Mais qui peut croire que le monde irait mieux s’il était dirigé par les femmes ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les stratégies qui ont permis aux femmes d’arriver dans ces lieux de pouvoir sont très différentes de celles des hommes.
Les stratégies qui ont permis aux femmes d’arriver dans ces lieux de pouvoir sont très différentes de celles des hommes.
©Flickr/Victor1558

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Comme chaque année, le 8 mars sera l'occasion de célébrer la Journée internationale des droits des femmes. S'il n'y a pas d’énormes différences dans l’exercice du pouvoir entre les hommes et les femmes, les stratégies d'accès au pouvoir diffèrent.

Hélène Périvier

Hélène Périvier

Hélène Périvier est économiste seniore au Département des études économique à l'OFCE.

Elle est Coresponsable du Programme de Recherche et d’Enseignement des Savoirs sur le Genre, PRESAGE.

Ces thèmes de recherche actuels sont le marché du travail, les inégalités entre les sexes et les politiques sociales et familiales.

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Atlantico : Nous célébrons ce jeudi la Journée internationale des droits des femmes. Dans notre système, les femmes accèdent-elles au pouvoir de la même manière que les hommes ?

Hélène Périvier : Tout d’abord, je tiens à préciser queles femmes et les hommes ne sont pas présents à égalité dans les lieux de pouvoir. Que ce soit le pouvoir économique ou le pouvoir politique, l’essentiel est détenu par les hommes.

Ensuite, les stratégies qui ont permis aux femmes d’arriver dans ces lieux de pouvoir sont très différentes de celles des hommes. Dans le système dans lequel nous sommes, il existe une forte cooptation entre hommes pour se partager le pouvoir. L’accès aux conseils d’administration ou aux comités de direction des grandes entreprises se joue beaucoup à l’entre-soi, à la cooptation. L’idée est de chercher les gens qui nous ressemblent. Un homme cherchera un homme de sa génération. Cela se passe aussi beaucoup par des relais informels comme des clubs, des lieux de rencontre etc. Les femmes sont évidemment exclues de ce système qui pourrait leur permettre de monter en grade dans leur carrière ou dans leur investissement politique par exemple.

L’homme se joue donc du système tel qu’il existe. La femme est obligée de le contourner.La stratégie des femmes peut être d’essayer, d’une certaine façon, de rendre leur sexe invisible, de se « masculiniser ». Par exemple, il existe cette stratégie de ne pas féminiser son titre. Vouloir conserver le terme « directeur » de tel ou tel département fait clairement partie d’une stratégie d’invisibilité.

L’autre stratégie qui est de plus en plus répandue est de créer son propre réseau de femmes pour essayer de s’entraider et d’accéder, à terme, à ces sphères de pouvoir.

L’exercice du pouvoir diffère-t-il entre les hommes et les femmes ?

Je pense que, fondamentalement, il n’y pas d’énormes différences dans l’exercice du pouvoir. Le plus souvent, ceux qui sont arrivés au pouvoir partagent les mêmes caractéristiques. Même si, comme je viens de le décrire, les stratégies pour arriver au pouvoir peuvent être différentes, les gens qui sont arrivés au pouvoir ont des parcours assez proches.

Le coté « les femmes sont plus sensibles et plus humbles » est un énorme cliché auquel je n’adhère pas. Pour qu’une femme arrive dans la sphère du pouvoir, elle a du s’accrocher. Elle n’a pas pu être douce et gentille avec les autres, sinon elle ne serait pas là où elle en est. L’idée que les hommes seraient plus agressifs, plus dans la prise de risques, est une conception profondément "biologisante" et difficilement acceptable.

Pour autant, le positionnement social des hommes et des femmes n’étant pas le même, le regard sur un certain nombre de questions est forcément différent. Les femmes peuvent se focaliser sur des sujets qui ne sont pas exactement les mêmes que ceux des hommes. On peut logiquement  imaginer que les femmes portent plus l’idée d’une certaine parité dans les conseils d’administration. Cela peut aussi porter sur des questions plus concrètes de bien-être dans l’entreprise du point de vue de l’articulation des temps de vie familiale et professionnelle.

Des études féministes déclarent qu’il y aurait sûrement moins de guerre si les femmes étaient plus au pouvoir. Qu’en pensez-vous ?  

Ce sont des spéculations complètement tautologiques. Il est impossible de penser cela. L’idée de dire que le monde dans lequel nous vivons ne serait pas le même si les femmes étaient au pouvoir est complètement absurde car les fondamentaux resteraient les mêmes. Ces questions n’ont donc ni sens, ni intérêt. Il y aurait autant de guerre avec des générales qu’avec des généraux…

L’accession au pouvoir endurcit-il les femmes ?

L’accès au pouvoir exige et engendre à la fois cet endurcissement. Il suffit de regarder la vie de nos hommes et femmes politiques pour comprendre que c’est difficile. Ceux qui restent sont les plus robustes.

La sphère du pouvoir est injustement associée au « masculin ». Il faut aller de l’avant, être agressif, dynamique, prendre des risques.  Ce n’est d’ailleurs pas vrai dans toutes les sociétés. Il existe des sociétés dans lesquelles le « masculin » est associé au fait d’être calme, posé, réfléchi. Je pense notamment aux sociétés orientales.

En Occident, il existe une sphère masculine et une sphère féminine avec une hiérarchie entre ces deux sphères. Le masculin est positif, le féminin est clairement en dessous. On attribue ensuite à chacune des ces sphères un sexe. Les femmes doivent être dans le féminin et les hommes dans le masculin. Pour les femmes occidentales, il n’y pas beaucoup de stratégies possibles. Soit elles s’identifient à cette sphère masculine, soit elles adoptent la stratégie du contournement et, quand elles accèdent au pouvoir, elles sortent du lot.

Il existe des travaux de politistes comme Réjane Sénac qui ont montré que les femmes qui ont réussi en politique, Margaret Thatcher ou Angela Merkel, ont adopté la première stratégie. Elles sont complètement dans le moule du masculin dans leur façon d’être et de s’exprimer.

Propos recueillis par Jean-Benoît Raynaud

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