Intervention militaire en Syrie : quels sont encore les moyens de l'armée française ?<!-- --> | Atlantico.fr
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L'armée française, içi lors du défilé du 14 juillet.
L'armée française, içi lors du défilé du 14 juillet.
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Le nerf de la guerre

La question de l'intervention en Syrie pose celle de la faisabilité technique et financière d'une telle opération si notre pays venait à y participer. Retour sur les différents moyens qui sont encore à la disposition du ministère de la Défense.

Atlantico : François Hollande s'est dit prêt à "punir" le régime syrien accusé d'avoir déclenché l'attaque à l'arme chimique d'El Ghoulat. Si cette déclaration devait se concrétiser par une action militaire, quels moyens la France pourrait elle concrètement engager ?

Jean-Dominique Merchet : Si le scénario de frappes de précision à longue distance se précise, ce qui semble probable, la France ne dispose techniquement que d'un seul système d'armes adéquat, à savoir celui des missiles de croisières "Scalp" qui sont tirés depuis un avion de chasse. Ces missiles ont une portée d'environ 250km, ce qui signifie que l'on peut les projeter depuis la Méditerranée à partir d'un avion de combat partant du sol français pour aller ensuite se poser, par exemple, à Chypre ou en Crète. Une telle opération prendrait de 3 à 4 heures, retour non compris, si elle avait la France pour base de départ. Une autre possibilité serait d'utiliser le Charles de Gaulle pour supporter les opérations aériennes, mais cette option n'est clairement pas envisagée pour l'instant.

L'importance de la flotte aérienne devrait ici rester assez modeste (autour de 5 appareils, NDLR), le but étant ici de délivrer un message politique plutôt que d'occuper un pays tout entier. La France ne dispose de plus que d'une centaine de ces missiles, qui sont extrêmement coûteux (850.000 euros par pièce), et l'importance du rôle joué par les Etats-Unis devrait modérer l'importance de notre éventuelle intervention.Par ailleurs il est impensable, contrairement à ce qu'on a pu lire ici et là, d'imaginer des opérations partant des bases françaises de Djibouti et d'Abu Dhabi, ces sites restant assez éloignées du sol syrien alors que l'on dispose de celui de Solenzara en Corse.

Joseph Henrotin : Sur le plan naval, on peut noter que le Charles de Gaulle, basé pour l'instant à Toulon, est sortie de sa phase d'entretien, fait qui sous-entend qu'en pratique il est pourrait être utilisé sur le théâtre d'opérations. L'envoi d'un porte-avions signifie aussi l'envoi de son "escorte" composé de frégates anti-aériennes, comme le Forbin et le Chevalier Paul, de frégates anti sous-marins, qui ne seraient pas utiles dans un tel conflit, et de ravitailleurs.

Sur le plan aérien, l'Armée de l'air française dispose de plusieurs escadrons rompus aux opérations dites de "grande distance" depuis les récents conflits en Afrique du Nord. Il est possible d'imaginer, à l'instar du cas malien, que des avions décollent de bases françaises comme Saint-Dizier pour mener des frappes avant de se poser sur une base amie. Dans ce cas il est cependant probable que l'on déploie l'aviation sur des bases plus proches du territoire syrien, notamment celle de Solenzara en Corse qui avait déjà servi pour le conflit libyen. Il n'est pas non plus impossible d'utiliser des bases amies, en Grèce ou en Turquie, pour se rapprocher des rivages du Proche-Orient bien que cette option apparaisse complexe sur le plan logistique quand on la compare au court délai d'une éventuelle opération (censée se limiter à des "frappes chirurgicales" sur deux jours, NDLR). Pour ce qui est du nombre d'avions engagés, on ne peut donner de chiffres précis, l'armée se refusant logiquement à toute communication sur les moyens qui sont actuellement à sa disposition. La nature du conflit qui se dessine relevant plus de l'action de coercition que de la menace vitale, on peut cependant affirmer que les forces employés ne seront pas d'une importance conséquente.  

Si une intervention se décide effectivement, ce qui n'est pas encore acquis, il n'est pas non plus anodin de rappeler qu'elle se fera dans le cadre d'une coalition, et que le principal effort de frappe sera donc fourni par les Américains. Il est encore impossible de dire si la France sera un partenaire "mineur" de cette action conjointe, mais il s'agit en tout cas de l'un des états qui dispose de la plus grande force au sein des membres d'une éventuelle alliance américano-européenne.

La situation financière du pays étant ce qu'elle est actuellement, peut-on imaginer qu'une limite budgétaire viendra s'imposer aux décideurs de l'Armée française ?

Jean-Dominique Merchet : Certainement pas. Encore une fois, le caractère modeste de l'opération empêche de penser que nous entrerons dans des coûts aussi importants que ceux de la Libye ou du Mali.

Joseph Henrotin : La limite d'une opération militaire n'est pas tant financière que politique. Les moyens que l'on décide d'accorder sont ainsi définis en fonction de la détermination diplomatique que l'on souhaite afficher sur la scène internationale. Si la volonté d'engagement de l'Elysée est forte, cela se traduira donc sur le terrain en termes de moyens alloués.  

La véritable limite est selon moi d'avantage technique que directement budgétaire. La question est ici de savoir le nombre d'avions opérationnels que l'on peut déployer sur une zone qui est par définition dangereuse. La défense anti-aérienne syrienne est traditionnellement considérée comme l'une des plus denses au monde, ce qui sous-entend qu'un certain nombre d'équipement de défense doivent être disponibles afin d'éviter des pertes trop importantes. Bien que l'armée française se refuse pour l'instant à tout commentaire sur les effectifs disponibles, on peut penser que ces moyens techniques sont aujourd'hui globalement réunis. Le meilleur indicateur de l'importance des moyens engagés sur les prochains jours sera donc bien la détermination politique de Paris.  

Selon les statistiques officielles, près de 3000 soldats français sont encore présents au Mali pour assurer le maintien de la paix. Cela peut-il gêner un éventuel redéploiement autour de la région syrienne ?

Joseph Henrotin : Je ne pense pas que la présence française au Mali soit particulièrement handicapante. Les forces qui s'y trouvent encore sont principalement composées de troupes au sol et d'hélicoptères de soutien, tandis que les moyens que l'on pense employer en Syrie seraient avant tout marins et aériens. S'il est vrai que l'opération Serval a nécessité pendant un temps la présence d'un nombre important d'avions de combat, basés notamment au Niger, la plupart de ces appareils sont aujourd'hui rentrés en France et restent prêt à l'emploi, pour peu que ces derniers ne soient pas en phase d'entretien. La Syrie et le Mali sont deux théâtres d'opération aux natures totalement différentes, ce qui appelle logiquement l'emploi de moyens différents. En conséquence, et sachant que la probabilité d'une intervention au sol n'est pour l'instant pas sur la table en Syrie, le fait d'avoir un certain nombre de fantassins déployés dans une autre région du globe ne posera pas de problèmes particuliers.

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