Immobilier : voilà pourquoi la baisse des prix au m2 ne changera rien au manque criant de logements en France <!-- --> | Atlantico.fr
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Des piétons regardent les annonces affichées dans la vitrine d'une agence immobilière dans une rue de Biarritz, le 23 mai 2021.
Des piétons regardent les annonces affichées dans la vitrine d'une agence immobilière dans une rue de Biarritz, le 23 mai 2021.
©AFP / Gaizka IROZ

Accession au logement

Pour la première fois depuis 2015, les prix de l’immobilier ont légèrement reculé sur un mois dans les 10 plus grandes villes françaises, selon Meilleurs Agents.

Marc de Basquiat

Marc de Basquiat est consultant, formateur, essayiste et conférencier. Fondateur de StepLine, conseil en politiques publiques, il est chercheur associé du laboratoire ERUDITE. Il préside l’Association pour l’Instauration d’un Revenu d’Existence (AIRE) et intervient comme expert GenerationLibre. Il est diplômé de SUPELEC, d'ESCP Europe et docteur en économie de l'université d'Aix-Marseille. 

Son dernier ouvrage : L'ingénieur du revenu universel, éditions de L'Observatoire.

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Atlantico : Les indicateurs semblent témoigner d’une baisse des prix au m2 dans l’immobilier. Cela peut-il changer quelque chose à la situation immobilière et au manque criant de logements en France ?

Marc de Basquiat : Avant de réagir à l’évolution récente d’un indicateur économique, quel qu’il soit, le bon réflexe consiste à le contextualiser dans une tendance de long terme.

Pour le logement, nous avons la chance de disposer du travail méthodique de Jacques Friggit qui met librement à disposition de tous, chaque mois, une collection remarquable de graphiques sur le site de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable.

Le graphique de synthèse peut impressionner les non-initiés, mais il apporte déjà une première réponse à votre question.

Source : IGEDD d’après INSEE, bases de données notariales, indices Notaires-INSEE désaisonnalisés, DGFiP (MEDOC) & Banque de France.

La courbe (en noir) du prix de l’immobilier ancien révèle un léger fléchissement en octobre 2022, qui parait bien dérisoire par rapport aux évolutions précédentes. Le nombre de transactions immobilières (en marron) se rétracte plus visiblement. La combinaison de ces deux indicateurs, le montant total (en vert) descend doucement. Tout ceci est léger mais constitue néanmoins une rupture par rapport aux tendances des deux dernières années, dopées par le soutien massif à l’économie déployé par l’Etat et la BCE en réponse au risque économique COVID-19.

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Les tendances du marché des logements anciens (entre 1,1 et 1,2 millions de transactions annuelles) ne différent pas beaucoup de ce qu’on observe sur les mises en chantiers de logements neufs (environ 400.000 par an).

Si on espère une relance de la construction par la baisse des prix, pour répondre aux besoins d’une partie de la population encore mal logée, dans des passoires thermiques ou en solutions d’hébergement plus ou moins adaptées, c’est peut-être un peu optimiste. 

Cette baisse des prix est-elle une manifestation de la baisse des capacités d’endettement d’une partie des Français ?

Nous gardons dans nos mémoires la période faste des années 1970, pendant laquelle des millions de français sont devenus propriétaires en empruntant à un taux inférieur à l’inflation. A l’apogée des Trente Glorieuses, chacun rêvait d’acheter sa maison, sa voiture, son électroménager dernier cri… Cinquante ans plus tard, les Français devraient se réjouir de retrouver des taux d’intérêt net largement négatifs ! La courbe 3.2 de Jacques Friggit le montre clairement (en rose).

Source : IGEDD d’après INSEE et Banque de France. 

Les taux immobiliers remontent lentement mais restent inférieurs à l’inflation. De plus, les banques françaises pratiquant des taux fixes, il y a peu de risque actuellement à emprunter à un taux inférieur à 2%, alors que l’inflation pourrait rester à un niveau significatif pendant plusieurs années.

En réalité, c’est bien le moment d’emprunter, les mensualités de remboursement futures étant probablement rognées par l’inflation.

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Faut-il craindre que, dans le contexte actuel, la baisse des prix favorise uniquement les riches ayant les moyens d’investir pour faire de meilleures affaires ?

Dans le climat dépressif que décrit Christophe Guilluy avec son dernier livre (Les dépossédés), il est de bon ton d’adopter une posture victimaire et de pointer du doigt les avantages réels ou imaginaires du 1% des plus riches, sans voir les opportunités qui s’offrent à la majorité. Oui, pour les classes moyennes ayant le projet d’acheter leur logement, la situation actuelle est favorable. Cela ne durera probablement pas très longtemps, soit que l’inflation se calme, soit que les taux d’intérêt poursuivent leur remontée.

Pour ceux qui n’avaient pas, n’ont pas et n’auront pas demain les moyens d’acquérir leur résidence principale, la question est toute autre : c’est la combinaison du niveau des loyers et des aides au logement qu’il s’agit de comparer à l’évolution des revenus disponibles, dans un contexte d’inflation significative. Il est compliqué de synthétiser en quelques lignes les conséquence des évolutions actuelles sur cette question à dimensions multiples.

On peut se rassurer en contemplant un troisième graphique de Jacques Friggit, montrant que le rapport entre les loyers et les revenus disponibles des ménages évolue de façon plus favorable en France que dans d’autres pays.

Source : composantes « loyers des résidences principales » des indices des prix à la consommation, instituts statistiques nationaux

Doit-on conclure sur une vision angélique du logement en France ? Certainement pas.

La complication des dispositifs d’aides aux plus fragiles, les files d’attente pour accéder au parc social, le coût exorbitant des travaux de mise à niveau et le déficit structurel de la construction par rapport aux besoins de la population sont des chantiers dont nous parlerons encore dans la prochaine décennie. Sauf à inventer de nouvelles approches, par exemple la création d’un Service universel du logement permettant de faire sauter de nombreux blocages dans l’accès de tous à une solution adaptée pour loger sa famille, conjuguée à une refonte fiscale ambitieuse, pour répondre efficacement à ce besoin fondamental de la personne humaine.

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