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Jean-François Copé : "Non, nous n'avons pas tous le même programme parmi les candidats à la primaire de la droite"
©Reuters

Interview politique

A l'occasion de son retour en politique, Jean-François Copé nous présente les grandes lignes de son projet pour la France, celui de la droite décomplexée, souhaitant ainsi se démarquer des autres candidats de la primaire à droite.

Jean-François Copé

Jean-François Copé

Jean-François Copé est député de Seine-et-Marne et Maire de Meaux. 

Il est candidat à la primaire présidentielle des Républicains de 2016.

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Atlantico : Cela fait plusieurs semaines maintenant que vous avez décidé de revenir en politique. Quelles sont vos impressions, deux mois après l'annonce de ce retour ? Quel accueil vous a été réservé, tant par les représentants politiques, que par les militants ?

Jean-François Copé : L'accueil a été très bon : j'ai prononcé un discours au Conseil national des Républicains où j'ai été très applaudi et encouragé par mes amis responsables politiques. Et il est vrai que je les connais bien puisque j'ai dirigé notre famille politique pendant 4 ans.

J'ai aujourd'hui entrepris un nouveau tour de France qui est important pour moi car il consiste à présenter aux Français ma candidature à la primaire de la droite et du centre qui se déroulera en novembre prochain. Mon idée est de le faire en partageant avec les militants, élus et tous les Français, les grandes lignes de mon programme.

Mon projet découle d'un constat : la France n'est plus commandée aujourd'hui. J'aimerais dire aux Français que la ligne de la "droite décomplexée" pour laquelle je milite depuis des années doit maintenant rentrer en application car elle est celle qui ne reculera plus face aux décisions qu'il faut prendre. C'est un projet qui porte des valeurs, qui ne fait pas de langue de bois sur des sujets comme le poids des lourdeurs économiques et fiscales, l'ouverture au monde, l'importance du numérique, ou encore l'immigration… Sur ces sujets majeurs, la main ne doit plus trembler. Je m'inscris sur ce point en rupture avec les autres candidats qui ont pour particularité d'avoir tous siégé dans les gouvernements de Nicolas Sarkozy. Les Français attendaient beaucoup du quinquennat 2007-2012. Et ils sont nombreux à dire que ce fut un grand rendez-vous manqué pour la France. 

Vous aviez déclaré à Valeurs Actuelles (numéro du 14 janvier 2016, pages 16 & 17) :  "Imaginons que ce livre n’intéresse personne, que trois, quatre, cinq mois passent, et qu’il ne se passe rien, que je sois à côté de la plaque, comment voulez-vous que je n’en tire pas les conséquences ?". Selon Edistat, le Sursaut français s'est vendu à 3 900 exemplaires (chiffres du 19 mars), loin derrière celui de Nicolas Sarkozy dont le livre est sorti approximativement au même moment que le vôtre (133 000 exemplaires vendus). Ces ventes vous satisfont-elles ?

Je n'ai jamais considéré que les ventes de mon livre constituaient le seul critère. Ce qui m'importe, c'est que mes idées soient débattues. Je constate ainsi que l’idée de gouverner par ordonnances, qui est au cœur de mon livre, est reprise par certains ! Signe que mes propositions inspirent. J'ai démarré après les autres, et les sondages, en ce qui me concerne, sont proches du pétrole, c'est-à-dire très bas... Mais l'intérêt d'une campagne, c'est de présenter ses idées, et c'est à partir de là que les choses peuvent changer.

Vous avez déclaré que "2016 sera l'année du débat à droite". Comment jugez-vous la qualité du débat chez Les Républicains actuellement sur des questions comme celles du fonctionnement de l'Europe, de la zone euro, des choix de défense stratégique de la France ? Est-ce que réellement il y a différents discours sur l'économie alors qu'il y a plusieurs sensibilités à droite ?

Contrairement à ce qui se dit, je ne suis pas d'accord avec l'idée que nous avons tous le même programme. Il y a des points communs, c'est vrai, mais il y a aussi des points de divergences importants. Par exemple, je l’ai déjà évoqué, je plaide depuis des années pour que notre pays soit gouverné par ordonnances, et que 15 décisions majeures soient prises sous cette forme comme sur les 35h, les retraites, la simplification du code du travail, sur l'immigration, l'organisation de l'islam…  Nicolas Sarkozy, lui, y est tout à fait opposé et préfère la voie des référendums ce qui revient, selon moi, à la meilleure manière de ne pas réformer. D'ailleurs, les Français ne comprendraient pas pourquoi on leur demanderait de revoter pour un programme pour lequel nous aurions déjà été élus!

Si je suis désigné candidat de la droite et du centre en novembre, je constituerai dans la foulée une équipe de spécialistes chargée d’écrire les ordonnances dans les différents secteurs d'activité où je souhaite que l'on réforme. J'associerai ensuite les Français à ce travail de rédaction. Dans la foulée, si je suis élu président de la République, je demanderai au gouvernement nouvellement constitué de finaliser ces ordonnances en toute transparence.

La nouvelle assemblée sera élue et réunie la première fois en juillet 2017 et recevra sur son bureau un projet de loi habilitant le gouvernement à gouverner par ordonnance, lesquelles seront immédiatement applicables. Ce système serait infiniment plus efficace lorsque l'on sait qu'entre l'annonce et l'adoption d'une loi par la procédure classique, il se passe 18 mois… C'est la seule manière d'éviter les grèves et les manifestations tout en ayant la légitimité du suffrage universel. Ce serait donc un changement radical dans la gouvernance, et cela permettrait de répondre au sentiment partagé par beaucoup de Français selon lequel il n'y a pas de commandement à la tête de l'Etat.

Lorsque l'on regarde parmi les dix candidatures annoncées ou probables à la primaire de la droite et du centre, on constate que les grands courants de la droite seront probablement déjà représentés... Que pouvez-vous apporter de différent en termes d'offre et de vision politique ?

Les Français qui iront voter à la primaire auront le choix entre trois catégories de droite. Premièrement, la droite qui a toujours reculé par le passé et qui l'a démontré dans l'exercice du pouvoir ces dernières années. Cette droite, obsédée par la volonté de plaire à ceux qui n’avaient pas voté pour elle, n'a pas eu de résultat sur la sécurité ou le chômage, une des causes du fait que nous ayons été désavoués par les Français.

Il  y a aussi la droite populiste, représentée par ceux qui pensent qu'ils peuvent gagner une élection en faisant croire que les problèmes des Français seront résolus par une simple réduction du nombre de députés. Qu'il faille le faire, sans doute. Mais la baisse du nombre d’élus ne peut tenir lieu de projet. On règlera surtout les problèmes de la France en réduisant les dépenses publiques, les impôts, en réformant les 35 heures et en s'attaquant à l'insécurité…

Le troisième groupe, c'est celui de la droite décomplexée que j'incarne et qui se caractérise par trois éléments. Premièrement, c'est une droite des valeurs, qui défend la notion de travail, la liberté d'entreprendre, le progrès, ou encore la laïcité. La droite décomplexée a aussi l'ambition de ne pas faire de langue de bois, exercice qui a trop été appliqué sur trop de sujets, et c'est ce qui a participé à donner l'image de gens angéliques à droite. Enfin, comme je le disais plus tôt, ma main ne tremblera pas lorsqu'il faudra prendre des décisions.

Cette semaine, vous avez publié une tribune pour critiquer les dérives potentielles du volet "laïcité" de la loi El Khomri. Que lui reprochez-vous concrètement ? 

La démarche du gouvernement est incompréhensible. Dans le contexte que connait notre pays depuis plusieurs années, où nous avons le devoir de lutter contre toutes les formes de communautarisme, je ne comprends pas ce qui a pu pousser le gouvernement à vouloir introduire pour la première fois la question de la religion dans le code du travail aujourd'hui. D'autant qu'il le fait de la pire manière : selon la première rédaction du projet de loi, la revendication religieuse au travail devenait un droit pour les salariés, et il appartenait à l'employeur, s'il s'y opposait, de devoir se justifier. Ce serait évidemment une source de tensions au sein des entreprises avec l'employeur, mais aussi entre les salariés. A tous égards, cette disposition serait inquiétante car au lieu de clarifier le droit, elle le rend plus confus encore. Avec un certain nombre de députés dont Christian Jacob, j'avais déposé une proposition de loi en 2013 qui prévoyait l'inverse : c'était l'employeur qui pouvait, par le règlement intérieur, fixer les règles en la matière. Le problème est aujourd'hui pris à l'envers, et c'est préoccupant pour les entreprises.

C'est pour cela que j'ai lancé une pétition pour m'y opposer, et celle-ci a déjà dépassé les 20 000 signataires. Je rencontrerai par ailleurs l'ensemble des partenaires sociaux pour les sensibiliser sur cette question.

Je note que suite à cette pétition, le gouvernement a en partie fait marche arrière. Il a conservé l’article dans la nouvelle mouture du projet de loi mais en renvoyant son éventuelle application à l’aval d’une commission Théodule… Une façon pour l’exécutif de noyer le poisson et de refuser de prendre ses responsabilités... Mais ma vigilance reste entière sur ce point ! 

La plupart des programmes à droite à l'heure actuelle sont axés sur le régalien, l'économie, et en particulier le traitement du chômage. Mais la droite n'a pas eu les résultats qu'elle pouvait attendre aux dernières élections régionales. Quand on voit que la Suisse, qui ne souffre pratiquement d'aucun chômage,  voit des poussées populistes, qu'est-ce que cela vous inspire ?

Vous avez raison sur le fait que les régionales n'ont pas été à la hauteur de ce que l'on aurait pu espérer en tant que force d'opposition. D'autant que lors des élections municipales de 2014, nous étions passés de 45% des villes de plus de 9 000 habitants à droite à 65%. Malheureusement, nous n'avons pas retrouvé toutes ces voix de la droite aux régionales. Cela montre qu'aujourd'hui, il y a un vrai problème de lisibilité politique et de leadership. C'est aussi pour cela que cette primaire est nécessaire.

Ensuite, il me semble difficile de comparer la Suisse, dont les préoccupations sont historiquement profondément différentes de la France. En revanche, effectivement la montée des populistes se nourrit de plusieurs choses : le chômage et l'absence de perspective, et aussi de l'immigration incontrôlée. C'est d'ailleurs sur ce thème que depuis trois générations, la famille le Pen prospère.

En réalité, peu de gens accordent vraiment du crédit au FN et à ses propositions, mais ils tiennent à dénoncer l'absence de leadership à droite. Or, notre pays aspire à être commandé.

La loi El Khomri en est le meilleur exemple : une manifestation modeste organisée par le MJS et l'UNEF suffit à faire reculer le gouvernement. 

Si vous étiez élu président de la République, que feriez-vous contre le terrorisme et le djihadisme islamiques ?

Dans mon livre, je mets les pieds dans le plat sur ce sujet. Pendant trop longtemps, nous avons nié une réalité : notre pays est sous-sécurisé et donc vulnérable. Il l'est par rapport aux terroristes mais aussi par rapport au processus de délinquance dont l'acte terroriste constitue le point ultime.

A l'évidence, il faut réinvestir dans la durée sur le régalien. C'est en ce sens que je propose le recrutement de 50 000 gendarmes, policiers, magistrats, gardiens de prison. Ces embauches se feraient par contrat. Je propose, en effet, la suppression de l'emploi à vie dans la fonction publique pour les nouveaux entrants. L'idée est que l'Etat puisse accueillir des Français qui ont le désir de contribuer à l'amélioration de la sécurité des Français sous la forme d'un contrat à durée indéterminée. Je propose aussi la construction de 20 000 places de prison pour que toutes les peines prononcées soient effectivement appliquées.

Dans le même temps, il faut réorganiser nos services de renseignement qui ont montré des failles qui nous coutent très cher aujourd'hui. J’ajoute que je demande la création d’un parquet antiterroriste dédié qui aujourd’hui n’existe pas. Il faut permettre aux pays européens qui souhaitent coordonner leurs informations et leurs actions de pouvoir le faire sur les affaires de terrorisme.

J’ajoute qu’il faudra revoir notre diplomatie : notre ligne est trop incohérente. En Libye et en Syrie, nous avons commis trop d’erreurs qui ont ouvert la porte aux terroristes. Nous refusons de traiter avec la Russie ou l’Iran au motif que ce sont des gouvernements autoritaires et, dans le même temps, nous déroulons le tapis rouge pour les pétromonarchies du Golfe qui jouent parfois un rôle trouble par rapport au djihadisme international… Il faut que nous réapprenions à hiérarchiser nos ennemis : la priorité aujourd’hui est d’éradiquer Daech qui nous a déclaré la guerre et même si, pour cela nous devons discuter avec des régimes que nous réprouvons par ailleurs. Soyons de nouveau réalistes ! Pour vaincre Hitler, les Occidentaux s’étaient alliés avec Staline… 

Meaux, la ville que vous administrez, est connue pour sa diversité culturelle. Y a-t-il des enseignements, des méthodes que vous y pratiquez et qui pourraient être utiles à plus grande échelle contre le communautarisme ?

Oui ! Et c'est la raison pour laquelle je rêve de faire pour la France ce que j'ai fait à Meaux. Car Meaux est une sorte de " petite France ". J'y ai appliqué une politique de droite décomplexée : une politique de sécurité volontariste, de fermeté, mais aussi d'encouragement aux initiatives positives, d'où qu'elles viennent pour que les habitants puissent vivre ensemble. Nous avons aussi réussi à instaurer un dialogue avec les communautés religieuses. Et nous l'avons fait dans une logique de résultats. Ainsi, en 10 ans, nous avons divisé par deux la délinquance : pour 1 000 habitants, le nombre de crimes et délits est passé de 110 en 2004 à 52 aujourd'hui. 

Cette semaine, la médiation entre le parti Les Républicains et Patrick Buisson concernant l'affaire des sondages de l'Elysée a échoué selon des informations de L'Express. L'ancien conseiller de Nicolas Sarkozy estime que le parti, que vous dirigiez alors, lui doit plus de 380 000 euros pour l'année 2013. Vous présidiez l'UMP en 2013. Est-ce que vous considérez que ces sommes sont dues ?

Je lui ai écrit une lettre pour lui dire que non.

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