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Com’ de crise : Hollande à Bruxelles, Sarkozy en Côte d’Ivoire, un avant-goût des jeux périlleux d’une campagne présidentielle sous pression terroriste
©Reuters

Dissonances

Suite à l'arrestation de Salah Abdeslam, aussi bien François Hollande que Nicolas Sarkozy se sont exprimés. Si la phase de riposte aux attentats terroristes et l'exigence de solidarité à l'action gouvernementale complexifiaient l'expression de l'opposition, l'arrestation du dernier tueur des attaques du 13 novembre marque la fin d'une séquence et peut être l'occasion d'une controverse. Une nouvelle donne que Nicolas Sarkozy semble avoir saisi.

Jean-Luc Mano

Jean-Luc Mano

Jean-Luc Mano est journaliste et conseiller en communication chez Only Conseil, dont il est le co-fondateur et le directeur associé.

Il anime un blog sur l'actualité des médias et a publié notamment Les Perles des politiques.

 

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Atlantico : François Hollande depuis Bruxelles et Nicolas Sarkozy depuis la Côte-d'Ivoire : quelle analyse (sur le fond et la forme) peut-on faire de leurs discours respectifs suite à l'arrestation de Salah Abdeslam ? Peut-on faire un parallèle avec leur communication respective au moment de l'affaire Mohamed Merah ? 

Jean-Luc ManoTout d’abord, une différence majeure doit être soulignée entre les deux affaires : l’arrestation de Merah s’est déroulée sur le territoire national, tandis que l’arrestation d’Abdeslam a eu lieu à l’étranger sous l’autorité de forces de l’ordre et de police étrangères même si c’est une action en partie commune. On peut également observer une autre différence : l’opération de police qui a permis de mettre Merah hors d’état de nuire ne fait pas suite à un flot de critiques sur la coordination des polices, sur l’action menée par les forces de l’ordre ou de doutes sur l’efficacité des services français. Or, depuis plus de trois mois, des interrogations ont été posées sur l’efficacité de l’action des services et des critiques ont été émises sur l’attitude des services de notre appareil de sécurité au lendemain des attentats. Ces dernières portaient notamment sur le fait que les assassins ont pu passer la frontière et quitter le territoire national.

On peut comparer les communications de Hollande et Sarkozy lorsqu’ils exerçaient les mêmes fonctions : on peut donc comparer la communication de Sarkozy au cours de l’affaire Merah à celle de Hollande suite à l’arrestations d’Abdeslam.

Les communications de Hollande et de Sarkozy ont de nombreux points communs. Elles sont assez classiques et partent d’abord d’une exigence logique. En effet, elles interviennent en réaction à des événements importants qui font suite à des actes effroyables ayant beaucoup ému la collectivité nationale. Globalement, dans l’expression et la célérité pour intervenir, Hollande et Sarkozy sont à peu près dans la même logique. Se dégage également de leurs communications une même volonté évidente non pas d’utiliser l’événement mais de bénéficier de ce qui peut apparaitre comme un succès de la police et donc un succès des pouvoirs politiques ayant autorité sur les forces de police. Cela a été remarqué du côté de Sarkozy au moment de l’affaire Merah et cela a été également observé du côté de Hollande suite à l’arrestation d’Abdeslam. En effet, François Hollande n’a pas hésité à tirer un avantage de cette arrestation d’autant plus qu’opportunément, pour des raisons européennes, il était en Belgique au moment des faits. Sa mise en scène avec le Premier ministre belge est frappante et il est intéressant de noter la publication très rapide d’une photo montrant les deux hommes en train de suivre les opérations en cours qui ressemble traits pour traits à la photo publiée par la Maison Blanche où l'on voyait Barack Obama et Hillary Clinton côte à côte pendant l’attaque lancée pour capturer Ben Laden. Il est très stupéfiant de voir que les communicants de l’Elysée ont choisi d’illustrer la présence présidentielle française de la même façon que ce qu’avait fait la Maison Blanche, quasiment plan pour plan. 

L'intervention de Nicolas Sarkozy était initialement prévue vendredi soir sur iTélé, très peu de temps après l'intervention de Hollande. Finalement, sa diffusion a été reportée au lendemain. Comment interpréter cette décision ? 

Il est extrêmement compliqué et périlleux pour un politique d’intervenir à chaud sur les événements parce que cela demande de connaître l’ensemble des éléments de l’opération. Il était donc risqué pour Nicolas Sarkozy d’intervenir alors que l’opération était à peine achevée et que toutes les conséquences n’avaient pas encore été tirées. A cet égard, ce report est très logique et habituel. 

Dans quelle mesure ces deux interventions peuvent-elles préfigurer les jeux périlleux d'une campagne présidentielle sous pression terroriste ?

Ces interventions ne préfigurent pas le jeu des campagnes présidentielles. Toutefois, pour l’opposition, peu importe qui la représentera demain, il y a toujours une difficulté dans les phases d’actions terroristes ou de riposte à une action terroriste (les phases de guerre en général). Ces phases complexifient l’expression de l’opposition car ces situations exigent d’abord de la solidarité. Dans une campagne électorale ou dans la controverse électorale, il est extrêmement compliqué pour l’opposition voire pour le challenger d’affirmer sans cesse et de manière répétée sa solidarité et son soutien à l’action gouvernementale. Le moment d’une campagne électorale est celui de la critique d’un bilan et de l’expression d’une alternative. Un climat marqué par la pression terroriste et a fortiori par des attentats est une période qui limite énormément la controverse car ce sont des phases si ce n’est d’unité nationale du moins de réserve nationale. 

Nous sommes aujourd’hui un peu plus de quatre mois après les attentats du Bataclan et l’arrestation d’Abdeslam marque la fin d’une séquence, même si c’est loin d’être terminé. L’arrestation du dernier des tueurs engagé dans les attaques peut être l’occasion d’une controverse et permettre aux candidats de l’opposition de ne pas être absent et de trouver un moyen d’expression, ce qu’a précisément choisi Nicolas Sarkozy. 

En termes de communication de crise, lequel des deux, d'une manière générale, réussit le mieux l'exercice ?

Si la question est posée au présent, on ne peut y répondre car, encore une fois, ils sont dans des fonctions tellement différentes qu’il ne peut y avoir d’égalité entre eux. Même si François Hollande était mauvais, l’avantage est toujours au Président en exercice car il est dans l’action, dans la décision, parfois dans l’illusion de la décision tandis que le candidat adverse n’est jamais que dans le commentaire. Dans ces moments qui exigent de l’autorité et de l’action, l’avantage naturel est au pouvoir en place. La séquence qui vient de se dérouler l'illustre : l’annonce par le Président de la convocation d'un Conseil restreint de sécurité ce samedi matin n’a en réalité pas de raisons d’être. En effet, il n’existe aucun élément nouveau si peu de temps après les événements qui exigeraient la réunion toute affaire cessante d’un conseil restreint de défense. A la sortie de ce conseil, le ministre de l’Intérieur n’a d'ailleurs annoncé aucune nouvelle mesure ni aucune nouvelle disposition. La convocation de ce conseil de défense visait donc à faire durer la séquence car c’est une séquence positive pour le pouvoir et à faire en sorte que la journée du lendemain de l’arrestation d’Abdelsam soit une journée d’expression du pouvoir et de silence relatif de l’opposition. 

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