L’Impôt mondial, une bouée de sauvetage pour la mondialisation. Si ça marche, bien sûr, parce que ça n’est pas gagné<!-- --> | Atlantico.fr
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Les participants au G7 finances se sont réunis ce week-end à Londres.
Les participants au G7 finances se sont réunis ce week-end à Londres.
©HENRY NICHOLLS / POOL / AFP

Atlantico Business

Les pays du G7 se sont donc mis d’accord sur un taux mondial minimum de 15%. Cet accord sonne la fin de l’optimisation fiscale qui permettait aux plus grands groupes d’échapper à l’impôt. Théoriquement, il devrait donner à la mondialisation une nouvelle légitimité. Mais ça, c’est la théorie.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les ministres des finances du G7, le groupe des 7 pays les plus riches du monde, se sont donc mis d’accord pour fixer un taux d’imposition minimum de 15%, pour les grandes entreprises quel que soit le où les pays où elles travaillent.

Pour Bruno le Maire, le ministre français de l’économie qui a engagé la France dans ce projet, cet accord est historique. « Avec cet accord, a-t-il expliqué sur C news hier, il y aura désormais pour la mondialisation un avant et un après ! ».

Et il a raison, parce que depuis des années, le développement de la mondialisation de l’économie avait permis à beaucoup d’entreprises d’éviter les fiscalités trop lourdes, en pratiquant ce qu’on appelait d’une expression savante, de l’optimisation fiscale. En termes plus simples et plus vulgaires, l’intensité de la globalisation et la disparité des fiscalités nationales ou même locales ont permis aux entreprises de s’organiser pour échapper aux impositions les plus lourdes. En faisant remonter leur bénéfice vers des zones fiscales plus clémentes, elles réduisent leur contribution en toute légalité, mais elles privent aussi des pays où elles travaillent de recettes fiscales dont ces pays ont besoin. Ajoutons à cela que toutes ces entreprises internationales bénéficiaient ainsi d’un avantage concurrentiel par rapport aux entreprises nationales.

La France a d’ailleurs été une des premières économies à dénoncer sur la scène internationale, la pratique fiscale des Gafam. Les Google, Amazon ou Facebook se sont toujours arrangées pour échapper à la fiscalité française alors qu’elles génèrent une part importante de leur Business sur le marché français.

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Bruno Le Maire avait été le premier des ministres à instaurer une taxe Gafam appliquée sur le chiffre d’affaires français des sociétés du digital.

Cette taxe GAFAM a servi de modèle, précurseur à cet impôt mondial préconisé au départ par l’OCDE puis repris en main par Joe Biden, le président américain. Puis le week-end dernier, adopté par tous les pays du G7.

Alors ce projet n’est qu'un projet, mais il ne pourra pas être rejeté parce qu‘il correspond à une double nécessité dont le monde entier a pris conscience.

D’une part, une nécessité économique et financière, à savoir que toutes les entreprises doivent participer au financement de leur écosystème où qu’il soit, sinon l’écosystème finira par exclure l’entreprise du jeu.

D’autre part, une nécessité politique, parce que la mondialisation débridée à laquelle on a assisté depuis dix ans, a créé de telles distorsions de concurrence qu’elle a entrainé des problèmes d’emploi dans certaines régions touchées par des délocalisations, et surtout des déficits de rentrées fiscales. Sans parler d’une aggravation des inégalités sociales qui nourrissent des flux d’immigration de plus en plus difficiles à gérer.

Maintenant, la première question va être de savoir comment cette fiscalité va s’appliquer à qui et dans quel pays ?

Au départ de cette réflexion, il y a déjà 4 ans, le projet visait les seules entreprises du digital parce que leur activité n’étant pas matérialisée, elles pouvaient localiser leur profit dans des pays à fiscalité avantageuse (l’Irlande par exemple) ou même dans des paradis fiscaux. Bref, ces entreprises ont été visées par la taxe Gafam française.

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Le président américain a souhaité généraliser cette contribution en l’appliquant dans un premier temps aux 100 entreprises mondiales les plus rentables (50% des bénéfices réalisés dans le monde et recensés par l’OCDE). Il y aura donc les Gafam, mais aussi les grandes multinationales du pétrole, de l’industrie, du luxe et des services. Total Énergies et LVMH n‘y échapperont pas.

Concrètement, les entreprises paieront une partie de leur impôt dans leur pays d’origine et une autre partie dans les pays où elles font du chiffre d’affaires, pour ne pas pénaliser le pays où elles font du business.

Le total des deux parts ne pourra pas être inférieur à 15 %, taux minimum imposé. Si, par une optimisation juridique ou fiscale, l’entreprise venait à payer moins, elle serait obligée de compenser.

SI une entreprise réussit à ne payer que 5 % d’impôt parce qu’elle s’est installée dans un paradis fiscal, elle devra compenser et payer 10 % de plus à son pays d’origine.

Alors, cette norme d’impôt minimum à 15 % ne sera pas applicable la semaine prochaine, parce qu’il y a beaucoup de précisions juridiques et comptables à régler, les pays du G7 et du G20 doivent l’accepter au niveau des chefs d’Etat, et ensuite, la mesure devra passer dans les parlements respectifs. Donc, il va falloir attendre plusieurs années (2 ou 3), sauf que chaque pays peut très bien appliquer la mesure avant que tous les autres aient contresigné. La France a fait la taxe Gafam sans demander l’autorisation à d’autres pays.

Les pays les plus gênés sont évidemment ceux qui ont fait de l'offre fiscale, un atout de compétitivité. C’est le cas de l’Irlande, par exemple, qui a accueilli la plupart des Gafam attirés par une fiscalité light de 12 ,5 % et qui va devoir remonter à 15 %. Normalement, certains groupes peuvent chercher une délocalisation mais en réalité, le gain potentiel (2,5%) ne vaudra plus d’entreprendre une délocalisation fiscale ailleurs, car partout ailleurs, ils seront taxés à 15%. Donc aucun intérêt. L‘Irlande peut être rassurée.

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La deuxième question est de savoir dans quelle mesure cette initiative peut moraliser la mondialisation ?

Cet impôt mondial est intéressant sur le plan politique parce qu’il gomme un certain nombre d’aspects de la mondialisation, qui sont de plus en plus mal acceptés par les populations qui ne profitent pas toutes de ses avantages.

D’abord, cet impôt va contribuer à diminuer le nombre et même l’intérêt des paradis fiscaux puisque par construction, l’impôt minimum sera mondial.

Ensuite, cet impôt va apporter des ressources fiscales à des pays qui ne bénéficiaient pas de cette activité qui se déployait pourtant sur leur territoire.

La Taxe Gafam, par exemple, a rapporté à l’Etat français 350 millions d’euros en 2019. Elle ne sera pas supprimée avant la généralisation de l’impôt minimum mondial. L’observatoire de la fiscalité a estimé que la France pourrait percevoir 3 milliards de recettes supplémentaires en cas d’impôt mondial à 15%.

Enfin, cette initiative va réduire les inégalités et les injustices, en supprimant des opportunités d’optimisations légales, mais cet impôt minimum met aussi en lumière les grandes disparités fiscales entre les pays. Et il en restera.

Le taux moyen d’’impôt sur les sociétés dans le monde est de 22% cette année. La Maison Blanche avait proposé un seuil minimum de 21 %, mais sous la pression des GAFAM et des républicains, Joe Biden a demandé à descendre le taux à 15 %.

Pour reprendre les leçons de Laffer, les hauts taux tuent les totaux. Donc, mieux vaut un taux modeste appliqué sur une assiette très large plutôt que l’inverse.

D’autant que l’entreprise a une autre mission que de contribuer à l’intérêt collectif géré par l’Etat. L’entreprise doit contribuer à l’emploi, au progrès, au pouvoir d’achat des salariés comme des actionnaires. Et pour remplir ces objectifs, elle doit éviter l’asphyxie fiscale, d’ou l’idée de cet impôt mondial, avec la nécessité d’accepter une référence minimum modeste.

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