L’égalité femmes hommes ne mène pas à l’indifférenciation des rôles sociaux et le paradoxe norvégien est là pour le prouver <!-- --> | Atlantico.fr
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Une affiche visant à promouvoir l'égalité à l'école, en 1984.
Une affiche visant à promouvoir l'égalité à l'école, en 1984.
©JULIEN CASSAGNE AFP

Contre-intuitif

Il existe une controverse quant à savoir si les différences entre les sexes sont plus ou moins importantes dans les sociétés qui promeuvent l'égalité des sexes. Une étude récente montre que les différences entre les sexes sont plus importantes dans les pays qui favorisent l'égalité pour la lecture, les aptitudes en mathématiques et la personnalité.

Marco  Balducci

Marco Balducci

Marco Balducci est chercheur à l'université de Turku (Finlande). 

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Atlantico : Vous avez récemment publié l'étude "Linking gender differences with gender equality : A systematic-narrative literature review of basic skills and personality" (Lier les différences entre les sexes à l'égalité des sexes : une analyse documentaire systématique et narrative des compétences de base et de la personnalité). Jusqu'à présent, qu'est-ce qui explique qu'il n'y ait pas de consensus sur le fait que l'égalité des sexes augmente ou non les différences entre les sexes ?

Marco Balducci : Je pense qu'aujourd'hui, les chercheurs qui étudient le phénomène s'accordent à dire que le paradoxe de l'égalité des sexes existe et s'étend bien au-delà des domaines que j'ai abordés dans ma revue (il va jusqu'aux joueurs d'échecs). Les preuves soutenant le paradoxe s'accumulent depuis plus de 20 ans, malgré la forte opposition de plusieurs revues scientifiques à publier des recherches qui vont à l'encontre de leur ligne éditoriale. D'après mon expérience, ceux qui, dans le monde universitaire, hésitent encore à admettre l'existence du paradoxe de l'égalité des sexes sont soit peu familiers avec le sujet, soit réfractaires à abandonner de vieilles positions idéologiques.

D'après votre revue de la littérature et votre analyse, quelle est votre conclusion sur l'impact des mesures d'égalité des sexes sur les différences entre les sexes ?

Il est peu probable que l'égalité des sexes à elle seule augmente les différences entre les sexes. Cependant, l'égalité des sexes est associée à de meilleures conditions sociétales générales qui favorisent le développement des compétences de base et réduisent, par exemple, les émotions négatives chez les hommes et les femmes. Il arrive que l'un des deux sexes réagisse plus ou moins vivement que l'autre lorsque les conditions deviennent plus avantageuses, ce qui a pour conséquence d'accroître les écarts entre les sexes. 

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Ces résultats peuvent sembler contre-intuitifs, comment les expliquer ?

Comme je l'ai dit, l'égalité des sexes ne suffit pas à expliquer le phénomène. L'objectif d'une recherche comme la mienne est de dévoiler un modèle paradoxal plutôt que de l'expliquer par l'égalité des sexes en soi. La raison de ce phénomène fait encore l'objet de débats. L'explication la plus probable, à mon avis, est que les différences évolutives entre les sexes augmentent en raison des meilleures conditions économiques, écologiques et socioculturelles que l'on trouve souvent dans les pays où l'égalité des sexes est plus grande.

Cela signifie-t-il qu'il existe effectivement un "paradoxe de l'égalité des sexes" ou un "paradoxe norvégien" ?

Le sujet a été fortement politisé et l'on a beaucoup insisté sur le fait que l'égalité des sexes pouvait réduire les différences entre les sexes. Ce point de vue a fortement influencé les décideurs politiques qui ont tenté, et tentent toujours, de combler les écarts entre les sexes dans les pays occidentaux. Cependant, elle s'est avérée être une hypothèse erronée et c'est pourquoi nous l'appelons désormais un paradoxe. En d'autres termes, oui, il existe bel et bien un paradoxe de l'égalité des sexes, étant donné les fausses attentes des décideurs politiques lors de la mise en œuvre de politiques égalitaires.

Quelles sont les implications politiques de ces résultats ?

Les différences entre les sexes ne sont pas seulement le résultat de processus de socialisation, ces différences sont également ancrées dans notre histoire évolutive (il est préférable de considérer ces deux aspects comme complémentaires plutôt que concurrents). Chez nos ancêtres, l'anisogamie (différence entre les gamètes) a donné le coup d'envoi de plusieurs processus évolutifs qui ont amené les femmes à s'investir davantage dans les enfants et les hommes à s'investir davantage dans l'accouplement. La sélection sexuelle a fait le reste, les mâles et les femelles affichant diverses préférences d'accouplement qui ont, à leur tour, façonné les différences entre les sexes. De nos jours, ces différences sont toujours visibles et interagissent avec l'environnement socio-économique, de sorte que plus les gens sont libres de contraintes socio-économiques, plus les sexes varient. Il en découle que l'égalité des chances ne va pas de pair avec l'égalité des résultats dans ce cas, car les hommes et les femmes sont intrinsèquement différents. Ainsi, lorsque les gens bénéficient d'une meilleure "égalité des chances", ces différences s'expriment plus librement, ce qui accroît les écarts de résultats entre les sexes. Cela dit, les décideurs politiques devraient s'attacher à garantir l'égalité des chances en gardant à l'esprit que les hommes et les femmes ne sont pas toujours les mêmes - ce qui génère des écarts de résultats - et qu'un écart de résultats ne peut à lui seul être utilisé comme preuve de discrimination. Le fait de ne pas le faire aboutirait à la mise en œuvre de politiques discriminatoires.

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