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L’Europe divisée face à la révolution mondiale de la 5G
©PAU BARRENA / AFP

5G

La course à la 5G est ouverte partout dans le monde, mais l’Europe est incapable de s’unir pour affronter cette révolution

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La plupart des grands pays du monde ont engagé la révolution de la 5G, avec les attributions de fréquences, le déploiement des réseaux. C’est parti partout, sauf en France.

C’est assez incompréhensible. Alors que tous les grands pays développés ont compris que la nouvelle génération de la technologie mobile est avancée et que la majorité d’entre eux vont offrir dès cette année les premiers réseaux 5G, l’Europe est incapable de mettre au point un plan d’investissement à la hauteur de l’enjeu. Plus inquiétant encore, la France estencore plus en retard.

Les opérateurs commencent à tirer des plans mais n’ont aucune idée du modèle économique tant que les pouvoirs publics n’ont pas arrêté la procédure d’attribution des fréquences ni le prix. Au plus haut niveau de l’Etat, on en est encore à spéculer sur le pactole que l’on va tirer de la vente des fameuses fréquences, sans imaginer un instant qu’en imposant des conditions exorbitantes, on va mettre les opérateurs àgenoux et les empêcher de déployer le réseautrès rapidement pour que l‘ensemble de l’économie puisse en profiter.

Parce que tout l’enjeu de la 5G est dans le bouleversement qu’elle va provoquer dans l’ensemble du système.

L’enjeu est très simple à comprendre : la 5G, doit permettre de multiplier par 1000 la performance actuelle des réseaux. La 5G va donc permettre de développer l’internet des objets. Concrètement, la 5G permet de transmettre de façon instantanée l’information. La 5G augmente la vitesse d’utilisation d’internet, mais la 5G va ouvrir une voie royale à toutes les activités de précision. L’autonomie des automobiles, des avions, des bateaux et d’une façon générale, tous les moyens de la mobilité. Mais pas seulement, dans la médecine chirurgicale, dans la fabrication automatique, dans l’utilisation de tous les objets du quotidien, dans l’intelligence artificielle.

Dans la plupart des domaines, on a besoin d’une circulation ultra rapide de la donnée, pour la performance, pour la productivité et pour la sécurité. La voiture autonome et connectée doit recevoir immédiatement les informations qui viennent de son environnement pour réagir et s’y adapter.

Techniquement, les réseaux en 5G vont permettent d’augmenter les débits de façonà ramener le temps de latence à moins d’une multi seconde, contre une seconde actuellement pour les meilleurs réseaux 4G.

Les études les plus récentes réalisées par McKinsey, EY ou le cabinet IHS Margit estiment que cette technologie va irriguer tous les secteurs de l'économie dans les 15 prochaines années : entre ce qui va se passer dans la finance, dans les services de transport et de mobilité, dans la construction et dans l’industrie. Elles évaluent à plus de 13 000 milliards de dollars la création de richesses correspondantes et à plus de 22 millions d’emplois crées directement grâce à la 5G.

Du coup tous les professionnels des télécoms se sont mis sur le pied de guerre.

Aux Etats- Unis, les trois grands opérateurs de mobile affirment qu’ils vont déployer desréseaux 5G dès cette année avec une couverture de toutes les grandes villes en 2020.

L‘Europe ne devrait pas être en retard dans le déploiement de la 5G. En théorie, parce que Bruxelles a soumis aux pays membres de l’Union un projet d’investissement de 500 milliards d’euros dans les 10 prochaines années. Un énorme programme qui donnerait un formidable coup de fouet à la croissance.A l’heure où tous les économistes s’accordent à penser que l’Europe a besoin de ce type de grands travaux, alors que les partis politiques se lamentent sur l’impossibilité juridique de marier deux entreprises comme Alstom et Siemens pour un véritable Airbus du rail, le maillage de l’Union européenne, qui compte 500 millions de clients potentiels, constituerait un formidable enjeu.

Le problème c’est que, faute de bâtir ce plan, les pays membres de l’Union européenne préfèrent se débrouiller chacun dans son précarré national.

Du coup, ce qui pourrait être le projet du siècle, fédérateur et booster de croissance et de pouvoir, tourne à l’immense pagaille.

En Europe, seule la Finlande et la Suède ont mis en place des plans d’équipements raisonnables et responsables. Ces deux pays sont très largement en tête.  La France elle, est très en retard même si certains équipementiers comme Nokia ont choisi la France et ses 70 millions d’habitants pour en faire son marché cible.

Ce qui bloque tout en Europe, c’est la cupidité de la majorité des Etats. Tous les gouvernements ont compris que la 5G représentait un moyen de récupérer beaucoup d’argent en vendant les fréquences.

En Allemagne, on va de procès en procès. Idem en Belgique. En Italie, les prix explosent puisque le gouvernement attend entre 5 et 6 milliards d’euros de la vente de ses fréquences, ce qui va être insupportableà financer pour les opérateurs mais tout le monde a compris que le gouvernement italien était aux abois.

 En France, le temps tourne et le gouvernement en est encore au point de fixer une règle du jeu pour l’attribution des fréquences.

Cette affaire est affreusement compliquée.

D’abord, la première des tentations pour les gouvernements est de vendre les autorisations le plus cher possible pour soulager le budget. C’est la méthode italienne. Le problème, c’est que plus le gouvernement vend cher ses fréquences, moins les opérateurs peuvent investir pour déployer le réseau.

Le gouvernement peut aussi accepter un nouvel opérateur sur le marché et accroitre la pression concurrentielle. C’est ce qui s’était passé en France avec Free. Le problème, c’est que si cette concurrence profite aux consommateurs, elle rogne les marges des opérateurs, qui ont alors, moins de moyens pour entretenir leurs équipements.

Le gouvernement peut aussi conditionner la cession des fréquencesà un déploiementtrès rapide de la 5G.

Mais à chaque fois,on retombe sur le modèle économiquedes opérateurs.

Et les opérateurs seront d’autant plus prudents que le déploiement de la 5G va couter plus cher que le déploiement de la 3 ou 4G.

La 5G appartenant aux fréquences courtes, son rayon d’actions autour de l’antenne relais est beaucoup plus court. Il faut dont un maillage beaucoup plus serré. Donc plus d’antennes, plus de pylônes etc.

La question du financement est d’autant plus importante qu’on va voir arriver dans le jeu de la téléphonie mobile, des acteurs dont les moyens sont considérables : les Facebook, les Amazon, les Google,Apple ou Qualcomm. La plupart des GAFA ont déjà déposé des dossiers auprès des autorités de régulations américaines pour tester les fréquences ultra-courtes, pour faire des tests et pour postuler lors de l'attribution des fréquences. Idem en Europe.

Pour les Gafa, l'enjeu est considérable. La vitesse de transmission offerte par la 5G, et le volume du débit leur seront indispensables au développement de la connectique des objets.

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