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L'adulte obèse est un enfant qui a mangé trop de sucres
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

nutrition

Dans un article publié dans une revue d’économie l’obésité des adultes contemporains est rapportée à leur consommation alimentaire dans l’enfance. Comment cette étude d’Alex Bentley change-t-elle notre compréhension de l’obésité ?

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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En l’espace de deux générations, l'obésité est devenue une épidémie dans les pays développés. À l'échelle mondiale, l'obésité a presque triplé entre 1975 et 2016; en 2016, plus de 650 millions d'adultes étaient obèses, soit environ 13% de la population adulte mondiale. Chez les enfants et les adolescents âgés de 5 à 19 ans, le taux global d'obésité est passé de 1% en 1975 à 6% chez les filles et 8% des garçons en 2016. C’est donc un phénomène assez récent et massif. Pour autant il est encore assez mal expliqué. Deux raisons principales: 

- la complexité de cette affection. L'obésité est une maladie du contrôle de l'apport alimentaire. L'addiction forte aux aliments raffinés joue un rôle clé dans cette perte de contrôle. Le plus pur, le plus raffiné des aliments et le plus addictif dans notre environnement c'est le sucre ce que beaucoup ignorent. Il ya d’autres facteurs car sur le plan génétique c’est une maladie polygénique et sur le plan environnemental c’est une maladie multifactorielle. Mais ceci dit que cela ne soit pas une raison illégitime de noyer les causes dans un relativisme psycho-socio-économique.

- l’énorme pression politique autour du sujet qu’il s’agisse des producteurs, des transformateurs des distributeurs ou des gouvernements fait que la guerre de l'information est totale. Un exemple, les preuves de l’implication des boissons sucrées caloriques dans l’obésité le saccharose (sucre de table) a été incriminé de manière certaine car en réalité ces boissons n’ont d’autres constituants que l’eau et des extraits de plante (thé, cola, citron…) en quantité négligeable. Dans un schéma classique de déresponsabilisation maximale les associations, certains médecins, les législateurs ont demandé à l’état de “faire quelque chose”. Le gouvernement s’est paré de ses plus belles intentions non pas pour s'attaquer de front au problème dans les écoles auprès des parents (oui Mendès France l’avait fait…) mais pour instaurer une taxe comportementale. Le public, les partis politiques ont voté d’une seule main. Pourtant la production de sucre est subventionnée notamment en France, ce qui fait du sucre ajouté une calorie très peu chère et très intéressante par ailleurs. Aucun législateur n’a soulevé l’irrationalité de taxer une consommation subventionnée à la production. Taxer une subvention en dit long sur les conflits d’intérêt dans ce secteur. 

L’hypothèse à tester est la suivante: les taux actuels d’obésité chez les adultes aux États-Unis sont ils le résultat de changements alimentaires survenus il y a plusieurs décennies? Cet article décrit un modèle prédictif construit à partir des données de la consommation des adultes actuels lorsqu'ils étaient enfants: 

«Tandis que la plupart des études de santé publique se concentrent sur les comportements et les régimes alimentaires actuels, nous avons adopté une approche novatrice et examiné comment les régimes alimentaires que nous avons consommés dans notre enfance ont une incidence sur les niveaux d'obésité, maintenant que nous sommes adultes».

De nombreuses études sur la santé de la population ont identifié la consommation excessive de sucre comme un facteur majeur de l’épidémie d’obésité. Une des objections à cette théorie, cependant, est que la consommation de sucre aux États-Unis a commencé à diminuer à la fin des années 90, alors que les taux d'obésité ont continué à augmenter pendant les années 2010 (Figure n°1).

Figure N°1: (a) Taux d'obésité dans le Wisconsin, par groupe d'âge, 2015. (b) Consommation quotidienne de sucre aux États-Unis par habitant, 1970-2017, à l'aide des données de l'USDA par rapport au taux d'obésité américain (Centers for DiseaseControl & Prevention, 2017) en utilisant l’axe des y sur la droite.

En 2016, près de 40% de tous les adultes américains, soit un peu plus de 93 millions de personnes, étaient touchés par l'obésité. Dans le seul Tennessee, le taux d'obésité chez les adultes a plus que triplé, passant d'environ 11% en 1990 à près de 35% en 2016. Toutefois, en 2017, l'obésité dans le Tennessee avait diminué de 2% par rapport à l'année précédente. Selon l’hypothèse des auteurs, si les régimes riches en sucre pendant l'enfance ont des effets à long terme, les changements que nous constatons actuellement dans les taux d'obésité chez les adultes ont peut-être été initiés avec les régimes alimentaires de l’enfance il y a plusieurs décennies. L’hypothèse testée change notre vision de l’obésité en ce sens que des régimes très sucrés pendant l’enfance developperaient et conditionneraient le tissu adipeux du futur adulte.

Quelle est la valeur d’une telle étude ?

C’est donc un modèle et nous savons que les modèles sont très dépendants de ceux qui les construisent. Toutefois l’argument des concepteurs des modèles en biologie ou en économie ou bien en météorologie c’est que le modèle est pertinent s’il prédit correctement les données certaines c’est à dire le présent ou bien l’avenir mais là il faut attendre la confirmation. Les régimes des mamans pendant la grossesse et ceux des enfants sont devenus très sucrés à partir des années 60-70.  Essentiellement en raison de l’apparition de produits industriels baptisés laits et destinés aux nouveaux-nés et aux enfants.  Un marché très important où on trouve de tout mais beaucoup de sucres… Le lait maternel contient 7g/l de sucres. Réfléchissons donc avant de leur en donner plus...

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Substituts du lait maternel, la concentration finale dépend de la dilution

Un exemple de composition : les sucres sont en noir, les fibres en bleu

Poudre - Ingrédients

Lactose (lait)

Huiles végétales (palme, colza, coprah, tournesol, mortierella alpina)

Maltodextrines

Lait écrémé

Protéines de lactosérum concentrées (lait)

Galacto-oligosaccharides (GOS) (lait) 

Fructo-oligosaccharides (FOS)

Huile de poisson

Chlorure de choline

Taurine

Émulsifiant : lécithine de soja

Inositol

Antioxydant : extrait riche en tocophérols

L-tryptophane

Nucléotides

L-carnitine

Vitamines : C, niacine, acide pantothénique, acide folique, A, E, biotine, B1, D3, B12, B6, B2, K1.

Minéraux : carbonate de calcium, citrate de potassium, chlorure de calcium, sulfate de fer, phosphate de calcium, chlorure de magnésium, sulfates de zinc, cuivre et manganèse, iodure de potassium, sélénite de sodium.

Le lait maternel contient 7g/l de sucres

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Un autre substitut du lait maternel donne sa composition , c’est plus simple pour les choix… Mais la concentration de sucre dépend de la dilution

Informations nutritionnelles

Valeur pour 100 grammes de poudre

Calories 517

Lipides 28 g

Acides gras saturés 14 g

Acides gras poly-insaturés 9 g

Acides gras mono-insaturés 2,3 g

Cholestérol 8 mg

Sodium 224 mg

Potassium 598 mg

Glucides 52 g

Fibres alimentaires 0 g

Sucres 34 g

Protéines 14 g

Vitamine A 1 528 IU Vitamine C 45,8 mg

Calcium 534 mg Fer 9,2 mg

Vitamine D 229 IU Vitamine B6 0,3 mg

Vitamine B₁₂ 2,3 µg Magnésium 38 mg

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Il semble bien que jusqu'à présent, aucune étude n'avait explicitement exploré le délai, potentiellement long, entre l'augmentation de la consommation de sucre et l'augmentation du taux d'obésité, privilégiant un rapport temporel court entre le régime alimentaire et l’obésité. Les auteurs ont modélisé l'augmentation de l'obésité chez les adultes aux États-Unis depuis les années 1990 en tenant compte de l'augmentation de la consommation excessive de sucre mesurée chez les enfants dans les années 1970 et 1980. Ils ont testé leur modèle à l'aide de données nationales sur l'obésité recueillies entre 2004 et 1990 par les Centers for Disease Control and Prevention et ont comparé ces taux d'obésité à la consommation annuelle de sucre depuis 1970 en utilisant les taux médians par habitant publiés par le ministère de l’agriculture (USDA). On comprend l’importance du big data et de statistiques fiables dans ce genre de recherches. Avant 2000, l’augmentation en sucre provenait en grande partie du sirop de maïs à haute teneur en fructose (HFCS), qui, après 1970, est rapidement devenu le principal édulcorant des boissons non alcoolisées et un ingrédient commun des aliments transformés. Au plus fort de la consommation de sucre, en 1999, chaque personne aux États-Unis a consommé en moyenne environ 60 livres de sirop de maïs à haute teneur en fructose par an et plus de 400 calories par jour en excès de sucres totaux. La consommation de sucre aux États-Unis a diminué depuis l’année 2000. Le délai est d’environ 20 ans d’après ce modèle entre le fait générateur dans l’enfance et l’obésité de l’adulte.

Ces résultats sont ils applicables en France ?

Les choses ne se sont pas passées de la même manière en France puisque nous avons des taux d'obésité plus faibles chez les enfants comme chez les adultes. Une des raisons possibles est la plus faible consommation de sirop de maïs enrichi en fructose en France et plus généralement en Europe. Toutefois la comparaison des données est extrêmement complexe. Je tiens une nouvelle fois à rappeler qu'il s'agit dans cet article d'un modèle et non pas d'une étude interventionnelle qui aurait consisté à comparer deux groupes d'enfants l’un avec une alimentation au lait maternel, l'autre avec des substituts riches en sucres ajoutés et à les suivre jusqu'à l'âge adulte.Ce qu'il faut retenir et qui peut-être applicable en France c'est que l'obésité se prépare en grande partie pendant la grossesse, dès la naissance si l'enfant n'est pas nourri au sein et à l'école où existent encore des petits déjeuners “gratuits” de céréales hyper sucrées. Dans la genèse de cette obésité, outre le développement précoce d’un tissu adipeux hyperplasique (plus de cellules adipeuses) pendant la période de croissance, il faut souligner le rôle du conditionnement cérébral au goût sucré qui conditionne ensuite le choix de produits sucrés.

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