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Les jeunes diplômés en mal d'insertion professionnelle : une particularité française
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Exception française

La situation économique que connaît la jeunesse aujourd'hui en France n'a plus rien de comparable avec celle qu'ont vécue les générations entrées dans la vie active durant les Trente Glorieuses. Ne doit-on voir là qu'une injustice de l'Histoire ? Extraits des "Générations déshéritées" par Mickaël Mangot (1/2).

Mickaël Mangot

Mickaël Mangot

Mickaël Mangot est consultant en finance comportementale.

Il est l'auteur de « Psychologie de l’investisseur et des marchés financiers » (Editions Dunod)

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Profitables aux retraités, les effets de génération semblent au contraire être préjudiciables aux jeunes. L’horizon d’une retraite heureuse nourrie par une épargne confortable accumulée année après année sur des salaires en hausse constante durant la vie active paraît de plus en plus incertain pour les jeunes qui démarrent leur vie professionnelle.

Depuis le milieu des années 1970, on assiste en France à un mouvement tendanciel d’insertion plus lente et plus chaotique des jeunes dans le monde du travail. De l’ordre de 5 % au milieu des années 1970, le taux de chô­mage des jeunes (15-24 ans) flirte aujourd’hui avec la barre des 23 %. C’est la classe d’âge qui a pâti le plus de la hausse rampante du chômage, immédiatement suivie des 25-29 ans (respectivement + 18 et + 10 points depuis 1975, contre des hausses de seulement 3 à 5 points pour toutes les classes d’âge au-dessus de 30 ans).

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Source : Clerc, Monso et Pouliquen, 20101 ; Enquêtes emploi, Insee, 1975-2009[1]

Cette situation est donc devenue au fil du temps parti­culièrement alarmante et injuste. Les plus jeunes sont aujourd’hui nettement plus souvent au chômage que les autres classes d’âge (trois fois plus souvent que les 25-49 ans). Ils concluent aussi beaucoup plus souvent des contrats précaires (CDD, intérim, temps partiel).

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Source : Enquêtes Emploi, Insee, 2009.

Cette situation plus délicate des jeunes face à l’emploi par rapport aux autres classes d’âge est toutefois commune au sein des pays développés. Presque partout, le taux de chômage des jeunes atteint entre deux et trois fois celui des autres classes d’âge. Sur ce point, l’Allemagne fait figure d’exception, avec un multiple de seulement 1,4 fois, à rattacher à la fluidité de la transition entre école et emploi, grâce à la généralisation de l’apprentissage.

La situation dégradée des jeunes face à l’emploi prend en France une dimension plus tragique étant donné le niveau déjà élevé du chômage à l’échelle de la population tout entière. Par conséquent, la France se distingue par un taux de chômage des jeunes très supérieur à celui de la moyenne des pays membres de l’OCDE (+ 6 points). Elle se démarque aussi des autres pays riches par une segmentation particulière (commune avec la Belgique, la Grèce, l’Espagne et l’Italie) de ses jeunes face à l’em­ploi. Entre les jeunes sortis sans qualification et « laissés pour compte » sur le marché du travail (soit un jeune sur neuf, une proportion en ligne avec celle des autres pays) et les jeunes « performants », dont la qualification leur permet de se stabiliser dans l’emploi assez rapide­ment, la France compte une proportion très élevée (un jeune sur quatre) de ce que l’OCDE appelle des jeunes « débutants en mal d’insertion » : ils ont fini leur période d’étude, aimeraient s’insérer dans le monde du travail durablement mais n’y parviennent pas car la transition en France des contrats précaires au CDI est plus lente et plus laborieuse qu’ailleurs. Si bien qu’aujourd’hui, la norme pour beaucoup de jeunes qui sortent de l’école est d’alterner, pendant une durée pouvant atteindre jusqu’à dix ans, périodes de chômage et emplois précaires, une situation incomparable à celle des générations entrées sur le marché du travail avant les années 1980.

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 Source : OCDE

L’entrée des jeunes sur le marché de l’emploi est éga­lement fortement conditionnée par la conjoncture. Le taux d’emploi varie très fortement selon les cohortes : rien à voir entre la génération entrée au moment de la récession de 1995 (avec un taux d’emploi de 40 %) et celle entrée au plus haut de la bulle internet (60 % en 2000). Cette forte variabilité confirme l’impression laissée par les chiffres sur les emplois précaires que les jeunes sont désormais une variable d’ajustement pour les entreprises. En revanche, cinq ans après leur entrée sur le marché de l’emploi, toutes les cohortes ont à peu près le même taux d’emploi, mais avec des salaires dif­férents qui continuent de refléter les conditions d’entrée sur le marché du travail.



[1] Marie-Emilie Clerc, Olivier Monso et Erwan Pouliquen, « Les inégalités entre générations depuis le baby boom », L’économie fran­çaise, Insee, 2011

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Extraits de Les générations deshéritées : Dette, retraite, logement, chômage des jeunes… comment réparer la grande injustice, Eyrolles (16 février 2012)

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