Les initiatives de relance du projet ? On en parlera après les élections… L'Europe, grande oubliée de François Hollande et des commentateurs<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande a très peu parlé de l'Europe lors de sa troisième conférence de presse.
François Hollande a très peu parlé de l'Europe lors de sa troisième conférence de presse.
©Reuters

Où est l'union ?

Mardi 14 janvier, à l'occasion de sa conférence de presse, François Hollande a parlé – un peu – de sa vie privée et – beaucoup – de son pacte de responsabilité. Il n'a revanche que très peu évoqué l'Europe, préférant attendre les élections européennes.

Guillaume Klossa

Guillaume Klossa

Penseur et acteur du projet européen, dirigeant et essayiste, Guillaume Klossa a fondé le think tank européen EuropaNova, le programme des « European Young Leaders » et dirigé l’Union européenne de Radiotélévision / eurovision. Proche du président Juncker, il a été conseiller spécial chargé de l’intelligence artificielle du vice-président Commission européenne Andrus Ansip après avoir été conseiller de Jean-Pierre Jouyet durant la dernière présidence française de l’Union européenne et sherpa du groupe de réflexion sur l’avenir de l’Europe (Conseil européen) pendant la dernière grande crise économique et financière. Il est coprésident du mouvement civique transnational Civico Europa à l’origine de l’appel du 9 mai 2016 pour une Renaissance européenne et de la consultation WeEuropeans (38 millions de citoyens touchés dans 27 pays et en 25 langues). Il enseigne ou a enseigné à Sciences-Po Paris, au Collège d’Europe, à HEC et à l’ENA.

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Atlantico : Que peut-on penser de la manière dont François Hollande a parlé de l'Europe ? Et comment réconcilier aujourd’hui les Français avec l’Europe ?

Guillaume Klossa : Ce que j'ai trouvé intéressant c'est que, dans un contexte de désamour et de défiance très forts par rapport aux institutions nationales et aux institutions européennes, François Hollande a affirmé que l'avenir de la France passe par l'Europe et que l'avenir de l'Europe passe par la France. Et il fallait à cet égard un certain courage pour affirmer une telle conviction à un moment où les Français doutent comme jamais de l’Europe. Cette prise de position était importante pour les Français qui ont besoin de sentir que leur dirigeant croit en l’avenir de projet européen pour y adhérer. C’est une condition nécessaire mais absolument  insuffisante dans la période actuelle.

A ce propos, EuropaNova a organisé à Lyon il y a quelques semaines un groupe de réflexion citoyen dont plusieurs enseignements qui  pourraient nourrir la réflexion présidentielle ont pu être tirés : Les Français doutent d’autant plus de l’Europe qu’ils ont le sentiment que leurs dirigeants n’y croient pas suffisamment ou ne s’y engagent pas de manière suffisante pour garantir l’influence du pays. Ils sont très méfiants vis-à-vis d’une Europe qui serait le théâtre d’affrontement des intérêts nationaux dans la mesure où ils sont aujourd’hui convaincus que si c’était le cas, les intérêts d’une Allemagne considérée comme plus puissante primeraient sur ceux des Français. Ils sont prêts à croire dans un intérêt général européen à condition que celui-ci soit incarné par un homme ou une femme, un pilote légitimement élu. Sans capitaine européen, l’Europe est anxiogène pour eux et la crise ne fait qu’accentuer ce phénomène. Enfin, ils veulent débattre d’options politiques, de programmes véritablement européens. De manière plus générale, ils ont du mal à inscrire leur histoire personnelle dans l’histoire européenne. Ils leur manquent un récit européen et des valeurs européennes partagées dans lesquels ils puissent se retrouver.

Aussi, si le président de la République veut réconcilier les Français avec l’Europe, il doit avec l’ensemble de la classe politique et ses collègues du Conseil apporter des réponses à ces préoccupations fondamentales. C’est particulièrement important à l’époque de transformation sans précédent que nous vivons qui marque la fin de cinq siècles de primat occidental et qui s’accompagne d’une perte de repères individuels comme collectifs.

Comment, de la manière dont il a abordé le sujet européen, François Hollande a-t-il desservi la cause européenne ?

En France, la parole présidentielle a une rôle particulier qui est de réinscrire les histoires et les valeurs individuelles dans un récit et un projet collectif. Cette dimension manque aujourd’hui au président de la République qui aurait pu par exemple rappeler que nos grands débats de société du moment s’inscrivent dans une dynamique historique européenne, affaire Dieudonné en tête mais aussi mariage pour tous. Les Européens ont créé au lendemain de la guerre la Cour européenne des droits de l’homme pour apporter la garantie du  primat de la dignité de la personne, du respect  de la vie privé, du pluralisme des médias, de l’égalité des individus dans nos sociétés et cela quel que soit les majorités politiques en place. S’il y a un succès européen majeur, il est là.

Le président a évoqué un rapprochement – fiscal ou en termes de défense notamment – avec l'Allemagne. Est-ce que François Hollande résume l'Union européenne uniquement à la relation franco-allemande ? Sur le fond, ses propositions sont-elles différentes de son prédécesseur ?

Le président a insisté sur la relation franco-allemande parce qu'elle est importante pour les Français :  elle symbolise la réconciliation et elle a un côté très concret et incarné qui rassure les Français du moins quand la relation est équilibrée entre les deux partenaires. Autant le récit européen manque, autant on peut parler d’un récit franco-allemand incarné par des couples. C'était la relation entre de Gaulle et Adenauer, entre Giscard et Schmidt, Mitterrand et Kohl, aujourd'hui entre Merkel et Hollande. Concernant les propositions que le président a évoquées, qu’il s’agisse d’un Airbus européen des renouvelables, de la gouvernance économique européenne ou de la convergence sociale et fiscale, ce sont des sujets qui auraient pu être évoqués exactement de la même manière par Nicolas Sarkozy. La question maintenant est de savoir comment tout cela peut être mis en œuvre concrètement. L’existence d’une coalition entre les sociaux-démocrates et les chrétiens démocrates en Allemagne peut-elle y aider ? Peut-être. Mais ce qui est certain, c’est qu'il y a une vraie attente de nos concitoyens non pas sur le discours mais sur le passage à l'action. Hollande devra apporter des réponses concrètes de mise en en œuvre lors du conseil franco-allemand du 19 février.

Le ministre des Finances britannique George Osborne, à l’occasion d’une conférence sur l’Europe à Londres, a lancé mercredi un ultimatum à l'Europe. Son constat est simple : ou l'Europe se réforme en profondeur, ou la Grande-Bretagne quitte l'Union. Est-ce que ce genre de méthode n'est finalement pas le seul recours  pour faire bouger l'Europe ?

La position britannique n'est pas pro-européenne. Londres est un sorte de passager clandestin européen, il s’agit de profiter de tous les avantages de l’intégration européenne sans en respecter les obligations, cette situation n’est pas tenable. L’Union et les institutions européennes sont loin d’être parfaites mais le Royaume-Uni est également loin d’être exemplaire. C'est en outre un des  pays qui, dont les dirigeants et les médias utilisent le plus l'Europe comme un bouc émissaire avec la plus grande mauvaise foi.

Et puis qu’entend Londres par réforme ? Il y a deux ans, David Cameron soulignait que l’intérêt de Londres, c’était une zone euro pleinement intégrée qui était la seule condition pour que l’euro fonctionne efficacement. Mais Londres est-il vraiment prêt à ce que la zone euro se fédéralise ?

La sortie de l’Union jouerait contre les intérêts britanniques qui ont un besoin vital d’un marché unique continental fort et intégré qui conditionne le dynamisme de la place financière de Londres. Le message de George Osborne aura peu d'impact. Il est plus interne qu'à destination de l'Europe et s’inscrit dans une période préélectorale avec un électorat conservateur structurellement eurosceptique.

Dans Valeurs Actuelles, Jean-Pierre Chevènement revient sur l'Europe. Il considère que "les institutions sont technocratiques" et qu'elles reposent "sur une forme de despotisme éclairé". Qu'en pensez-vous ? 

Le despotisme éclairé était le principe de base de la construction européenne avec une Commission européenne qui portait l'intérêt général des Européens et qui inscrivait son action dans la durée. Ce despotisme éclairé a largement disparu depuis que les États membres ont pris le pouvoir il y a une dizaine d'années, via notamment le renforcement du Conseil européen. Aujourd'hui, ce qui prime au niveau des négociations européennes, c'est la négociation interétatique, ce n'est plus l'Europe de la Commission européenne. Le schéma dépeint par Jean-Pierre Chevènement n'est plus valide depuis dix ans. Ce qui est valide aujourd'hui, c'est le schéma qu'il défendait.

Le paradoxe de la victoire de Chevènement est que, une Europe qui privilégie les intérêts nationaux, comme il le souhaite, ne prend pas en compte l'intérêt de long terme. L'allégation de Jean-Pierre Chevènement est exactement le contraire de la réalité. C'est aussi exactement pourquoi  les institutions européennes ne fonctionnent plus aujourd'hui : il n'y a plus d'intérêt général et il n'y a plus d'intérêt de long terme porté par une commission indépendante qui porte avant tout l'intérêt des citoyens.

En quoi le fait d'attendre les résultats des élections européennes, en juin, est-il une erreur stratégique ?

Ce n'est pas à proprement parler une erreur stratégique. Mais les gens aujourd'hui ont besoin pour s'intéresser au sujet européen de s'inscrire dans une dynamique de long terme. Plus on repousse le débat et la réflexion sur l'avenir de l'Europe, moins on associe en amont nos concitoyens, plus ils auront le sentiment que l’Europe se construit sans eux et auront tendance à douter de l’Europe. Avec une double conséquence, favoriser à la fois l’abstentionnisme et le vote extrême. Mieux vaut, à mon sens, prendre à bras le corps le sujet européen

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