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L’immobilier et la bourse, entre Powell et Poutine
©Mikhail Metzel/AFP AFP/Archives

Explosif

Powell et Poutine, l’immobilier et la bourse : quelles improbables rencontres ! Et pourtant, ce sont celles qui se jouent actuellement. Mais on dira qu’il n’y a aucun rapport entre Jay Powell, président de la Banque centrale des États-Unis et Vladimir Poutine, président de la Russie, sauf que…

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Sauf que leurs décisions convergent pour faire augmenter les taux d’intérêt, notamment les taux longs qui financent l’immobilier, faire monter le dollar, peser sur les prix des logements, sur les marchés boursiers, sur la croissance et sur l’emploi. Bien sûr, chacun de ces deux protagonistes a ses raisons pour agir ainsi, mais le risque est qu’elles demeurent valides de nombreux mois encore, pour chacun deux. Elles vont  alors additionner leurs effets, jusqu’à conduire à un fort ralentissement mondial, ou pire. 

Ces derniers jours en effet, 10 banques centrales ont escorté ou suivi Jay Powell dans sa décision de hausse des taux. Ceci a mené à une hausse mondiale, pondérée par les PIB, de 4,5% depuis le point bas post-Covid de 2020, allant au-dessus du point haut de 2019, juste avant la pandémie. On retrouve maintenant ces nouveaux taux partout, dans les pays développés et émergents, à des niveaux proches de ceux de 2009. C’étaient ceux atteints au début de la crise des subprimes américains, qui mena au bord de la récession mondiale. La Grande baisse des taux, qui avait accompagné la Grande modération des prix des années 1980, et donc créé la Grande croissance, est finie. Mais toutes les banques n’ont pas suivi les hausses « powelliennes » : la Russie, la Chine et la Turquie ont baissé leurs taux ! On le comprend : ce mouvement opposé ne contredit pas celui des hausses,  il en est la conséquence, car Poutine est derrière.

Commençons par Powell : il monte ses taux de 75 points base, le mercredi 21 septembre, pour lutter contre une inflation à 8,3%, alors qu’elle devrait être à 2%, selon sa fiche de poste. Voilà désormais les taux à 3,25%, avant 3,75 ou 4% lors de sa prochaine hausse le 2 novembre, puis à 4, 4,5 ou 4,75% pour finir l’année, le 14 décembre. Parions sur 4,5% en décembre. Le 22 septembre, la banque centrale anglaise monte les siens de 0,5%, à 2,25%, en attendant plus, sachant que l’inflation est de 9,9% au Royaume-Uni, avec une récession qui pointe.

Christine Lagarde, à la BCE, ne peut que suivre, avec ses taux à 1,25% et son inflation à 9,1%, contre son objectif constamment répété à 2%. La zone euro se trouve avec des taux presque à un tiers des taux américains, pour une inflation supérieure et au quadruple de son objectif ! Rien de surprenant alors si l’euro continue sa baisse de plus de 15%, depuis janvier par rapport au dollar. Mais ce n’est pas tout : la livre baisse de 14% par rapport à la monnaie américaine, comme le won coréen, le yen de 20%, qui s’en inquiète, le yuan de 5%, sans compter les chutes qui s’installent en Turquie, puis maintenant au Pakistan et au Nigéria.

Arrive Poutine. Face au dollar superstar pour des raisons américaines internes : l’inflation salariale, le voilà qui ajoute des raisons russes. Il fait peur avec la guerre qu’il mène en Ukraine et dont on ne sait où et quand elle cessera. C’est bien lui qui fait monter les prix du gaz et du pétrole, mais aussi du blé et des engrais, donc de l’inflation énergétique et alimentaire partout. Mais cette inflation poutinienne, notamment avec sa composante alimentaire, est très crainte pour ses effets économiques et sociaux dans les pays émergents, souvent endettés aussi en dollar. Tout s’ajoute. 

On a pu sentir les effets de ses « additions », les 15 et 16 septembre, à Samarcande (Ouzbékistan), entre Russie, Chine et Iran, pas très loin de la Turquie et du Pakistan, avec la pression croissante exercée sur Poutine, pour qu’il arrête « sa guerre » par les chefs des grands états membres. D’où peut-être ses ordres de mobilisation, pour aller plus vite ! Pourtant, la baisse des taux courts chinois, au moment même où ce pays exporte plus que jamais, notamment vers les États-Unis, et réduit même ses avoirs en bons du trésor américain, est un signe que la Chine ne veut pas de ralentissement supplémentaire. Sa consommation qui ralentit, pour cause de lockdown anti-Covid, explique la nécessité où elle est de rapatrier des dollars et ne plus en accumuler au-dehors, quand l’immobilier se met à inquiéter davantage. Sans que les statistiques chinoises disent tout, on voit les photos de tours chinoises inachevées, ces ‘’see through buildings’’ immenses (comme on disait en 2007… pour les États-Unis et l’Europe du sud), avec des interrogations sur les entreprises et les banques liées à l’immobilier. On sait que le bâtisseur Evergrande a 260 milliards de dettes, et lance quand même une voiture électrique ! 

Aux États-Unis, Jay Powell est formel : « il n’y a pas de récession sans douleur ». On sait qu’il attend de ses décisions une montée du taux de chômage (modeste, dit-il), notamment dans les secteurs sensibles aux taux d’intérêt. On aura reconnu l’immobilier, dont les premiers symptômes de difficultés apparaissent : la montée des taux longs à 3,7% pour le 10 ans contre 1,5% en janvier pèse sur les prix. Ceci donne un taux hypothécaire à 6,3% pour le 30 ans, les Américains achetant surtout avec un crédit à long terme qu’ils prolongent : ce sera bien plus difficile. 

Depuis les États-Unis et la Chine, tout converge vers une longue période de baisse des prix des logements, corrigeant les hausses partout permises par les taux bas, avec des problèmes de ménages trop endettés, plus ceux des banques et du secteur du logement. En même temps, cette hausse des prix qui vient de l’inflation salariale pousse Powell à monter ses taux. Mais, avec deux emplois offerts pour un demandé, l’idée que cet écart va vite se réduire n’est pas acquise, d’où l’incertitude sur le « pénible chômage » annoncé. Et ce n’est pas fini car les taux longs en hausse font baisser la bourse, ce qui annonce des baisses d’emploi dans la high-tech, Facebook, Google, les start-ups, sans oublier les banquiers d’affaires, ce qui boucle sur l’immobilier haut de gamme. Et quels taux faudra-t-il en zone euro pour atteindre 2% d’inflation : 6% ?

L’immobilier et la bourse, avec Poutine et Powell, c’est partout explosif.

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