maladie et dassurance chômage). La faillite de systèmes sociaux est un peu la faillite des syndicats. Par conséquent, les syndicats ont intérêt à sauver le système par répartition sils veulent se sauver eux-mêmes.

Sur le plan socio-économique, cest-à-dire au niveau des assurés sociaux, les réactions seraient sans doute très individuelles. Chacun cherchant à protéger ses intérêts personnels. A partir du moment où les régimes de retraites par répartition montrent à l’évidence des signes de fragilité, la confiance se fissure et tous ceux qui le peuvent préparent leur avenir.

Cest assez désolant pour les petites gens, qui sont actuellement avec des petits salaires et des carrières sans beaucoup de perspectives, parce que la retraite fait figure dassurance contre les risques de la vieillesse.

Pour ceux qui appartiennent à la classe moyenne plutôt favorisée, (salariés ou travailleurs libéraux, commerçants) ils vont sorganiser pour trouver des solutions compensatoires. Comment en accentuant la constitution dune épargne de précaution qui est déjà importante : dans limmobilier, lassurance-vie, les produits retraites. Les banques et les sociétés de placements vont déployer leurs offres pour répondre à ces besoins.

Le rejet de la reforme Macron, va évidemment créer le besoin de se protéger. Et le seul moyen de se protéger est de se tourner vers des solutions offertes par l’économie marchande, cest à dire par les acteurs prives spécialistes de toutes les formes possibles de capitalisation. La Nupes et ses alliés allies rêvent sans doute dun bon coup politique mais en tuant la reforme, ils vont sans doute achever les régimes par répartition en prétendant les sauver.

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