L’angoisse économique, redoutable angle mort du macronisme<!-- --> | Atlantico.fr
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Il est important de développer la reconnaissance et le sentiment d'appartenance en travaillant sur la culture d'entreprise, marque employeur et expérience collaborateur.
Il est important de développer la reconnaissance et le sentiment d'appartenance en travaillant sur la culture d'entreprise, marque employeur et expérience collaborateur.
©Alex E. Proimos

Contexte anxiogène

De nombreuses études réalisées à travers le monde montrent que la peur des licenciements, de la précarité ou de la pauvreté est quasiment aussi puissante dans ses effets que les licenciements, la précarité ou la pauvreté elles-mêmes.

Caroline Diard

Caroline Diard

Caroline Diard est professeur associé au département Droit des Affaires et Ressources Humaines à la Toulouse Business School.

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Atlantico : Dans la Harvard Business Review, l’auteure Melody Wilding s’intéresse à un sujet trop peu souvent évoqué, l'angoisse du licenciement. Quel est concrètement ce phénomène ?

Caroline Diard : Il est intéressant de se pencher sur les crises qui ont potentiellement modifié le rapport au travail ces dernières années, notamment parce qu'elles ont impacté le marché de l'emploi ou le pouvoir d'achat.

Un contexte anxiogène modifie les comportements des individus en même temps que les stratégies organisationnelles développées par les entreprises.

La crise financière de 2008 a eu des effets néfastes sur le marché du travail, sur l'activité des entreprises. La crise du Covid, plus récente, quant à elle, a été anxiogène à double titre : au niveau économique (la peur pour la pérennité des entreprises, peur du chômage), au niveau sanitaire (la peur de mourir, de perdre des proches, d'être malade).

L'incertitude a créé des craintes et des réactions diverses : dans un premier temps, des démissions et ruptures conventionnelles (voir chiffres de la DARES) et également une forme de brèche, de rupture dans le contrat psychologique, tacite qui existe entre un collaborateur et son employeur.

Certaines entreprises ont bien rebondi après la crise et en grande partie grâce aux aides exceptionnelles du gouvernement (chômage partiel, prêt garanti par l'état, aide à l'embauche d'alternants...). Ceci a favorisé un marché de l'emploi qui se porte plutôt bien avec des difficultés pour les employeurs à attirer les talents. En revanche, l'annonce de défaillances d'entreprises (Camaieu, Pinkie...) et les licenciements qui suivent sont sources de peurs. Les salariés qui restent souffrent d'une forme d'anxieté. On peut évoquer une forme de syndrome du survivant.

Il s’agit d’un stress post-traumatique. Les survivants d’un confit organisationnel (PSE, grève, conflit interpersonnel) sont envahis d’émotions négatives : colère, tristesse, peur, culpabilité, gêne et surtout in fine à une forme de méfiance vis à vis du management qui peut conduire à des difficultés à se projeter à nouveau dans l’organisation. Les entreprises risquent d’être confrontées à une perte de motivation. En analyse transactionnelle, on analyse une relation à travers plusieurs types de transactions. On parle de "triangle dramatique"

· le persécuteur : il s’agit du rôle de l’attaquant.  

· la victime : il s’agit du rôle de la personne qui subit l’agression du persécuteur.  

· le sauveur : il s’agit du rôle du protecteur, du chevalier blanc.  

Ce rôle de sauveur appartient au management d'une entreprise. Il faut donc : communiquer de manière transparente, engager les salariés qui restent dans un projet d'entreprise clair et motivant.

La mise en oeuvre du travail hybride, les reflexions sur le flex office a aussi pu générer des craintes et des résistances au changement.

Que nous apprennent les études qui ont étudié cette angoisse du licenciement sur ses conséquences et ses impacts ?

L'angoisse du licenciement peut produire des effets opposés : des dépressions sévères avec des choix individuels qui vont s'orienter vers une nouvelle relation au travail, une reconversion, un recentrage sur des priorités différentes.

Cela peut aussi générer un sur-investissement du travail pour "sauver" son poste et cette situation est dangereuse car elle peut conduire à un stress et à un burn-out, une augmentation de la charge mentale.

Comment lutter contre cette angoisse ?

Il est nécessaire de favoriser l'implication en organisant des entretiens individuels, planifier des formations et peut-être revoir la politique de rémunération. La clé est peut-être de modifier la rétribution au sens large afin de favoriser un sentiment de justice et d'équité perçue au sein des organisations. Il est important de développer la reconnaissance et le sentiment d'appartenance en travaillant sur la culture d'entreprise, marque employeur et expérience collaborateur.

Les gouvernements prennent-ils suffisamment conscience de ces angoisses (que ce soit sur la soutenabilité sociale et environnementale, sur l’avenir en général) et de leur potentiel destructeur ?

Il est difficile de répondre sur la perception que peut avoir le gouvernement. En tout état de cause, les réformes lancées récemment (réforme de l'assurance chômage effective au 1er février 2023 (loi du 21 décembre 2022 qui permet au gouvernement d’introduire un nouveau mécanisme de modulation de la durée d'indemnisation d’assurance-chômage en fonction de la situation du marché du travail), et réforme des retraites en cours) sont source d'insatisfaction et génèrent probablement des craintes pour l'avenir.

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