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Les jurés populaires dans les tribunaux correctionnels ne sont pas une priorité
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Justice

Le garde des Sceaux présente ce mercredi sa réforme de la justice en Conseil des ministres. Au programme, l'introduction de jurés populaires dans les tribunaux correctionnels. En charge de la justice à l'UMP, Jean-Paul Garraud juge l'idée intéressante, mais pas prioritaire.

Jean-Paul Garraud

Jean-Paul Garraud

Jean-Paul Garraud est un magistrat et homme politique. Actuellement Président de l'Association professionnelle des magistrats, il a été le rapporteur du projet de loi "interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public", dirigé contre le port du voile intégral.

 

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Atlantico : Le président Nicolas Sarkozy a annoncé son projet de voir des jurés populaires rejoindre les tribunaux correctionnels et ce d’ici la fin de l’année. Cette mesure est-elle cohérente, va-t-elle apporter quelque chose au rendu de la justice, et techniquement faisable ?

Jean-Paul Garraud : L’idée de mettre des citoyens dans la justice pénale n’est pas mauvaise en soi, c’est même une bonne idée. C’est à la fois intéressant pour la justice et pour la jurés eux-mêmes. Des associations d’anciens jurés se sont mêmes constituées, car cette expérience de rendre la justice transforme les gens qui y participent.

Il y a cependant plusieurs paramètres à ne pas oublier. De manière générale, pour bien réformer la justice, il faut le faire avec une approche globale ayant une cohérence d’ensemble. A réformer briques par briques, on prend le risque de faire des erreurs en déséquilibrant une partie de la procédure judiciaire. 

De ce fait, avant l’introduction de jurés populaires dans les tribunaux correctionnels, je pense que la première des réformes à faire, c’est d’abord celle de la Cour d’Assises. Actuellement, les jurés qui existent déjà dans le système français ceux siégeant dans les Cours d’Assises, ne jugent que 20 % des crimes, quand 80 % le sont par des tribunaux correctionnels.

Pour toute une série de raisons, on fait en effet juger des crimes par des tribunaux correctionnels, il faut que les Français le sachent ! Prenez un exemple concret et réel dont l’un de mes collègues à l’Assemblée s’est ému : une buraliste a été agressée voici quelques mois par deux hommes, avec une arme à feu, pour un larcin de 50 euros. Les deux lascards sont passés devant le tribunal correctionnel. Pourtant au sens de la loi, il s’agit d’un vol en réunion avec armes et avec violence : selon le code pénal, c’est un crime, passible de la cour d’assises.

Il est donc très important que ce que nous, législateurs, qualifions comme crime, soit jugé comme tel. Ce qui n’est pas le cas actuellement ! Nombre de crimes sont ainsi correctionnalisés, car les cours d’assises sont engorgées, et les procédures très longues, et très couteuses. Les parquets changent donc les motifs de mise en examen pour éviter les Assises.

En simplifiant la procédure d’Assises, des tribunaux d’Assises départementaux seraient créés, et la Cour d’Assises deviendrait la juridiction d’appel.

A mon sens, le projet qui est présenté en conseil des ministres ce mercredi ne va pas assez loin sur cet aspect de la lutte contre la correctionnalisation des crimes en délits.

Mais est-il crédible de créer des centaines de jurys populaires en quelques mois, avec quels moyens et quelle organisation ?

Actuellement, il est déjà très difficile d’organiser les jurys de Cour d’Assises, qui ne jugent pourtant que 20 % des crimes. Il arrive même que des sessions de Cour d’Assises soient reportées faute de jurés.

Il ne faut donc pas toucher au tribunal correctionnel tel qu’il est, et réserver la présence des citoyens à la chambre correctionnelle de la Cour d’appel. C’est là où la décision est rejugée, où elle va devenir définitive, et par définition, puisque c’est déjà une instance d’appel, il y a moins d’appels, et ce qui en fait un système moins coûteux en hommes et en moyens. Il faut enfin absolument conserver le rythme de jugement qui est celui des tribunaux correctionnels. Il faut pouvoir juger dans des délais raisonnables.

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