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©PASCAL PAVANI / AFP

Evolution du marché

Les prix des logements anciens en France ralentissent. Ils baissent même en termes réels (une fois corrigés par l'évolution des prix du PIB). Le mouvement de baisse en Ile-de-France et à Paris est plus prononcé. Est-ce trop tôt pour espérer une évolution sur le marché de l'immobilier ?

Charles Reviens

Charles Reviens

Charles Reviens est ancien haut fonctionnaire, spécialiste de la comparaison internationale des politiques publiques.

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Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : Selon Denis Ferrand « les prix des logements anciens en France ralentissent. Ils baissent même en termes réels (une fois corrigés par l'évolution des prix du PIB). » Quelle est l’ampleur de la baisse que l’on observe à l’heure actuelle ?

Charles Reviens : Le directeur général de Rexecode Denis Ferrand mentionne sur son compte twitter les données de l’INSEE et de la chambre des notaires concernant les transactions sur les logements anciens au 4ème trimestre 2022.

Il y a a minima une « baisse de la hausse » très nette en 2022 qui fait suite à la hausse importante du boom post covid constaté fin 2O20 et en 2021. La situation est différenciée suivant les types de produits (baisse plus forte pour les appartements que pour les maisons individuelles) et les géographies (baisse clairement plus prononcée en Ile de France).

Denis Ferrand note même une baisse globale des prix réels (prix nominaux corrigés de l’inflation).

Michel Ruimy : En 2022, le marché immobilier s’est dégradé tant en nombre de transactions, qui se sont fortement repliées : - 6,5% pour la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim), - 4% selon le réseau d’agences Century 21 qu’en termes de prix, qui ont commencé à baisser à partir de l’été et qui pourraient encore reculer de 5 à 10% en 2023.

A quoi est-elle due ? Peut-on s’attendre à ce que cette baisse se maintienne durablement ?

Charles Reviens : Comme l’indiquent les notaires du Grand Paris, le principal moteur du dynamisme des prix est un accès facile au crédit et des taux d’intérêt attractifs. Or d’une part la BCE a fortement haussé ses taux sur la dernière année, mais en outre l’actualisation souvent différée du taux d’usure (borne supérieure des couts de financement accordée aux ménages candidats à l’accession) a eu tendance à déduire l’offre de crédits hypothécaires.

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Assez logiquement, la hausse des taux a réduit la solvabilité et le pouvoir d’achat immobilier des ménages accédants, ce qui s’est traduit pas une baisse important du volume des transaction et donc de la demande ce qui pèse bien sûr sur les prix. L’INSEE note ainsi que le ralentissement du volume des transactions observé depuis le 4ème trimestre 2021 s’est accéléré en 2022, donnant un caractère tendanciel à cette baisse des volumes.

On peut également rajouter le contexte économique et géopolitique incertain, mais également une déformation de la demande allant de zones ou le logement est cher vers d’autres où il est meilleur marché du fait par exemple des changements de comportements et d’attitudes suite au covid. En effet les prix sont très différenciés sur le territoire métropolitain.

Concernant l’avenir, il n’est pas dans l’objet de cette contribution de faire de la divination, sachant toutefois que la hausse des taux d’intérêt fait suite à une décennie très spécifique en matière de taux d’intérêt bas dont on sort progressivement. Ainsi les notaires du Grand Paris indiquent que les économistes anticipent une prolongation du resserrement monétaire et un niveau d’inflation toujours élevé dans un contexte économique et géopolitique difficile.

Michel Ruimy : Ce retournement résulte notamment de la forte inflation observée l’an passé qui a eu pour conséquences, pour le marché immobilier, une inflation « par les coûts » (les entreprises, qui ont supporté une hausse de leurs coûts de production - matières premières, énergie fossile -, ont répercuté ces augmentations sur les prix à la construction dans le neuf afin de sauvegarder leurs marges) et l’éviction de certains candidats à la propriété à la suite du renchérissement du coût des emprunts, qui impacte les projets immobiliers et entraîne une baisse des ventes (baisse du pouvoir d’achat).  

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La transition écologique risque d’entretenir, à court terme, le phénomène inflationniste. Une « greenflation », liée aux coûts des mesures visant à développer les technologies vertes, dont les énergies renouvelables, pourrait, en effet, survenir avec la mise en place d’une réglementation plus contraignante (La loi Climat et résilience, adoptée en 2019, s’applique depuis le début de l’année afin de lutter contre les « passoires énergétiques »).

Or, certains propriétaires-bailleurs, en raison de difficultés financières, pourraient envisager de vendre plutôt que remettre aux normes leur logement malgré les aides (MaPrimeRénov', Eco-PTZ, prêt avance rénovation). Ceci pourrait entrainer un afflux de biens sur le marché. De leur côté, les futurs investisseurs pourraient devoir intégrer, dans le calcul de la rentabilité, le coût des travaux de transformation et le manque à gagner durant la période sans loyers perçus, dégradant l’effet de levier des investissements. L’abondance de biens immobiliers affichant des décotes de prix pour rester attractifs d’un côté, et le ralentissement de la demande de l’autre, devraient ainsi entretenir la baisse des prix immobiliers.

Au total, les effets conjugués de la hausse des taux, de la réglementation énergétique et d’anticipations négatives des ménages pourraient conduire à une chute plus accentuée des volumes puis à un recul des prix.

Toujours selon Denis Ferrand, « le mouvement de baisse en Île de France et à Paris est plus prononcé. Il s’observe sur les prix réels mais également désormais sur les prix tout court ». Comment expliquer cette tendance spécifique à l’Ile-de-France ?

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Vers un krach immobilier planétaire ?

Charles Reviens : Le directeur général de Rexecode fait effectivement mention des données et analyses fournies par les notaires du Grand Paris portant sur le 4ème 2022 : « à Paris, les prix des appartements baissent de 0,7 % au quatrième trimestre 2022, après avoir été quasi stables les deux trimestres précédents (-0,1 % au troisième trimestre 2022 et +0,1 % au deuxième). Sur un an, les prix des appartements parisiens sont aussi en baisse (-1,0 %). », avec des volumes de transactions particulièrement faibles : « Le 4e trimestre 2022 est le plus faible de ces 5 dernières années et supérieur de seulement 2% à un 4e trimestre moyen de ces 10 dernières années. »

D’où la remarque de Denis Ferrand pour cette géographie sur des baisses de prix nominaux et non seulement réels. Les explications en ont été fournies à la question précédente : les raisons générales évoquées plus une déformation de la demande défavorable à l’agglomération parisienne avec le déplacement de la demande de zones chères à des zones moins chères.

Michel Ruimy : En dépit de l’attractivité et atouts de Paris (espaces verts, théâtres, cinémas, piscines, stades, commerces…), le marché immobilier de l’Ile-de-France semble marquer des signes d’essoufflement. Selon l’indice de la Fédération nationale de l’immobilier, le prix du m² a atteint, début février, près de 10 650 EUR/m² (- 2% sur 1 an).

La baisse des ventes de logements anciens ne doit pas masquer de nombreuses disparités entre les marchés : après la phase post-confinement exceptionnelle, le marché de la maison, en net retrait, est bridée par des difficultés plus structurelles, liées au manque d’offre de maisons et/ou à une diminution spécifique de la solvabilité des candidats accédants. Au plan géographique et tarifaire, les plus fortes hausses annuelles de prix sont localisées en grande couronne alors que les tarifs évoluent peu dans Paris et pour les appartements en petite couronne.

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Même si les prix baissent, est-ce trop tôt pour espérer un desserrement sur le marché immobilier ? Et notamment au regard de l’évolution des taux d’intérêt ?

Charles Reviens : La notion de « desserrement » du marché immobilier évoque pour moi une baisse durable des prix immobiliers qui sont effectivement élevés en France dans le secteur privé compte tenu de la nature de l’écosystème français et des politiques publiques du logement.

Les analyses se limitent pour le moment à un diagnostic de court terme indiquant par exemple pour les notaires des évolutions en continuité avec les mois précédents notamment du fait de la situation des conditions de financement.

Michel Ruimy : Le niveau de prix élevé s’explique, avant tout, par le déséquilibre entre l’offre et la demande de logements. La solution ne passe donc pas par une baisse brutale des prix immobiliers qui se traduirait par un appauvrissement général et un ralentissement encore plus marqué de la construction, générateur de nouvelles tensions à court terme.

L’orientation à la hausse des taux d’intérêt après 40 ans de baisse presque continue devrait peser sur la solvabilité des ménages, accentuer l’éviction des primo-accédants, déjà fragilisés par l’application des règles du Haut conseil de stabilité financière et par le mécanisme du taux de l’usure, et obliger de nombreux ménages à reconsidérer l’équilibre économique de leur projet.

Compte tenu du rôle majeur qu’ont joué les conditions de crédit (taux, durée et quotité d’emprunt) dans le nouvel équilibre qui s’est construit entre prix et solvabilité depuis le début des années 2000, ce basculement à la hausse des taux d’intérêt doit être interprété comme un arrêt brutal du principal moteur qui assurait la montée des prix immobiliers en France.

Quelles conséquences peuvent avoir cette baisse, si elle se poursuit ? À court, moyen et long terme ?

Charles Reviens : « La prévision est un art difficile, surtout en ce qui concerne l’avenir ». Je ne me risquerai donc pas a cet exercice, sachant que les conséquences de la baisse sont pour les prix immobiliers comme pour les taux très différents suivant que le baisse se produit de façon subite ou de façon plus progressive : un krach immobilier peut avoir de graves conséquences pour le secteur bancaire comme cela été le cas en France dans les années 1990 ou en Espagne à la fin des années 2000.

A terme, il semble souhaitable que pour le bien commun, les prix immobiliers sont raisonnables, pour permettre l’accès de tous et notamment des jeunes générations à la propriété immobilière.

Michel Ruimy : Dans un climat d’inflation et de hausse des taux d’intérêt qui accroît l’attentisme des Français vis-à-vis de l’immobilier, la progression du marché devrait se maintenir, mais à un rythme plus lent, aussi bien en termes de prix qu’en termes de volumes de transactions.

Toutefois, cette tendance haussière des prix cache de grandes disparités : des prix à la baisse à Paris, une hausse dans certaines grandes villes et une croissance soutenue en zone rurale (La désaffection des villes depuis la crise du Covid et la généralisation du télétravail, la plus grande accessibilité financière des biens immobiliers de ces régions moins tendues augmentent les chances des candidats à la propriété d’obtenir leur prêts).

Par ailleurs, la poursuite de la mise en œuvre de la réglementation - et son durcissement - concernant la rénovation énergétique de près de 5 millions de logements sous peine d’être exclus du marché de la location immobilière ainsi que l’implémentation de l’audit énergétique pourraient avoir un impact marqué sur les prix. Dans un contexte de recul des transactions - et donc de sélectivité croissante du marché -, il est probable que l’écart de valeur entre les biens à rénover et ceux appartenant aux autres catégories devienne plus significatif.

L’ensemble de ces facteurs devrait conduire à une contraction des transactions dans l’ancien mais aussi à un repli de la construction neuve avec la mise en œuvre difficile des contraintes de la Réglementation Environnementale 2020 en lien avec les ruptures d’approvisionnements, les hausses de coûts et les difficultés croissantes à obtenir des permis dans les zones urbaines.

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