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Johnny Hallyday ou 60 ans de contre-culture imposée au nez et à la barbe des élites françaises
©UPI / AFP

Fin d'une époque

Johnny est décédé dans la nuit du cinq décembre provoquant la tristesse de millions de fans à travers l'hexagone. Mais au-delà de la figure du rock qu'il incarnait, Johnny c'était aussi celui qui avait bouleversé les codes d'une société française dont les élites ne juraient que par le cartésianisme.

Eric Deschavanne

Eric Deschavanne

Eric Deschavanne est professeur de philosophie.

A 48 ans, il est actuellement membre du Conseil d’analyse de la société et chargé de cours à l’université Paris IV et a récemment publié Le deuxième
humanisme – Introduction à la pensée de Luc Ferry
(Germina, 2010). Il est également l’auteur, avec Pierre-Henri Tavoillot, de Philosophie des âges de la vie (Grasset, 2007).

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Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Atlantico :  Johnny Hallyday, décédé dans la nuit de ce 5 décembre, était parvenu à s'imposer dans une France de culture classique, dominée par des élites valorisant le cartésianisme. En quoi le succès de Johnny Hallyday dans la France de Descartes peut-il justement découler de son approche instinctive en décalage avec la logique et le classicisme de la culture française ?

Eric Deschavanne : Au sortir de la deuxième guerre mondiale, le classicisme de la culture française se manifestait à travers le prestige de la littérature et la culture des intellectuels. Au regard de l'élite culturelle et de ceux qui allaient devenir après-guerre les « classiques » de la chanson française (Trenet, Brassens, Brel, Gainsbourg, etc.), la chanson est un art mineur, qui n'a de (faible) valeur que dans la mesure où il s'inspire de la haute culture classique. A cette époque, la distinction entre la culture élitiste (au double sens de culture d'élite et de culture de l'élite) et de la culture de masse est encore très nette. La chanson à texte apparaît comme une forme de culture littéraire mise à la portée du grand public. Le texte prime alors sur la musique. La révolution culturelle s'opère dans la seconde moitié du 20e siècle : elle débute dans les années 60, avec l'irruption de la culture jeune, et s'accomplit dans les années 80, moment où les intellectuels réhabilitent la culture de masse, qui apparaît désormais comme la culture démocratique ; ce qui touche le grand public ne peut être complètement mauvais. C'est dans ce contexte que Johnny a pu devenir un monument national : il est peut-être le plus grand symbole de cette révolution culturelle en France.

Il y a cependant un « paradoxe Johnny », et même plusieurs paradoxes. Johnny s'est installé au sommet de l'Olympe des stars françaises, il est devenu un monument national, un bout de vie de chaque Français, et pourtant, en même temps, rarement un artiste n'aura été aussi méprisé durant toute sa carrière. Le titre d' « idole des jeunes », n'était en réalité pas très flatteur ; l’intelligentsia l'a longtemps tenu non pas pour un « fou chantant », mais pour un crétin chantant. Dans les années 80, il est « réhabilité » en même temps que la culture populaire et que la culture rock, mais les années 80 sont également celles – à la suite à la réforme du collège unique - de l'achèvement de la démocratisation de l'enseignement secondaire. En même temps que la distinction entre haute culture et culture populaire, la frontière entre le peuple et la bourgeoisie se brouille. Une nouvelle figure sociale apparaît : l'homme ou la femme du petit peuple déclassé, marginalisé par son déficit de vocabulaire et de culture – le « Deschien ». La réhabilitation de la culture de masse s'accompagne d'une nouvelle forme de condescendance, plus ou moins marquée, à l'égard de ceux qui n'ont pas fait d'études et ne sont pas à l'aise avec les mots. Johnny, par l'enfance qui a été la sienne et sa timidité appartient à ce peuple-là. Ce que stigmatise sa « guignolisation » à partir des années 80, au moment même où s'achève pourtant le règne de la culture classique – le prestige de la littérature et de la chanson à texte étant noyé dans le nouvel univers médiatique.

Il y a un deuxième « paradoxe Johnny ». Il est considéré comme la grande figure du rock en France, le « Elvis français » comme ont noté les Américains. Or, dans l'univers de la culture rock aussi, Johnny a fait l'objet d'un certain mépris et d'un déclassement. Dans les années 80, durant lesquels je suivais un peu l'actu de la culture rock, celle-ci a bénéficié du nouveau relativisme culturel pour accéder au rang d'une culture respectée. L'activité musicale s'est doublée d'un commentaire critique assez sophistiqué et littéraire. Le rock est devenu l'affaire de jeune bobos (on ne les appelait pas encore ainsi) un peu snobs, pour lesquels Johnny n'était qu'un vulgaire chanteur de variété, voire un imposteur, un faussaire. En un sens, ce jugement n'était pas faux : Le nouveau « Johnny national », ami des présidents et de Michel Drucker, était peu subversif ; faux rebelle, il proposait en outre des chansons et une musique mainstream.  Et pourtant, au regard du grand public, et à mon sens à juste titre, Johnny continuait d'apparaître comme la principale incarnation du rock et de l'esprit rock, la seule figure populaire, transgénérationnelle de la culture jeune.

La marque de fabrique de Johnny ne tenait ni à sa musique ni aux textes de ses chansons, mais à l'incarnation. Johnny, comme tout le monde le dit à raison, c'est d'abord une voix dans un corps animal, une présence qui dégage une force vitale, une énergie communicative. De lui, on ne peut dire que son œuvre restera. Son œuvre, c'était la scène. Ce qui restera, c'est le souvenir de la bête de scène qu'il était. Le message qu'il véhiculait lorsqu'il chantait ne passait donc pas par les mots mais par le corps. Quelle que soit le morceau interprété, ce message était toujours le même : un appétit de vivre viscéral, la fureur de vivre et de survivre. Je suis d'accord avec Emmanuel Macron : la chanson   qui symbolise le mieux ce qu'il représentait, c'est « L'envie ». Jean-Jacques Goldman a su trouver les mots qui convenait parfaitement à ce que son interprète incarnait.

La vie de Johnny illustre la tentation de l'auto-destruction surmontée par l'envie de vivre, la tentation d'être un rebelle surmonté par l'envie d'aimer, de communier avec les gens, de continuer à s'adapter et à exister. Il représente le versant lumineux du rock, le désir de vivre le plus simple, le vouloir-vivre à l'état brut. Le message non verbal qu'il délivre est positif, infra-intellectuel, émotionnel. C'est cela qui était « rock » chez lui, comme on a pu dire que Piaf était « rock ». C'est la comparaison qui me vient spontanément à l'esprit, quand bien même leurs registres étaient radicalement différents. Dans un cas comme dans l'autre, on a affaire à des figures authentiquement populaires, qui ont rencontré le public par la voie directe de l'incarnation et de l'émotion, de la vibration, dirais-je, plus que par les textes, les mots ou même la musique. Johnny a bénéficié de bonnes adaptions et de belles chansons que d'excellents paroliers et musiciens ont composé pour lui. Mais il aurait tout aussi bien pu chanter d'autres chansons que celles qu'il a mises à son répertoire, il aurait été le même Johnny Hallyday. S'il avait chanté une comptine pour enfant, celle-ci serait devenue « rock » par la grâce de l'incarnation. Pour détourner la formule de Mac-Luhan à propos de la télévision, on peut dire à propos de Johnny : « le message est le médium », le médium étant lui-même. Avec Johnny, on est donc en effet aux antipodes de la culture classique, de la culture cultivée, de la culture analytique et rationaliste.

Éric Verhaeghe : Je dirais plutôt qu'il a toujours existé une culture populaire boudée par les élites en France. Certains ont pu parler à ce sujet de culture des clercs contre la culture des profanes. Dans la pratique, le succès de Johnny pourrait être qualifié de bacchique face à la culture apolinienne. C'est le triomphe du corps, de la bestialité, d'une certaine façon. D'ailleurs l'expression "bête de scène" revient souvent le concernant. Johnny n'était pas un esprit désincarné. C'était un corps en mouvement, en action, en pleine dynamique spirituelle. De ce point de vue, le mépris que l'intelligentsia française a beaucoup nourri et alimenté le concernant (notamment en le présentant comme idiot) recouvre un fossé plus profond dans notre civilisation, que Nietzsche avait bien décrit et analysé.

On ne sera donc pas étonné de cette espèce de schisme. La culture populaire française est très éloignée de Descartes. C’est une culture bacchique. On aime bien boire, bien manger. On retrouve d'ailleurs ces traits chez un auteur comme Rabelais. Entre le repas pantagruélique du Moyen-Âge et Johnny sur scène, il y a une continuité, largement escamotée par l'intelligentsia parisienne, qui a disqualifié la culture populaire. On la retrouve chez Molière par exemple: ces jeux de scène, ces mimiques, cette présence, qui tranche avec l'exaltation de la complexité intellectuelle prisée dans les beaux quartiers. Je ne dirais pas que Johnny a créé un phénomène nouveau. La culture populaire existait avant lui. En revanche, on lui doit d'avoir donné le plein des médias pour donner une noblesse à cette culture populaire.

Pascal Engel :  Il aurait été surprenant que Johnny s'impose dans un pays réputé cartésien, c'est à dire méfiant à l'égard des passions, épris de raison et de logique, si la France avait été vraiment un pays " cartésien" et révérant la culture classique. Mais c'est loin d'être le cas.  Il ne faut pas oublier que la France est le pays de la Croisade des enfants, de Jeanne d'Arc, des guerres de religion, des foules révolutionnaires,  de l'épopée napoléonienne, le pays qui a porté au pouvoir Napoléon III après avoir fait une révolution romantique en 1848, le pays qui adorait le général Boulanger, puis qu'il s'est pris de passion antisémite pendant l'Affaire Dreyfus,  le pays qui adorait encore massivement Pétain en janvier 1944, qui a adoré encore un vieux général après un coup d'état en 1958, et qui vient de porter au pouvoir sur fond d'abstention massive un président un peu blanc bec. La France fut la fille ainée de l'Eglise, un pays religieux  qui eut bien du mal à séparer l'Eglise et l'Etat, et voit à présent les fantômes de la religion ressurgir via les querelles sur l'Islam. Depuis que l'on ne va plus dans les églises ni les temples, mais aux concerts rocks géants, la religiosité s'est transférée sur les idoles païennes: CloClo , Johnny . On notera que la plupart des idoles des jeunes qui ont acquis la ferveur des foules n'appartiennent pas aux moqueurs: on aime bien Brassens et Brel, voire Dutronc mais on aime mieux Johnny, dont le moins qu'on puisse dire est qu'il manquait  d'humour. Comparer avec Eddy Mitchell, double sarcastique de Johnny.  Les hommes politiques toutes tendances confondues ont bien compris qu'elles avaient tout intérêt à flatter Johnny, et ce dernier ne s'est pas privé de les flatter en retour. Le classicisme n'est même plus la culture des lettrés - il n'y en a plus - et la vrai culture des lettrés depuis un siècle c'est l'anti-raison : surréalisme, structuralisme, post-modernisme. Mallarmé, Valéry , Bataille et Blanchot sont tout sauf des rationalistes. Nos "philosophes"  médiatiques - Onfray , Finkielkraut par exemple - sont tout sauf rationalistes . On s'est ému que Sarkozy ose s'en prendre à Madame de la Fayette. Mais il offert au pape Benoît XVI un volume de Bernanos le mystique. La raison a déserté la France depuis longtemps. Johnny n'est d'ailleurs pas français: c'est un belge, un homme des Flandres brumeuses et du romantisme des Ardennes. La France a eu des passions essentiellement belges au XXème siècle: le surréalisme de Magritte, Tintin, Blake et Mortimer. Johnny est le dernier avatar du surréalisme belge et de son emprise sur l'esprit français. 

Peut-on en déduire que Johnny Hallyday a pu ouvrir une brèche dans la culture française, facilitant l'introduction d'une américanité en France ?

Eric Deschavanne : Il y a toujours quelque chose de fascinant dans la rencontre entre le destin d'un individu et celui d'une communauté nationale. En l'occurrence Johnny, l'homme sans père, qui s'est donné un père spirituel américain qui l'a conduit à passer de Brassens au rock, est devenu le fer de lance de cette culture jeune qui, dans les années 60, a fait table rase du classicisme français et contribué à l'américanisation de la culture française.

C'est peut-être le troisième « paradoxe Johnny »:  Le Maurice Chevalier de la fin du 20e siècle s'appelait Johnny Hallyday  ! Quel symbole dans un pays jaloux de sa singularité culturelle et volontiers anti-américain ! L'américanisation de la culture est toutefois autre chose que de l'impérialisme culturel. Elle a fait figure de cheval de Troie au service de la démocratisation de la culture – les États-Unis constituant l'avant-garde de la culture de masse et de la culture jeune, expression d'une nouvelle classe d'âge, l'adolescence. L'américanisation a permis de contourner l'héritage d'une culture classique inaccessible, parce que réservée à ceux qui avaient bénéficié d'une éducation bourgeoise. Elle s'est imposée par le bas, par la consommation et la culture populaire.

Éric Verhaeghe : En partie oui. Les États-Unis sont essentiellement nés de l'émigration de ces petites gens qui ne connaissaient pas la culture de l'élite. L'Amérique assume beaucoup mieux que nous, paradoxalement, la culture bacchique contre l'esprit apollinien des élites. Assez naturellement, donc, Johnny a puisé aux États-Unis une inspiration qui a fait son succès. Il est allé chercher là-bas l'exaltation du corps, de la présence sur scène, de l'affirmation de l'instinct contre la raison pour simplifier à outrance. Mais il a eu l'intelligence de comprendre que le piratage ou le plagiat ne fonctionnerait pas. Il a fait le choix de franciser l'inspiration américaine en l'adaptant à la culture populaire française.

D'où des chansons avec des textes finalement très français. En regardant de près le style poétique de Johnny Halliday, on peut se rendre compte qu'il est véritablement à cheval entre le rock américain et un certain romantisme latin. La particularité de Johnny est là: dans cette synthèse, et dans cette capacité à "miser" sur la permanence du fond non apollinien dans notre culture.

Il serait d'ailleurs intéressant ici de reprendre la lecture de Nietzsche, de la généalogie de la morale notamment, et de réinterroger la géopolitique contemporaine à la lumière de cette distinction. On s'apercevrait que les États-Unis sont en partie, mais en partie seulement, les héritiers de ce schématisme. À de nombreux égards, la culture populaire européenne a bien mieux conservé que la culture américaine les sources bacchiques de la culture. 

Pascal Engel : Les Français n'ont jamais aimé Johnny comme ils auraient pu aimer Elvis.  Ils l'ont aimé comme un traducteur de l'Amérique les dispensant d'apprendre l'anglais (le niveau des français en langues a un rapport avec çà). Le seul rocker anglophone qui ait essayé de mettre un pied en France est Vince Taylor. Il s'y est cassé les dents. De tous les styles de rock et blues que Johnny a imités, les seuls qu'il n'a jamais imité est le punk et le heavy metal. Ce n'est pas dans la culture française. Johnny a été aussi américain qu'Eddy Constantine dans les années 60, aussi pop que Petula Clark. C'est la raison pour laquelle il n'a jamais été connu outre manche ou outre Atlantique et est resté un phénomène purement français. Pourquoi les Américains auraient ils besoin d'écouter en français les versions imitées de leurs stars ? Pourquoi irait-on écouter "Les portes du pénitencier" quand on a les Animals, et des transcriptions des Beatles quand on a les originaux ? 

Johnny n'a ouvert aucune brèche de l'américanité en France. Son succès populaire est dû au fait même qu'il ne l'a jamais ouverte. Les Français de culture populaire n'aiment pas l'Amérique, et même ce que l'Amérique a de meilleur leur est inconnu.  

Quel peut être l'héritage de Johnny Hallyday dans ce classicisme français ?

Eric Deschavanne : Johnny était l'homme de la présence et de l'appétit de vivre au présent.  La génération des années 60, qui a introduit la culture jeune dans la culture classique, est en même temps celle qui s'identifie au jeunisme, à l'impératif de rester jeune. La rupture avec la culture classique est aussi une rupture avec la culture de l'héritage. Sur le plan existentiel, Johnny est le contraire d'un héritier. Il s'est orienté et s'est adapté à l'instinct. Et il a duré. Le destin de Johnny symbolise le basculement d'une société de la transmission vers une société de l'innovation et de l'adaptation permanente. Vivre, c'est s'adapter. Johnny ne laissera pas une œuvre en héritage, mais il aura incarné ce nouvel idéal.

Sur le plan artistique, l'impératif d'adaptation l'aura poussé à épouser son époque. Johnny n'était pas un créateur mais un interprète. Il a su notamment mettre à son service certains des auteurs - je pense à Michel Berger et à Jean-Jacques Goldman – qui, sur le plan de la création, ont réalisé à partir des années 80 une forme de synthèse entre le classicisme français et   l'américanisation de la culture, entre la chanson à texte et la musique pop rock (ce qu'à mon sens, Gainsbourg fut le premier à avoir fait). Le résultat, baptisé faute de mieux « variété française » représente un moment de l'histoire de la culture française, non une rupture complète avec l'héritage. La table-rase, en matière d'histoire et de culture, n'existe jamais vraiment.

Éric Verhaeghe : Johnny laissera derrière lui une forme de fétichisme de la liberté. Regardez ses fans, et notamment ses sosies: il a donné une fierté, une identité, un sentiment de puissance, à des masses d'anonymes, de petites gens, qui ont vécu avec lui le sentiment d'avoir une culture spécifique, digne et dans laquelle ils se retrouvaient. Cette culture a largement reposé sur l'exaltation de l'énergie, du désir individuel, de la liberté de choix contre la pression du groupe. D'une certaine façon, Johnny était le chantre du "rester vivant" à tout prix. Quel contraste avec la culture post-marxiste largement diffusée dans la culture de l'élite où les petites gens étaient (et sont encore) croquées comme des gens aliénés, soumis, victimes.

Pour beaucoup d'amateurs de Johnny, le chanteur leur a donné une vraie alternative au martèlement quotidien sur la lutte des classes, la dialectique du maître et de l'esclave, du patron et du salarié exploité. Le phénomène Johnny pourrait d'ailleurs être analysé comme une résistance française, honnie par les médias officiels, au tout marxisme bon teint véhiculé par la culture de l'élite depuis le conseil national de la résistance.

Le classicisme français le reconnaîtra tôt ou tard comme un grand résistant.

Pascal Engel : Il n'y a de classicisme français que marginalement et par hyperbole. Les Français ne sont pas "classiques". Leur passion n'est pas celle de la raison. Sans quoi ils seraient comme les Anglais, les Allemands, ou les Scandinaves. Mais ce sont des Latins, qui aiment les jeux du cirque.

Si l'on tient à se référer à l'âge classique, Johnny est un classique au sens où les grands concerts rock réunissant des foules sont aux processions religieuses des siècles passés, ou au toucher des écrouelles, dont  Marc Bloch dans Les rois Thaumaturges. Le classicisme, ce n'est pas Tennessee Williams. Il y a pourtant quelque chose du Cid dans Johnny, quelque chose de Chimène dans Sylvie. Mais tout, malheureusement, finit en Feydeau.

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