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L’entre-soi des élites françaises dans la France des métropoles
©LUDOVIC MARIN / AFP

Bonnes feuilles

En deux générations, l'héritage gaullien a été dilapidé conduisant à une grave crise de confiance des Français envers leurs élites. Ainsi est née une révolte, dite des Gilets jaunes, qui nous renvoie aux prémices de la Révolution. Dans son ouvrage "La France qui déclasse : Les gilets jaunes, une jacquerie au XXIe siècle" (ed. Tallandier), Pierre Vermeren, ausculte l'échec des politiques publiques et économiques depuis la fin des années 1970. 1/2

Pierre Vermeren

Pierre Vermeren

Pierre Vermeren, historien, est président du Laboratoire d’analyse des ideologies contemporaines (LAIC), et a récemment publié, On a cassé la République, 150 ans d’histoire de la nation, Tallandier, Paris, 2020.

 

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Le phénomène géographique et économique de la métropolisation, qu’élus et décideurs présentent comme induit par la mondialisation, est une clé de compréhension capitale de la réorganisation territoriale, sociale et économique de la France. La métropolisation du territoire restructure la société non dans le sens d’une plus grande fluidité, mais en organisant la fracture sociale et territoriale contre laquelle fut précisément élu le président Jacques Chirac en mai  1995. C’était il y a vingt-quatre ans. La métropolisation oppose une douzaine de grandes métropoles françaises aux ambitions européennes et mondiales, dont Paris en premier lieu, au reste du territoire, promis à des activités de second rang (activités productives, circulation, tourisme, villégiature des retraités,  etc.) et au déclassement. Elle oppose la France des métropoles, marquée du sceau de la réussite, de l’ouverture au monde et de la haute technologique, aux territoires de la France périphérique.

Dans la rhétorique macronienne de la campagne de 2017, c’est le « nouveau monde » contre « l’ancien ». Cette dynamique a été appuyée par la réforme territoriale de François Hollande, qui a accentué le pouvoir des grandes capitales régionales –  précisément celles où les manifestations de Gilets jaunes sont les plus grosses ou les plus violentes (Nantes, Bordeaux, Toulouse, Lyon, Lille), tout en accélérant le déclassement des capitales déchues (Limoges, Poitiers, Amiens, Clermont-Ferrand, Reims, etc.). À cette partition des hommes et des activités se surimpose une séparation sociale de plus en plus visible, au fur et à mesure que l’immobilier des métropoles s’envole, que les activités les plus rentables s’y concentrent, et que les cadres de la société française y travaillent toujours davantage.

La fracture est devenue un abyme entre les élites des métropoles mondialisées et le reste du peuple, majoritaire, chassé vers la France périphérique par le cumul de la désindustrialisation et de la hausse des loyers du secteur privé. Cette partition de la société et du territoire renvoie immanquablement à la citation maintes fois répétée du milliardaire américain Warren Buffett  : « Il y a une guerre des classes, c’est un fait, mais c’est ma classe, la classe de riches, qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la gagner. » Que cela soit volontaire ou non ne change rien à l’affaire.

La déconnexion des élites technocratiques et bourgeoises est avérée. Elles ont perdu pied face à une société qu’elles méconnaissent, à qui elles proposent d’aller chercher l’emploi là où il est… Mais au nom de quoi pourrait-on demander à un Français provincial en difficulté de quitter sa petite ville pour gagner le SMIC dans une métropole où son salaire sera dévoré par son loyer ?… L’incompréhension n’est pas feinte, et toute discussion avec notre bourgeoisie mondialisée se termine par des formules dignes de l’Ancien Régime. Il n’est pas nouveau que les privilégiés soient aveugles à leurs privilèges, qu’ils regardent comme justifiés, fruits de bonnes décisions et d’une juste récompense. Mais les classes sociales inférieures n’en ont cure, et c’est précisément cette situation qui a éclos en cet automne 2018. Prenons l’exemple emblématique de cette séquence, la métropole de Bordeaux.

Extrait de "La France qui déclasse : Les gilets jaunes, une jacquerie au XXIe siècle" de Pierre Vermeren, publié chez Tallandier.

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