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Justin Trudeau garde le pouvoir mais pour quoi faire ?
©Cole Burston / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Atlantico-Business

Après une campagne électorale très tendue et un parti libéral qui a perdu la majorité, Justin Trudeau va néanmoins garder le pouvoir grâce à des alliances. Il va devoir, sans toucher à la politique d’immigration économique, gérer les effets du multiculturalisme.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le Canada a ceci de spectaculaire et d’exceptionnel, c’est qu’il a sans doute la politique d’immigration la plus généreuse et la plus efficace du monde en terme d’accueil.... C’est le diagnostic formulé par l’OCDE avant les élections, qui donnait au monde entier le Canada comme modèle.

La campagne électorale a montré que la politique d’immigration fondée strictement sur les critères économiques ne faisait pas débat, mais les effets induits du multiculturalisme commencent a faire problème dans certains Etats

Montréal, Québec. Vendredi 18 octobre, 10 heures du matin et avant - veille des élections législatives, dans le grand amphithéâtre d’une université au nord de la ville, 300 candidats à la citoyenneté vont recevoir des mains du représentant du ministre de l’immigration, le certificat qui atteste de leur citoyenneté canadienne, en attendant le passeport qu’ils devraient recevoir 3 jours plus tard. 300 nouveaux migrants venant du monde entier qui ont religieusement écouté le discours d’accueil de la juge au tribunal, elle-même citoyenne canadienne d’origine belge, puis tout le monde entonne l’hymne national.

Ces candidats devenus officiellement citoyens canadiens sont tous arrivés depuis 5 ans au moins. Les uns en touristes ou  étudiants, les autres pour travailler ce qu’ils n’ont pas cessé de faire. Et ils ont fini par demander le permis de résidence et le passeport canadien

Ce jour-là, l’ambiance était particulièrement joyeuse, festive, conviviale. Ces candidats avaient en moyenne entre 15 et 40 ans, ils étaient seuls ou en couple. Beaucoup venaient d’Europe, mais aussi d’Afrique, d’Amérique du sud, quelques uns d’Asie.  Beaucoup étaient sans doute chrétiens, juifs ou athées. Et beaucoup étaient musulmans puisque, , certaines femmes portaient le voile.

L’émotion de toutes cette diversité était visible et le moment des selfies passé, chacun se félicitait d’avoir été reçu dans la communauté canadienne et s’apparentait à fêter l’événement en famille, un peu comme dans un mariage.

Venant de Paris, ce climat paraissait quelque peu surréaliste. D’autant qu’à la fin de la cérémonie, chaque nouveau citoyen pouvait être reçu par des représentants de l’administration ou de grandes entreprises qui proposaient des jobs et des carrières.

« You ‘ve got the education .... We ‘ve got the jobs ! »c’est le slogan qui domine les campagne de recrutement ou de sélection des émigres .

Le Canada est en proie à une étrange maladie que le vieux monde a éradiqué mais qui persiste à faire des ravages du côté canadien des grands Lacs d’Amérique du nord. Cette maladie est le plein emploi maximum, ce qui oblige tous les employeurs à chercher des salariés partout. Lesquels sont particulièrement détendus quand la durée du chômage entre deux jobs dure rarement plus de 5 jours. Ca change tout ... Evidemment, le climat social et politique d’abord.

Alors quand une campagne électorale s’avère compliquée pour le pouvoir en place, on débat de tout sauf de l’immigration parce que tous les Canadiens font consensus autour de la politique conduite jusqu'à maintenant et fondée sur des critères purement économiques. L'immigration est gérée sous l'empire d’une logique de la demande.

Pour l’OCDE, cette politique est un modèle d’efficacité et un exemple pour tous les autres pays en proie aux états d’âme identitaire, qui ne savent pas ce qu‘est une immigration efficace et une politique d’intégration qui fabrique du lien social plutôt que de détruire la société.

Le Canada qui s’est construit sur l'immigration n’en a jamais eu autant besoin. Le territoire est immense, beaucoup plus que celui des Etats-Unis, mais avec une population réduite à 38 millions d’habitants. En 1970, il y avait encore 7 actifs pour un retraité. En 2030, le ratio peut tomber à 2 actifs pour 1 inactif. Autant dire que dans ces conditions, aucun système de retraite ne tiendra en équilibre. Les Canadiens, qui font peu d’enfants (comme partout en Occident), ont donc un besoin urgent d’immigrés,sinon c’est le déclin.

Depuis qu’il est au pouvoir, le parti libéral de Justin Trudeau a augmenté ses seuils d’immigration. Le nombre de résidents permanents dépasse les 330 000 par an. Normalement le gouvernement a prévu de le porter à 350 000 en 2021. Justin Trudeau ne changera pas son objectif. Il y a fort à parier que la coalition majoritaire avec laquelle il va gouverner ne lui demandera pas de changer cet axe stratégique.

L’immense majorité des Canadiens adhère et soutient cette politique. Pour une seule raison, c’est une immigration économique qui soutient la croissance du pays. Depuis quinze ans,60% des immigrés sont admis via un programme économique soit parce qu’ils ont trouvé un job avant d’arriver au Canada, soit parce qu’ils le trouvent en arrivant. 30 % sont admis dans le cadre d’un regroupement familial, 10% sont étudiants.

Cette immigration sélectionne les bénéficiaires selon un système très objectif de points qui correspondent à l’âge, l’éducation, la formation professionnelle, l’expertise, l’expérience, la maîtrise de l’anglais ou du français sans discrimination entre les deux langues officielles du pays. Il n’y a aucun critère de nationalité, pas de quota géographique, ethnique ou religieux.

Mais l’immigration joue un rôle de stimulant à l’innovation et à la création d’entreprise dans la mesure où certaines expertises (digitale par exemple) représentent plus de points que d’autres : les talents et les diplômes valent cher, mais les autodidactes, les entrepreneurs et les investisseurs ne sont pas exclus.

Quant aux formalités administratives elles sont réduites à leur plus simple expression.  Un visa de touristes suffit pour chercher un travail ou une entreprise qui va demander un permis de travail et qui l’obtient systématiquement en moins de 15 jours.

Les seuls migrants qui ont du mal à ouvrir les portes sont les demandeurs d’asile. Ceci dit, l’arrivée de Donald Trump aux Usa a changé la donne en renvoyant un nombre de migrants politiques anormalement élevé au Canada.

Hormis cette restriction, l‘OCDE  affirme que le Canada reste assez exemplaire par son niveau d’acceptation de l’immigration par sa population qui considère qu’elle est plutôt bien gérée.

La vie de tous les jours est sans doute plus compliquée dans la mesure où la population de certains quartiers où des communautés éthiques se sont rassemblées en grand nombre sont traversées de courants anxiogènes.

Les élites politiques veillent à ne pas favoriser la constitution de telles communautés et cherchent à concentrer leur efforts sur les migrants économiques, c’est à dire plus de 80 %.

La force du Canada est évidemment dans son immigration mais au-delà, la force du Canada est surtout dans l’expertise de ses migrants.

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