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JO, le mythe des 10 000 heures : pourquoi il faut bien plus que de l’entraînement physique et mental pour faire un champion olympique
©Reuters

Perles rares

Vous vous extasiez devant les exploits de nos athlètes, et comme beaucoup, vous vous dites peut-être : pourquoi pas moi ? Et bien détrompez-vous, parce que contrairement à ce qu'affirme la "théorie des 10.000 heures", l'entraînement ne fait pas tout, loin de là !

Maxime Bilodeau

Maxime Bilodeau

Maxime Bilodeau est kinésiologue (l'équivalent au Québec du métier de kinésithérapeute), et anime le site "D'Une Foulée A l'Autre", site de réflexion sur le métier de sportif de haut niveau.

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Atlantico : La théorie des 10 000 heures affirme que seul un entraînement ultra-rigoureux et prolongé peut apporter le succès. D'aucuns pensent pourtant que cette idée oublie de prendre en compte plusieurs facteurs essentiels... Alors que commencent les Jeux olympiques d'hiver en Corée du Sud, suffit-il de s'entraîner énormément physiquement et mentalement pour devenir aussi bon que Martin Fourcade en biathlon ?

Maxime Bilodeau : Même si la « théorie des 10000 heures » semble aux premiers abords sensée, elle demeure dans les faits des plus grossières, car bourrée d’inexactitudes. David Epstein, dans son plus récent ouvrage The Sports Gene, en mentionne d’ailleurs quelques-unes. La plus flagrante est probablement le fait qu’elle est basée sur une grossière moyenne ne prenant pas en compte la variance de l’échantillon (par ailleurs biaisé) sur laquelle elle s’appuie. Ainsi, si un individu nécessite bel et bien 10 000 heures avant de connaître le succès, un autre pourrait en avoir besoin de 17 000 alors qu’une troisième pourrait n’en requérir que 3000. Même si la moyenne finale est de 10 000 heures, on ne peut s’empêcher de constater une très grande variabilité entre les trois individus qui composent l’échantillon. Mine de rien, ce fait met en lumière l’existence d’une autre variable que l’entraînement dans l’atteinte du succès. Cette variable, c’est l’aspect inné, c’est-à-dire le bagage génétique qui fait que certains sont naturellement bien dotés alors que d’autres ne le sont tout simplement pas. La théorie d’Ericsson a tout de même le mérite de souligner la prime importance d’une pratique délibérée quantitativement et qualitativement adéquate dans la transposition du talent en succès. Car, comme M. Epstein le fait valoir dans son livre, même l’individu le plus talentueux n’arrivera jamais à ses fins sans entraînement ; les deux variables sont intrinsèquement liées.

Le surentraînement ne peut-il pas avoir au contraire des conséquences négatives sur la performance ?

Très certainement, surtout si l’on définit ce surentraînement comme le fait d’en faire trop, trop vite dans le but plus ou moins avoué de brûler des étapes. J’irais même jusqu’à assimiler ce type de surentraînement à la mentalité de “no pain, no gain” qui prévaut dans plusieurs cercles sportifs et sociaux. Fait intéressant, cette méthode quelque peu barbare de développer des vainqueurs nécessite de la part de ceux à qui elle sied bien (malgré tout) une prédisposition génétique certaine. Comme quoi on n’échappe pas à la variable génétique, même quand on est tenant de l’entraînement ultra-rigoureux ! La vérité, c’est que cette manière de procéder peut tout aussi bien être fructueuse que stérile en fonction de l’individu sur qui elle est appliquée.

Doit-on en déduire pour autant que la génétique joue un rôle fondamental, voire exclusif, dans l'émergence du talent ?

Oui et non. En fait, l’aspect génétique est tout aussi fondamental et exclusif au développement d’un talent que l’est l’aspect environnemental. Autrement dit, il faut une part infiniment variable d’inné et d’acquis pour atteindre les hauts sommets. Sans oublier l’apport de l’épigénétique, soit l’influence des expériences de vie sur les groupements méthyles qui forment l’environnement direct des gènes et qui agissent sur la manière dont ils sont exprimés. Bien que l’épigénétique soit un domaine d’étude encore jeune, on en entendra beaucoup parler dans les prochaines années. Chose certaine, l’explication d’un tel phénomène est loin d’être simple ou de reposer sur un seul et unique facteur.

Propos recueillis par Théophile Sourdille et mis à jour par la rédaction.

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