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L’impact désastreux de la Covid-19 sur la crédibilité des institutions
©SEBASTIEN BOZON / AFP

Bonnes feuilles

Rémy Prud’homme publie "Cent cailloux dans la chaussure de M. Macron" aux éditions L’Artilleur. Rémy Prud’homme a rédigé au jour le jour, tout au long des trois dernières années, de brèves analyses. Ses billets en forme de miniatures sont autant de petits cailloux qui marquent les erreurs et autres partis pris qui ont trop souvent émaillé le chemin de ce quinquennat. Extrait 2/2.

Rémy Prud'homme

Rémy Prud'homme

Rémy Prud'homme est professeur émérite à l'Université de Paris XII, il a fait ses études à HEC, à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de l'Université de Paris, à l'Université Harvard, ainsi qu'à l'Institut d'Etudes Politique de Paris. 

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On nous répète que l’épidémie de Covid-19 et son traitement vont entraîner un nouveau monde, avec des changements coperniciens dans tous les domaines : la technologie, la consommation, la production, l’habitat, la géographie, l’environnement ou l’échange. Cela n’est pas certain. Ce qui l’est, en revanche, c’est qu’en France, cette crise a engendré (ou accéléré) des changements importants dans la perception que l’opinion a des institutions et de leur crédibilité. On en évoquera quatre.

L’image de l’État, ou plus exactement du pouvoir politique national et de l’administration centrale, s’est profondément dégradée. L’impréparation, les mensonges, les retards, les palinodies, les bricolages, tous ces dysfonctionnements étaient peut-être inévitables, mais ils ont été si grossiers et si visibles que les politiciens nationaux, et – ce qui est plus nouveau – les administrations centrales, ont encore perdu de leur crédibilité. Elle était déjà basse, elle est devenue très basse. Disons qu’elle est passée (sur une échelle très subjective de 1 à 10) de l’indice 4 à l’indice 2.

L’image de la science a également été sérieuse‑ ment écornée. Le public était un peu habitué aux sinusoïdes des politiciens, mais il croyait à la solidité du discours des scientifiques. Cependant, il a vu abondamment des dizaines ou des centaines de professeurs d’épidémiologie se contredire les uns les autres, changer d’avis d’une semaine à l’autre. Pour les Français, le roc qu’était la science s’est changé en sable. Une précieuse boussole s’est déréglée. Les économistes ne font guère mieux d’ailleurs. Pendant des années, ils ont, avec belle unanimité, présenté la réduction de la dette de l’État comme une priorité absolue. Les voilà maintenant, avec la même unanimité, qui se félicitent de voir la dette s’envoler. L’abaissement des barrières (pour employer un mot à la mode) entre sachants et politiques, ainsi que le caractère souvent « officiel » de la science, font que le discrédit qui a frappé l’État a, par contagion, également touché la science. Sa crédibilité a diminué ; estimons qu’elle a glissé de l’indice 8 à l’indice 6.

L’image de l’entreprise, au contraire, s’est améliorée. La crise a montré que le privé réagissait vite et bien. L’opinion a vu de grandes entreprises capables de faire venir en trois jours les masques que l’administration échouait à se procurer en trois semaines. Beaucoup d’entreprises ont fait preuve d’imagination, de décision, de courage, de célérité pour protéger leurs salariés et leurs clients, et parfois se réinventer. Aux yeux de l’opinion française, le chef d’entreprise était traditionnellement vu comme un méchant, dont nous protégeait l’État. Plus mainte‑ nant. Les pancartes « À bas les patrons ! » ont été remplacées par des pancartes « À bas les ministres ! ». Si la crédibilité de l’entreprise était de 5, elle est maintenant de 7.

Enfin, l’image du local a également progressé. Le public français a eu l’impression que les responsables des communes, des départements et des régions étaient plus informés, plus efficaces et plus réac‑ tifs que les dirigeants de l’État. Dans le domaine – évidemment crucial en période d’épidémie – de la santé, on a vu sur le terrain des centaines d’hôpitaux faire face à la tempête avec courage, imagination, intelligence et efficacité. Le contraste avec la lourdeur pontifiante, inadaptée et contradictoire de leurs (innombrables) maîtres parisiens était saisissant. Globalement donc, la crédibilité du local s’est améliorée durant la crise, disons de l’indice 4 à 6.

Ces changements de perception sont importants parce qu’ils déterminent la confiance – ou la méfiance – des Français dans leurs institutions, qui sont un moteur – ou un frein – majeur du développement économique et social.

A lire aussi : Affaire Benalla : ce qui a choqué les Français

Extrait du livre de Rémy Prud’homme, "Cent cailloux dans la chaussure de M. Macron", publié aux éditions L’Artilleur.

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