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Italie : quelles leçons pour la droite française ?
©AHMAD GHARABLI / AFP

Tribune

Le parti de Matteo Salvini est crédité de près de 40% d'intentions de vote en cas de tenue d'élections. Ce succès dans l'opinion doit faire réfléchir la droite française.

Les Arvernes

Les Arvernes

Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d’essayistes et d’entrepreneurs. Ils ont vocation à intervenir régulièrement, désormais, dans le débat public.

Composé de personnalités préférant rester anonymes, ce groupe se veut l'équivalent de droite aux Gracques qui s'étaient lancés lors de la campagne présidentielle de 2007 en signant un appel à une alliance PS-UDF. Les Arvernes, eux, souhaitent agir contre le déni de réalité dans lequel s'enferment trop souvent les élites françaises.

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A peine un nouveau décret durcissant la lutte contre l’immigration a-t-il été adopté à l’instigation de Matteo Salvini que ce dernier vient de faire voler en éclat la coalition au pouvoir en Italie depuis à peine plus d’un an. Alors que son parti est crédité de près de 40% des intentions de vote en cas de tenue d’élections, même si une alliance de circonstance M5S-PD se mettait en place avec pour seul objet de retarder l’inéluctable -au risque de complètement vider de sa substance l’idée même d’exercice de la démocratie, il est un secret de Polichinelle dans le très sérieux théâtre de la politique italienne que le prochain homme fort du pays sera Matteo Salvini. La droite française, en capilotade, doit donc prendre le temps de considérer ce qui se passe de l’autre côté des Alpes.

Disons-le tout net : l’Italie n’est pas la France. La France, si on la compare à l’Italie, et plus largement à la plupart des grands pays occidentaux, est par nature plus à gauche, le sang de la Révolution française et un égalitarisme puissant coulant dans ses veines. Comment pourrait-on être italien, dirait Montesquieu, si l’on veut bien considérer qu’en Italie les héritages n’y sont pas taxés jusqu’à un million d’euros sans que cela choque qui que ce soit ? Ou qu’aujourd’hui 60% des italiens (sic) soutiennent la politique migratoire pourtant très dure selon nos propres critères de Matteo Salvini ? 

Ces précautions étant prises, qu’on le veuille ou non, la politique italienne est aussi un laboratoire pour nous autres français, et la droite française ferait bien de tirer des succès de Matteo Salvini quelques leçons.

Première leçon : savoir ce que signifie être de droite. Matteo Salvini ne craint pas de le dire : c’est, d’abord et avant tout, placer les questions de civilisation, c’est-à-dire la sécurité publique, l’identité, la famille, le contrôle des frontières, le respect de la laïcité, au premier rang des priorités, avant l’économie. Non pas que l’économie n’ait pas d’importance. Mais la droite française s’est progressivement laissée imposer un terrain de jeu qui se résume en la formule célèbre du philosophe : « ce n’est pas la conscience qui détermine l’être social, c’est l’être social qui détermine la conscience ». Ainsi, depuis trop longtemps, la droite française, singeant la gauche, pense que les problèmes de la France seront réglés quand les problèmes économiques le seront. C’est un piège mortel, car à ce jeu, la gauche est toujours plus habile.

C’est aussi, deuxième leçon, une erreur tactique grave. Car les français, peu instruits d’économie et à qui l’on a trop menti en matière de croissance et de chômage, ont fait leur le fatalisme exprimé par François Mitterrand quand il rendait les armes au chômage, contre lequel, disait-il, tout en reconnaissant sa propre incompétence économique, « on a tout essayé ». Bien sûr, ceci est faux. Il n’y a quasiment pas de chômage en Allemagne et au Royaume-Uni, pays comparables au nôtre, et il ne faut pas prendre pour une loi économique la médiocrité de nos gouvernants, de droite et de gauche, depuis quarante ans. Mais le fait est que la droite –pas plus que la gauche - ne gagnera plus en promettant à des Français plus intelligents que les politiciens ne le croient, et conscients de l’inter connexion qui est le fait des économies modernes, des lendemains qui chantent en matière de pouvoir d’achat ou de chômage. En revanche, l’expérience italienne le prouve, Union européenne ou non, il est des domaines dans lesquels l’Etat national est capable, s’il le souhaite, d’agir vite et fort : le problème migratoire, soi-disant insoluble, est largement réglé en Italie.

Encore faut-il, et c’est la troisième leçon, avoir la volonté d’agir. Dans quelques pages lumineuses de son livre L’art de l’homme d’Etat (Statecraft), Margaret Thatcher pourfend ce qu’elle nomme à juste titre le « distaste of power », la maladie des élites occidentales de la fin du 20 em siècle, qui considèrent avec répugnance l’exercice du pouvoir politique, c’est à dire, aussi, celui de ce que Max Weber appelle le monopole de la violence légitime. C’est l’un des secrets de la réussite des grands mouvements de droite, aux Etats-Unis, à l’Est de l’Europe, au Royaume-Uni : cesser de craindre d’exercer le pouvoir, en en reprenant une partie abandonnée aux juges, aux technocrates, aux médias. La droite française, si elle veut se reconstruire, doit convaincre les français, peuple politique, qu’elle ne craindra pas d’exercer le pouvoir. Encore faut-il savoir comment, pour quoi faire, et sans blesser le besoin aigu de justice qui est le vrai tempérament des Français. Vaste programme dirait le Général de Gaulle. 

C’est dire, en définitive, que la droite française doit considérer avec intérêt ce qui se passe chez nos cousins italiens. Le chemin qui s’y dessine est clair : donner la priorité au régalien, cesser de promettre tout et son contraire quand une partie des leviers économiques vous échappe, exercer le pouvoir, ce qui n’est pas un plaisir mais bien plutôt un sacerdoce.

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