JMJ : les raisons d’un incroyable engouement<!-- --> | Atlantico.fr
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Les Journées mondiales de la jeunesse s'ouvrent mardi à Rio de Janeiro au Brésil
Les Journées mondiales de la jeunesse s'ouvrent mardi à Rio de Janeiro au Brésil
©REUTERS/Nacho Doce

Si tu vas à Rio...

Les Journées mondiales de la jeunesse s'ouvrent mardi à Rio de Janeiro au Brésil. On attend pas moins de deux millions de participants venus du monde entier, pour cet événement incontournable pour beaucoup de jeunes catholiques. Décryptage d'un succès massif et parfois incompris.

Jean-Pierre Denis

Jean-Pierre Denis

Après avoir dirigé la rédaction de La Vie, Jean-Pierre Denis a rejoint Bayard Presse pour créer de nouveaux médias. Intervenant régulièrement dans la presse, sur les ondes, les écrans et les réseaux sociaux, il est l'auteur de livres remarqués dont, récemment au Cerf, Un catholique s'est échappé.

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Atlantico : Alors que les Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) s'ouvriront mardi à Rio de Janeiro au Brésil, on attend près de 2 millions de jeunes catholiques. Comment la persistance de l'engouement des jeunes pour cet événement ? Que viennent-ils chercher ?

Jean-Pierre Denis : Le succès des JMJ s'explique autant par l'offre que la demande. Du côté de l'Église, cette offre repose sur trois piliers. Primo, l'initiation. Les JMJ sont une sorte de passage obligé d'un parcours initiatique que l'on doit faire une fois dans sa vie. Secundo, c'est l'idée de la transmission qui est une priorité mondiale pour l'Église catholique qui doit transmettre une foi qui autrefois se transmettait automatiquement, et se fait donc justement aujouèrd'hui par l'initiation. La foi n'est plus reçue, elle est choisie. Troisième chose enfin, c'est la très forte capacité de mobilisation, qui est souvent sous-estimée dans les sociétés sécularisées.

Pour ce qui est de la demande, j'identifie deux éléments forts. Primo, la vérité : je pense que les JMJ sont un lieu où il y a un discours fort qui n'est pas lénifiiant. C'est donc un des rares lieux avec une vraie réflexion sur le sens de l'existence, la vie en communauté, l'engagement... Des lieux de discours forts, il n'y en a finalement plus tellement, surtout avec une telle structure et une telle identité. Enfin, l'autre élément, c'est la festivité. Cela a vraiment été la grande intuition de Jean-Paul II de vouloir instaurer cette ambiance de communauté festive pour les JMJ. Et tout cela fonctionne maintenant depuis plusieurs générations puisque les JMJ connaissent actuellement leur troisième pape. 

Qui sont ces jeunes catholiques qui vont se réunir lors de ces JMJ ? D'où viennent-ils ? De quel milieu social proviennent-ils ?

L'Amérique latine sera évidemment très représentée, pour des raisons de budget qui compliquent les voyages lointains. De la même manière, quand les JMJ avaient eu lieu à Madrid, il y avait essentiellement des Européens. On parle de "Journées mondiales de la jeunesse" mais ce sont d'abord des journées continentales même si la participation est mondiale. Pour ce qui est du milieu social, en France du moins, le catholicisme tend de plus en plus à devenir une "religion CSP+". Les jeunes qui étaient à Madrid et ceux qui seront à Rio viennent plutôt de milieux privilégiés culturellement. L'Église catholique garde ses principales implantations dans les villes, auprès des cadres et des catégories aisées. De plus, tous les jeunes catholiques ne vont pas aux JMJ, mais en revanche les JMJ c'est un peu "l'école des cadres" à savoir que c'est une étape importante dans l'engagement religieux. C'est là que se forme la génération qui marquera le catholicisme dans une vingtaine d'années. 

La personnalité du pape François qui vient d'être élu et qui est le premier pape sud américain a-t-elle encore renforcé l'enthousiasme pour cet événement ?

Il y a une attente médiatique qui est beaucoup plus forte que, par exemple, pour les précédentes JMJ de Madrid qui s'étaient déroulées avec Benoît XVI. Ce sera en effet un moment où le pape François va effectuer une grande sortie internationale avec une forte couverture médiatique (plus en tout cas que sa sortie à Lampedusa). De plus, il est bien entendu le premier pape latino qui se rend dans des JMJ organisées dans un continent très catholique et latino. Donc, du point de vue latino-américain, l'attente est énorme, même si ces JMJ se déroulent au Brésil et que le pape est argentin. 

Vu d'Europe, avons-nous tendance à sous-estimer la force du fait religieux, notamment en Amérique latine ?

J'ai peut-être une analyse un peu iconoclaste des choses, mais je pense que vu de France, on a pour habitude de sous-estimer les phénomènes religieux car on ne les comprend pas. Quand je dis "on", je pointe surtout les experts médiatiques ou les élites culturelles. C'était déjà le cas quand Benoît XVI était venu en France, et que l'on s'étonnait du monde qu'il y avait pour l'accueillir. Je suis assez frappé de l'incapacité de certains de comprendre les motivations profondes de ces jeunes qui se réunissent car nous pensons vivre dans un pays qui est sorti de la religion, or c'est un postulat qui est largement faux. Certes, l'Église catholique est en train de devenir une minorité, mais il y une vraie nouvelle génération de jeunes catholiques qui émerge. Contrairement à la génération précédente – celle que l'on a vu notamment aux JMJ de Paris en 1997 – elle a accepté l'idée qu'elle est maintenant minoritaire, mais elle est beaucoup plus déterminée dans sa foi, et adopte toutes les valeurs du catholicisme sans faire le tri. Et cette génération a de vraies capacité de mobilisation ce qui explique en partie la manif pour tous et le mouvements des Veilleurs.  

L'Église est très structurée et sa capacité de mobilisation fonctionne encore. C'est surtout en France que l'on s'étonne de cette capacité de l'Église catholique de réunir du monde. Et un rassemblement de deux millions de personnes, surtout à l'échelle d'un pays comme le Brésil, cela me semble tout à fait normal. 

Faut-il voir dans le choix de Rio de Janeiro la volonté de faire de l'Amérique du Sud le nouveau centre de gravité du monde catholique ? 

Il ne s'agit pas d'en faire le nouveau centre, c'est déjà le nouveau centre ! Parmi les principaux pays catholiques aujourd'hui, vous trouvez le Mexique et le Brésil. Le centre de gravité du catholicisme, clairement, se situe maintenant au sud, et en particulier dans les pays latino-américains. Il est donc tout à fait normal que des JMJ se situent dans ce pays quand on considère ce qu'il représente numériquement sur une population de 1,2 milliards de catholiques. 

Propos recueillis par Damien Durand

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