Incursion à Belgorod : cette culture de la résistance qui perdure en Russie <!-- --> | Atlantico.fr
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Des combattants russes venant d’Ukraine ont pris depuis lundi plusieurs villages russes de la région de Belgorod.
Des combattants russes venant d’Ukraine ont pris depuis lundi plusieurs villages russes de la région de Belgorod.
©MANDEL NGAN, MIKHAIL METZEL / AFP / SPUTNIK / AFP

Guerre en Ukraine

La région russe de Belgorod est la cible d’une incursion de combattants armés venant d’Ukraine, qui a forcé la Russie à décréter un régime « antiterroriste » et à évacuer les civils pour tenter de repousser cette nouvelle attaque sur son sol.

Jérôme Pellistrandi

Jérôme Pellistrandi

Le Général Jérôme Pellistrandi est Rédacteur en chef de la Revue Défense nationale.

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Il est essentiel de comprendre que Belgorod se situe à l'est, à la frontière avec l'Ukraine. En quelque sorte, il sert de base arrière pour toutes les opérations de déstabilisation de l'Ukraine, même avant le 24 février. Depuis cette date, Belgorod est devenu l'un des principaux points de passage des flux militaires à destination de l'Ukraine. C'est un endroit qui regroupe à la fois de nombreuses installations militaires et qui présente l'avantage d'être suffisamment proche de la frontière ukrainienne pour que les frappes ukrainiennes puissent perturber le système logistique russe.

Dans le contexte actuel, avec la bataille de Bakhmout qui se déroule plutôt du côté ukrainien, la préparation de la contre-offensive implique l'utilisation de tous les moyens pour entraver et affaiblir l'arsenal russe. Belgorod joue un rôle crucial dans cette stratégie, notamment dans la région qui l'entoure. 

Il est évident que la situation est assez complexe, car il semble y avoir deux groupes distincts : d'une part, des rebelles russes et, vraisemblablement, des agents des services ukrainiens qui ont réussi à infiltrer le territoire russe. Leur objectif est de semer le chaos et de déstabiliser le système russe. Ce qui est surprenant, c'est que ces groupes sont bien armés, et ils ont réussi à mener leurs opérations avec succès. Cela oblige les forces russes à se mobiliser et à communiquer sur leurs victoires, prétendant avoir éliminé 70 mercenaires néonazis. Cependant, cela témoigne également de l'agitation croissante au sein du commandement russe, car ils savent qu'ils devront bientôt affronter une contre-offensive ukrainienne. Ils sont dans l'incertitude quant aux objectifs et au déroulement de cette contre-offensive, ce qui accentue les tensions sur la ligne de front et dans toute la région concernée.

Cette tension est alimentée par les incursions russes sur le territoire ukrainien, ainsi que par les attaques de drones. De plus, les Russes semblent exagérer leurs communications afin de mobiliser l'opinion publique en vue de la contre-offensive imminente.

Il est assez intéressant de constater, bien que je n'aie pas une connaissance précise de la composition des groupes, que tout au long de l'histoire de la Russie, que ce soit à l'époque de la Russie tsariste, puis de l'Union soviétique, en particulier après la révolution bolchévique et même après la Seconde Guerre mondiale, il y a toujours eu des mouvements de maquis opposés à Moscou. Ces mouvements ont cherché à lutter contre le pouvoir central russe, motivés par des raisons très diverses.

Après 1917, on peut notamment citer les armées blanches qui s'opposaient aux bolchéviques. Après la Seconde Guerre mondiale, on a également vu des groupes tenter de lutter, mais sans succès, car ils étaient finalement écrasés. Néanmoins, cette culture de la résistance existe dans la société russe, ce qui explique en quelque sorte la présence de groupuscules, quelques décennies plus tard, avec des motivations différentes, mais tous présents pour déstabiliser le régime en place.

Pour être très honnête, ces groupes ne sont absolument pas en mesure de représenter une menace directe pour le Kremlin. Au mieux, ils peuvent semer l'incertitude et mener des actions de guérilla dans leur zone d'opération, mais leur mode d'action ne leur permet pas d'atteindre Moscou. Ce serait une tout autre histoire avec d'autres titres et modes d'action, liés essentiellement à des organisations mieux structurées. Dans tous les cas, leur action se limite principalement le long de la frontière, posant des problèmes locaux.

Cependant, depuis le début de la guerre, on a constaté des incendies dans des centres de recrutement, ce qui contribue à entretenir un climat de nervosité et mobilise les forces de sécurité. Ces forces de sécurité doivent protéger un territoire extrêmement important, ce qui est intéressant pour l'Ukraine, qui ne souhaite pas que les liens entre ces groupes et Kiev soient clairement établis. Il est donc prudent de rester méfiant, car on peut aussi envisager, dans l'esprit retors des services russes, une instrumentalisation de ces groupes pour justifier une mobilisation partielle, par exemple. C'est pourquoi il est nécessaire de faire preuve de prudence. D'ailleurs, Kiev ne revendique pas la paternité de ce type d'action.

Par ailleurs, la Russie est un État extrêmement répressif avec un fort système policier en place. On peut clairement constater que les groupuscules marginaux n'ont pas une opposition politique structurée, comme peut l'être, par exemple, Navalny. Il est également important de noter qu'il n'y a pas d'opposition organisée en Russie. Les opposants sont soit emprisonnés, soit en exil, mais contrairement à la Biélorussie où une opposition plus structurée existe, en Russie, on trouve des opposants, mais pas d'opposition structurée.

La prochaine grande échéance diplomatique pour la Russie sera le sommet de l'OTAN, qui aura lieu en juillet en Lituanie. Il sera important pour la Russie de montrer des résultats concrets vis-à-vis de l'OTAN et de ses partenaires européens. De plus, nous entrons bientôt dans la période estivale, ce qui n'est pas idéal pour des actions politiques d'envergure. En septembre, les États-Unis entament leur campagne électorale, ce qui limite encore davantage les opportunités d'action. Nous pouvons donc dire qu'il y a une période opérationnelle de 45 jours qui sera décisive pour la suite de la guerre. L'objectif pour l'Ukraine sera de déstabiliser suffisamment le système et de positionner ses forces afin de pouvoir engager des négociations et parvenir à un accord.

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