Innovation : pourquoi la France restera dans le peloton des suiveurs si aucune réforme structurelle n'est entreprise <!-- --> | Atlantico.fr
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240 millions d’euros ont été alloués à l'innovation dans un nouveau plan de soutien du gouvernement.
240 millions d’euros ont été alloués à l'innovation dans un nouveau plan de soutien du gouvernement.
©Reuters

Éditorial

Le gouvernement a lancé un deuxième plan pour l’innovation afin de prolonger le Pacte de compétitivité de novembre 2012, avec comme objectif principal de "changer l’état d’esprit de la société".

Pierre Guyot

Pierre Guyot

Pierre Guyot est journaliste, producteur et réalisateur de documentaires. Il est l’un des fondateurs et actionnaires d’Atlantico.

 

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Sans être défaitiste, il y a comme l’ambition de vider l’océan à la petite cuillère dans le plan innovation présenté par Jean-Marc Ayrault, dans la foulée du Pacte de compétitivité de novembre 2012. Pas tant à cause de la modestie des sommes (240 millions d’euros cette fois) allouées à ce qui devrait être une impérieuse priorité dans la stratégie de redressement économique de la France que parce que les freins à l’innovation sont dans notre pays plus structurels et culturels que financiers.  

Le Premier ministre semble l’avoir compris, en reconnaissant que pour soutenir l’innovation, ce sont "l'état d'esprit, l'écosystème, la culture" qu'il faut faire évoluer. Il semble que la formule ne soit pas un cache-sexe sémantique destiné à éviter de répéter une énième fois que les caisses sont vides. Dans une interview au journal Le Monde hier, la ministre déléguée à l’Economie numérique Fleur Pellerin confirme le constat que la "France est dans le peloton des suiveurs pour ce qui est de l'innovation" en raison de "vraies résistances liées au système institutionnel, au système éducatif et à la culture".

Le mécanisme est depuis longtemps parfaitement connu dans le monde de l’entreprise, hélas si méconnu des membres du gouvernement (aucun des 38 ministres n’a jamais créé ni dirigé d’entreprise et les trois quarts d’entre eux n’ont jamais travaillé dans le privé…).

Les obstacles auxquels se heurte l’innovation dans la plupart des entreprises sont nombreux, mais on peut tout de même schématiser le parcours du combattant d’une idée vraiment nouvelle : une idée disruptive - une nouvelle technologie, une nouvelle façon de travailler, de nouveaux usages susceptibles de séduire les consommateurs, etc. - apparaît au sein de l’entreprise. Cette idée est donc soumise aux services censément compétents : la direction informatique ou l’équipe marketing par exemple, qui étudient la faisabilité d’un déploiement technologique ou l’existence d’un marché et le plus souvent, ne comprennent pas quels sont les enjeux. Pire encore, ces équipes bien en place sentent parfois tout ce que cette nouvelle idée a de révolutionnaire et comprennent donc aussi que l’organisation de l’entreprise pourrait en être bouleversée, donc leurs positions de pouvoir avec elle. Là encore la promotion de l’innovation n’est pas franchement garantie.

A l’échelle d’un pays, cela donne la farouche opposition de la corporation des taxis aux voitures avec chauffeurs (le frein à l’innovation des chauffeurs de taxi est adroitement démonté par Nicolas Colin sur son blog). Fleur Pellerin reconnait aux systèmes de réservation de voitures via des applications mobiles "une innovation – assez peu technologique – qui marche bien et répond à une demande" mais explique en même temps qu’il "faut aussi savoir accompagner les acteurs en place" (comprenez faire machine arrière face au lobby des taxis). Il y a encore le plan social annoncé à La Redoute. N’a-t-il rien à voir avec le manque d’innovation de notre ancien champion de la VPC face aux concurrents, à la croissance fulgurante, nés sur internet ? Dans une certaine mesure, les difficultés actuelles de la filière agro-alimentaire bretonne sont, elles aussi, les conséquences directes de toutes ces années durant lesquelles l’agriculture bretonne s’est reposée sur ses lauriers (et sur la manne des subventions européennes de la politique agricole commune) sans s’inquiéter le moins du monde de l’émergence de nouveaux modèles de production d’agriculture et d’élevage chez nos voisins étrangers.

Pourtant les solutions existent. Les nouveaux géants californiens de l’économie mondiale sont là pour le prouver. Pour les esprits chagrins que des exemples américains rebutent parce qu’ils sont forcément impérialistes, le modèle scandinave (qu’il est tellement branché de brandir en exemple chez certains) est lui aussi capable de réinventer ses façons de fonctionner, comme évoqué ici.

Face à l’ampleur de la tâche à accomplir pour faire bouger nos réflexes et nos mentalités, le plan innovation du gouvernement français prévoit aujourd’hui en tout et pour tout 20 millions d’euros pour financer des actions dans les écoles afin de développer la culture générale économique des élèves et les sensibiliser à l’entrepreneuriat. La colère des gardiens du temple de l’Education nationale qui vont s’étrangler de rage en entendant prononcer ce dernier terme dans l’enceinte sacro-sainte de l’école n’est pas bien grave. Par contre, la disproportion entre la gravité du diagnostic confirmé par le gouvernement (le pronostic vital est engagé !), l’importance des soins nécessaires et l’inconsistance du traitement finalement ordonné n’a vraiment rien de rassurant. Ni de très nouveau d’ailleurs.

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