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Un jeune homme atteint du syndrome d’Asperger raconte sa vie de famille depuis l’enterrement de sa grand-mère, une femme détestable dont chacun se sent obligé de chanter les louanges.
Un jeune homme atteint du syndrome d’Asperger raconte sa vie de famille depuis l’enterrement de sa grand-mère, une femme détestable dont chacun se sent obligé de chanter les louanges.
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Marine Baron pour Culture-Tops

Marine Baron pour Culture-Tops

Marine Baron est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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Livre

 « Marcher droit, tourner en rond »

d'Emmanuel Venet

Ed. Verdier

123 pages

13 euros

L'auteur

Emmanuel Venet, né en 1969, est psychiatre et vit à Lyon. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont « Ferdière, psychiatre d’Antonin Artaud »,  Prix du Style, et « Précis de médecine imaginaire », Prix Rhône-Alpes de littérature en 2006. « Marcher droit, tourner en rond » est son cinquième livre publié.

Thème

Un jeune homme atteint du syndrome d’Asperger raconte sa vie de famille depuis l’enterrement de sa grand-mère, une femme détestable dont chacun se sent obligé de chanter les louanges. Champion de scrabble, passionné par les catastrophes aériennes et amoureux transi depuis des décennies d’une ancienne camarade de classe, le narrateur est doué d’un extraordinaire entendement logique et d’un profond manque d’intelligence sociale. C’est donc avec une sincérité incongrue, cruelle et parfois très dérangeante, qu’il s’adresse à son entourage et raconte son histoire.

Points forts

L’originalité de cette narration, à la manière d’un jeune homme atteint d’un syndrome autistique, est de toute évidence une brillante idée. Elle est l’occasion de descriptions et de situations empreintes d’un ressort comique incontestable, à savoir le décalage entre la franchise absolue du narrateur et son inadaptation à toute forme de rapports humains policés.

Les descriptions des membres de la famille, surtout les personnages féminins, toujours cruellement brossés, sont parfois hilarantes. On y découvre notamment une tante « serrée dans des vêtements qui lui scient la graisse », une belle-mère «  habillant sa vulgarité de fourrures et de bas résille », une cousine « ayant une mémoire de poisson rouge » ou « ressemblant à une boule de cellulite », ainsi qu’une grand-mère « lésinant sur tout, calculant sans relâche et n’ayant jamais fait cadeau d’un centime à personne ».

La chute du livre est puissante et inattendue, plongeant peu à peu le lecteur dans une autre dimension, à travers les trente dernières pages, ce qui garantit une lecture des plus déconcertantes.

Points faibles

Malgré des descriptions réussies, les principaux personnages féminins du livre étant presque tous des êtres pervers, manipulateurs, et les personnages masculins étant, pour leur part, presque tous des nigauds, le fait que ce schéma soit systématique aboutit à ce que les acteurs de l’intrigue finissent par se ressembler, ce qui, malgré la concision du texte, donne à lire quelques passages alourdis par ce cadre étroit et tenace, du moins un peu redondants.

Il est légitime de se poser la question de la caricature du personnage du narrateur, atteint d’un syndrome caractérisé en soi par un défaut d’empathie, alors que les dernières pages du livre tendent à montrer qu’il n’y a chez lui qu’une absence totale de ce sentiment, choquante au point d’entamer parfois la crédibilité du texte. Cette caricature pose aussi la question de la perception des personnes réellement atteintes d’un syndrome à l’origine de bien des fantasmes, notamment depuis la sortie en salles du film « Rain Man » dans les années 90. Si, en raison de cette probable exagération, l’effet de chute du livre est indéniable, et si l’auteur du texte, psychiatre, ne peut réellement être suspecté de ne pas savoir de quoi il parle, l’ahurissement qui gagne le lecteur se construit peut-être au prix d’un certain réalisme.

En deux mots  

Un livre court, inédit et dérangeant qui, malgré quelques faiblesses, garantit la surprise et quelques francs éclats de rire.

Une phrase

« Quand j’ai fait part à ma tante de ma surprise de la voir fréquenter autant de mythomanes et de malades mentaux, elle m’a répondu qu’elle me fréquentait bien, moi : preuve qu’elle me prend pour un psychotique au mépris des explications fournies par le professeur Urs Weiss soi-même, qui définit le syndrome d’Asperger comme un variant humain non pathologique voire avantageux, puisqu’il garantit, au prix d’une asociognosie parfois invalidante, une rectitude morale plutôt bienvenue dans notre époque de voyous ». (p 44).

Recommandation

BonBon

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