Inondations : combien de quartiers vulnérables en France ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Des dizaines de communes ont été touchées par des inondations le 7 novembre 2023 dans le Pas-de-Calais, où la Liane et l'Aa ont atteint des niveaux exceptionnels autour de Boulogne-sur-Mer et Saint-Omer.
Des dizaines de communes ont été touchées par des inondations le 7 novembre 2023 dans le Pas-de-Calais, où la Liane et l'Aa ont atteint des niveaux exceptionnels autour de Boulogne-sur-Mer et Saint-Omer.
©Denis Charlet / AFP

Risque naturel

En France, selon les données fournies par le ministère en charge de l’environnement en avril 2023, le risque inondation est le premier risque naturel par l’importance des dommages qu’il provoque.

François Giannoccaro

François Giannoccaro

François Giannoccaro est directeur chez Institut des Risques Majeurs (IRMa). Membre du Conseil d’orientation pour la prévention des risques naturels majeurs (COPRNM) depuis 2020.

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Atlantico : Le Pas-de-Calais sous l’eau après des pluies intenses, autrement dit une partie du territoire que nous n’avons pas l’habitude de voir recouverte par les inondations. Combien de communes sont concernées en France ?

François Giannoccaro : En France, selon les données fournies par le ministère en charge de l’environnement en avril 2023, le risque inondation est le premier risque naturel par l’importance des dommages qu’il provoque, le nombre de communes concernées, l’étendue des zones inondables (27 000 km²) et les populations résidant dans ces zones (5,1 millions de personnes). Ce risque concerne 16 000 communes dont 300 agglomérations. 

6 600 communes en moyenne font l’objet chaque année d’une reconnaissance d’état de catastrophe naturelle

Sur les 264 000 reconnaissances de l’état de catastrophe naturelle arrêtées sur la période 1982-2021, 53% incombent aux inondations, 38% aux mouvements de terrain (y compris les arrêtés sécheresse) et 8 % aux phénomènes atmosphériques. Chaque année, les inondations et/ou coulées de boue touchent en moyenne 3 450 communes, la sécheresse un peu plus de 1 860. Viennent ensuite les mouvements de terrain (1 050) et les tempêtes (400). 

Submersions marines, crues ou inondations éclairs… Où se situent ces risques majeurs à l’heure où les événements climatiques se font plus violents et plus fréquents ?

·       Un potentiel de 18,3 millions de Français qui résident dans des zones susceptibles d’être inondées par un débordement de cours d’eau si l’on considère les enveloppes maximalistes des zones inondables par une crue exceptionnelle

 Dans un contexte marqué par les effets du changement climatique qui accentuent notre vulnérabilité aux risques, les inondations que nous vivons en ce moment montrent à quel point l’ensemble du territoire français est vulnérable, qu’il s’agisse des zones urbaines ou rurales.

Dans le cadre de la mise en application de la directive Inondation du 23 octobre 2007, des enveloppes approchées d’inondation potentielle (EAIP) ont été définies, dont celle portant sur les inondations par débordements de cours d’eau. Elles correspondent aux enveloppes maximalistes des zones inondables par une crue exceptionnelle. En 2022, 26,8 % de la population française résident dans ces zones. Six départements sont particulièrement exposés, avec plus de la moitié de leur population résidant dans l’EAIP « débordement de cours d’eau » : le Vaucluse (65,6 %), le Haut-Rhin (55,0 %), l’Isère, les Pyrénées-Orientales et l’Ariège (53,9 % chacun) et la Savoie (50,9 %). La part de la population habitant dans cette EAIP est comprise entre 25 % et 50 % dans 36 autres départements.

·       1,5 million de Français sont exposés au phénomène de submersion marine

À l’instar du débordement des cours d’eau, une démarche a été conduite pour évaluer l’exposition des biens et des personnes aux risques de submersion marine. 2,3 % de la population française réside de manière permanente dans l’EAIP « submersion marine ». Cinq départements sont particulièrement exposés : le Pas-de-Calais, la Vendée, la Manche, la Charente-Maritime et la Gironde.

Combien de français sont vulnérables sur notre territoire face au risque d’inondation ? 

Chaque citoyen a le droit d’être informé sur les risques majeurs.

Le panorama des risques naturels, auxquels les territoires métropolitains et ultramarins sont confrontés qui alimente mon propos ici, est issu des données établies par le service « statistiques » du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, en collaboration avec les membres de l’Observatoire national des risques naturels.

Il est déjà intéressant de relever que 64 % des Français de métropole résidant dans des communes exposées aux risques d’inondation n’ont pas conscience d’être exposés à un risque. En effet, lorsqu’on interroge les Français sur les problèmes environnementaux « là où vous habitez », seul un sur dix évoque les risques naturels. La prise de conscience collective de ces enjeux reste à faire au niveau national. 

Il est d’ailleurs paradoxal de constater que, même lorsque les autorités publiques mettent en œuvre ou soutiennent des initiatives de sensibilisation des populations aux risques majeurs conformément au droit à l’information (article L 125-2 du code de l’environnement), notre institut relève que celles-ci ne suscitent que rarement un engouement massif de la population. 

Inscrit dans les codes de l’environnement et de la sécurité intérieure en France, le droit à l’information sur les risques majeurs comprend en l’espèce au moins deux aspects : le droit de connaître les risques présents sur le territoire et le droit d’être associé à la prévention de ces derniers. Les objectifs des actions de responsabilisation mises en œuvre par les autorités publiques doivent ainsi permettre de préparer les populations et les responsables locaux à faire face aux risques, à renforcer leur pouvoir d’agir face aux situations de crise et à développer leurs capacités d’anticipation et d’adaptation pour leur permettre d’être acteurs de leur relèvement.

Comment les communes se préparent à faire face à ces risques ? 

Quand l’événement potentiellement dommageable survient, le maire a avant tout la responsabilité d’alerter, d’informer et de mettre à l’abri la population (Articles L.2212-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales et articles L.511-1 et suivants du Code de la sécurité intérieure). C’est ainsi qu’il doit établir un système d’astreinte pour permettre à sa commune de recevoir les messages d’alerte de la préfecture à tout moment. Il doit disposer d’un ou plusieurs moyens d’information d’alerte fiables et reconnaissables par ses administrés pour chaque situation (ex. sirènes, systèmes d’appel en masse, véhicules équipés de hauts parleurs, media…). La gendarmerie et la police, sous l’autorité du maire, peuvent concourir à la diffusion de l’alerte. 

Plus globalement pour apporter une réponse de proximité à la crise et en complément de l’intervention des services de secours et du dispositif opérationnel ORSEC qui relève du préfet, le code de la sécurité intérieure prévoit que le maire a la responsabilité de se doter d'un plan communal de sauvegarde (PCS) et d’en maintenir son caractère opérationnel. Le PCS permet à la commune d'optimiser sa capacité de réaction face à un évènement de sécurité civile. Il organise la réponse de proximité en prenant en compte l’information, l’alerte et le soutien aux populations ainsi que la mise en œuvre des premières mesures d’urgence et l'appui aux services de secours jusqu’au retour à la normale. Le PCS est le maillon local de la sécurité civile qui permet aux élus de faire face à la crise.

22 000 communes sont concernées en France par ce dispositif depuis la loi n°2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile. Il est à noter que cette loi et ses décrets d’application rendent obligatoire le plan intercommunal de sauvegarde (PICS) pour toutes les intercommunalités à fiscalité propre dès lors qu’au moins une des communes membres est soumise à l’obligation d’élaborer un plan communal de sauvegarde.

Les exercices de sécurité civile pouvant associer les populations à l’initiative des maires sont également rendus obligatoire par cette loi. 

Pour généraliser ces entrainements et les exercices en France et apporter sa contribution sur notre territoire, notre institut a créé dès 2018 une cellule mobile d’appui aux entrainements et aux exercices pour accompagner les responsables et décideurs locaux à se préparer à anticiper et à faire face à des situations de crise. De 2018 à 2022, 272 entrainements et exercices ont ainsi été mis en œuvre pour 4200 personnes qui ont bénéficié de ces mises en situation qui a l’occasion font participer les habitants. Retrouvez une illustration filmée d’une simulation sur table.

Cette démarche, intitulée EXOCRISE par l’IRMa, contribue à généraliser les entrainements et les exercices à l’initiative des maires dans l’esprit de la règlementation depuis le 22 juin 2022. EXOCRISE est intégré dans les parcours de formation et d’aguerrissement territorialisés à la carte de l’IRMa qui permettent aux intercommunalités, aux associations départementales des maires, à l’Etat, aux porteurs de projets (CNFPT, PAPI, SLGRI, CLI, SPPPI…) de faire monter en compétence les responsables locaux. Outre les entrainements et les exercices, ces parcours de formations territorialisés ont ainsi permis de 2018 à 2022 d’informer et former 4 500 personnes sur 317 sessions de formation. Découvrir les parcours : http://www.irma-grenoble.com/02institut/parcours-formation-territorialise.php

En France, il y a des obligations d'information préventive. Que fait l’Etat pour responsabiliser le citoyen ? 

Le gouvernement a instauré en 2022 la journée "Tous résilients face aux risques". Cette journée, qui se déroule annuellement avec un point culminant le 13 octobre, en cohérence avec la journée internationale pour la réduction des risques de catastrophes de l'Organisation des Nations unies, vise à promouvoir la culture de la gestion des risques, à préparer les populations et les responsables locaux à faire face à ces dangers, et à renforcer la résilience collective face aux catastrophes. L'objectif est que chaque individu soit conscient des risques présents sur son territoire, connaisse les mesures à prendre en cas de catastrophe, et devienne ainsi un acteur de sa propre sécurité. La première édition, lancée en 2022, a mobilisé près de 2000 événements à travers le pays, coordonnés par 350 opérateurs, et une nouvelle édition est prévue pour cette année en octobre.

Dans ce cadre, notre organisme, l’Institut des Risques majeurs (IRMa a vocation à informer les populations sur les risques majeurs en France - http://www.irma-grenoble.com/ ) a initié le Résilience Tour en 2022 qui est reconduit en 2023 en étant co-organisé pour sa deuxième édition avec l’AFPCNT. Nous sommes heureux de compter sur le soutien du Ministère de la Transition Écologique et de la Cohésion des Territoires pour cette initiative. 

A l’image du célèbre Tour de France, le Résilience Tour s’est mis une nouvelle fois en itinérance en sillonnant les territoires, depuis 1er octobre et jusqu’au 15 novembre 2023, sur 22 étapes comprenant plus d’une centaine d’événements. Il propose des actions de sensibilisation, d’information et de formation qui convergent vers les objectifs suivants : préparer les populations et les responsables locaux à faire face aux risques, renforcer leur pouvoir d’agir face aux situations de crise, développer leurs capacités d’adaptation et leur permettre d’être acteurs de la résilience dans leur territoire.

Parmi nos activités itinérantes, les publics qui sont visés, principalement les élus locaux, peuvent découvrir de nombreux ateliers, conférences, jeux de simulation de crise, visites de sites naturels et industriels, ainsi que des représentations théâtrales. 

Vous pouvez découvrir le Résilience Tour 2023 et les actions qui sont mise en œuvre notamment à travers sa rubrique « actualités » : : https://resiliencetour.fr/

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