L’Assemblée Nationale 2022 ne tiendra pas cinq ans …<!-- --> | Atlantico.fr
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Une vue générale de l'hémicycle de l'Assemblée nationale française à Paris, le 17 mai 2022.
Une vue générale de l'hémicycle de l'Assemblée nationale française à Paris, le 17 mai 2022.
©STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Vers une dissolution ?

A moins d’un miracle, - en l’occurrence un retournement spectaculaire de la situation provoqué par un motif inconnu, l’Assemblée Nationale, telle qu’elle est sortie des urnes ce dimanche 19 juin, - sans majorité nette, présente toutes les caractéristiques d’une « chambre introuvable » pour un pays ingouvernable. Dans un contexte de crises multiples la situation va devenir intenable pour Emmanuel Macron et l’auteur de ces lignes partage l’avis de ceux qui pronostiquent une dissolution dans un an, l’assemblée ne pouvant être dissoute plus tôt...

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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Il n’y a pas deux mois on s’émerveillait devant la performance d’Emmanuel Macron, premier président de la Cinquième République réélu hors période de cohabitation. Réélire Macron, c’était le choix de la raison. Et l’on s’est voilé la face lorsque les instituts de sondage, poussant un peu les questions sur l’avenir, posaient la question sur la future majorité. Déjà plus de la moitié des sondés rejetait l’idée de donner une majorité au parti présidentiel, alors que c’était considéré comme une évidence depuis l’inversion du calendrier électoral, en 2002 . Fort des presque 22% des voix, Jean-Luc Mélenchon a alors lancé le fameux «  Elisez moi premier ministre » : aberration constitutionnelle, mais peu importe, le leader de la France Insoumise a instillé l’idée d’une cohabitation imposée à Emmanuel Macron. Il a reconstitué un cartel électoral de la gauche en un éclair en créant  la NUPES ( Nouvelle Union populaire écologique et sociale), pris la main sur toute la gauche , et suscité une dynamique électorale qui s’est avérée efficace ; certes, pas autant qu’espérée par ses promoteurs , mais Insoumis, Socialistes NUPES et Communistes totalisent aujourd’hui 133 sièges ( 72 pour la France Insoumises, 23 pour les Ecologistes , 26 pour le PS, et 12 pour le PC , chaque parti devant former un groupe autonome). Pendant la campagne, le bloc majoritaire (Ensemble , MODEM, et Horizons), semblait inerte, son leader Emmanuel Macron se réfugiant jusqu’au dernier moment dans ses obligations présidentielles. Ses ultimes déclarations, avant de s’envoler pour la Roumanie et l’Ukraine, appelant à voter pour la «République », sur le mode «  moi ou le chaos », n’ont pas impressionné les électeurs qui se sont massivement abstenus et n’ont pas accordé de majorité au chef de l’Etat, puisque le bloc majoritaire ne totalise que 244 sièges. (alors que la majorité absolue est de 289 élus)…Plus sévère  pour lui : les électeurs ont « dégagé» des figures du macronisme, comme Richard Ferrand, le président de l’Assemblée nationale sortante ou encore le patron des députés de majorité et ancien ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner.

Le Rassemblement National, première force d’opposition

Première force d’opposition dans sa globalité, la NUPES ne l’est pourtant pas dans l’hémicycle, car à l’étonnement général, le Rassemblement National se retrouve avec un groupe de 89 élus. Défaite à la présidentielle, Marine Le Pen n’affichait pas de telles ambitions. Alors, dimanche soir, la (bonne) surprise a été totale dans son camp du Rassemblement National. Et Marine Le Pen pouvait triompher : Nous avons atteint nos trois objectifs: faire d’Emmanuel Macron un président minoritaire, poursuivre la recomposition politique indispensable et assumer le triomphe de l’idée salvatrice de nation.»Amère pilule soit dit en passant pour Eric Zemmour,  qui a tout perdu dans cette campagne… Pour leur part Les Républicains se retrouvent derrière : ils ont perdu une quarantaine d’élus et n’ont plus que 61 députés. Dans leurs premières  analyses du scrutin, les sondeurs ont relevé que dans les 58 duels NUPES /RN, les électeurs LR avaient majoritairement voté en faveur du candidat du Rassemblement National , réalisant une Union des droites dans les  faits, et faisant fi du mot d’ordre «  pas une voix pour l’extrême-droite ».  

 C’est sur un ton bien terne et d’une voix lasse que la première Ministre, élue dans le Calvados a déclaré en cours de soirée que la France se trouve dans une «situation inédite» qui «constitue un risque pour notre pays», et qu’elle a appelé àtravailler «dès demain à construire une majorité d'action». Olivier Véran, confortablement réélu dans l’Isère Olivier Véran  appelle « faire preuve d’humilité face aux résultats de ce soir».Bruno Le Maire, de son coté, appelle au «  compromis ».Clairement il se verrait bien comme l’homme de la situation : venant de la droite ,il se pose en candidat à la négociation , avec les opposants pour des majorités d’idées autour de certains projets.  Le maire de Meaux Jean-François Copé, ex-président de LR prône depuis plusieurs jours, « un pacte de gouvernement entre Emmanuel Macron et LR afin de lutter contre la montée des extrêmes, et affirme qu’« il appartient à la droite républicaine de sauver le pays … ». Le nouveau député des Hauts de Seine Philippe Juvin est également sur cette ligne en plaidant « pour un accord de gouvernement, à l’allemande». Cette idée est loin de faire l’unanimité au sein du parti LR.. Le député du Lot Aurélien Pradié, a déclaré que « Ce n’est pas à nous d’aller sauver Emmauel Macron » et  qu’on « ne redorera pas le blason de notre démocratie si on cherche à faire des coups de billard à quatre bandes, du type de la IVe République ». Pour l’heure , Emmanuel Macron doit parer au plus pressé : confirmer Elizabeth Borne ou nommer un autre premier Ministre, faire élire un président de l’Assemblée Nationale …à la majorité relative , faire adopter le texte sur le pouvoir d’achat…Les négociations en coulisse s’annoncent intenses .  Les voix de favorables de l’opposition seront scrutées, commentées. Il en était ainsi entre 1988 et 1993, lorsqu’il manquait 12 voix, (seulement ) au PS pour avoir la majorité absolue .Mais à l’époque il était facile de dégainer le 49.3. qui entrainait automatiquement le dépôt d’une motion de censure, laquelle n’ait pas votée ..et c’est ainsi que Michel Rocard, Edith Cresson et Pierre Bérégovoy ont gouverné .. En 1993 la droite a obtenu 456 sièges …Dans l’immédiat  le chef de l’Etat  devra aussi faire taire les critiques internes qui commencent à poindre au sein même de la macronie et pas uniquement chez les alliés du MODEM et d’Horizons… Ce lundi Stanislas Guérini, délégué général de la République en Marche, a formulé un début de mea culpa, en reconnaissant que la campagne « a peut-être commencé un peu tard ». Ce ne sera pas suffisant ; outre les reproches sur la manière de mener la campagne, on viendra rappeler à Emmanuel Macron qu’il avait promis l’instauration de la proportionnelle avant 2017. C’est peut-être sur ce projet qu’il obtiendra un consensus. La proposition de loi DU modem est prête. Le schéma idéal serait le vote de cette réforme et une dissolution dans la foulée. Mais d’ici là il y aura beaucoup d’ éclats de voix, de dissensions et d’ exclusions ; du bruit et de la fureur …Tout l’inverse d’une République apaisée.

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