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Immigration, guerre commerciale, retrait de Syrie : Donald Trump sur tous les fronts pour son discours sur l'état de l'Union
©Zach Gibson / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Etats-Unis

Donald Trump face au Congrès s'est posé en rassembleur afin d'essayer d'atténuer les tensions à Washington.

Jean-Eric Branaa

Jean-Eric Branaa

Jean-Eric Branaa est spécialiste des Etats-Unis et maître de conférences à l’université Assas-Paris II. Il est chercheur au centre Thucydide. Son dernier livre s'intitule Géopolitique des Etats-Unis (Puf, 2022).

Il est également l'auteur de Hillary, une présidente des Etats-Unis (Eyrolles, 2015), Qui veut la peau du Parti républicain ? L’incroyable Donald Trump (Passy, 2016), Trumpland, portrait d'une Amérique divisée (Privat, 2017),  1968: Quand l'Amérique gronde (Privat, 2018), Et s’il gagnait encore ? (VA éditions, 2018), Joe Biden : le 3e mandat de Barack Obama (VA éditions, 2019) et la biographie de Joe Biden (Nouveau Monde, 2020). 

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Face au Congrès au grand complet, le président Donald Trump a tenté de se poser en rassembleur, un exercice très délicat alors que la Chambre des représentant est désormais aux mains des démocrates et que les divisions semblent ne jamais avoir été aussi exacerbées aux Etats-Unis entre les deux camps politiques. L’exercice a été plutôt réussi, grâce à un discours très bien écrit, contenant de nombreuses propositions sociales, qui peuvent être entendues comme une main tendue aux démocrates.

Donald Trump a commencé son discours par un appel fort à l’unité. « Immigration, infrastructure et santé sont la priorité » a précisé Donald Trump dès les premières minutes, indiquant déjà que son discours serait très pragmatique et tourné vers l’avenir. Car c’est ainsi que le président des Etats-Unis a choisi d’apaiser le climat très tendu qui règne à Washington, après un shutdown particulièrement dur et une confrontation autour de la construction du mur à la frontière avec le Mexique : les propositions n’ont d’ailleurs pas manqué au cours de cette soirée, avec l’intention clairement affichée de remettre tout le monde sur des bons rails, ceux d’un travail au service du pays. 

L’intérêt premier des Américains

Pour planter le décor, le président des Etats-Unis a cherché d’entrée à gagner de la hauteur présidentielle, en évitant toutefois de faire la leçon aux uns ou aux autres : « il ne s’agit pas de faire gagner notre parti, mais de faire gagner notre pays, a-t-il assuré. Puis il a lancé des appels pour que tous rejettent la politique de la revanche et de la résistance et travaillent pour le bien commun. « Ce soir, je vous demande de choisir la grandeur », a-t-il alors lancé, presque lyrique.

Son introduction a été suivie par une mise en perspective lorsqu’il s’est appuyé sur quelques grandes dates de l’histoire, dont le débarquement en Normandie en 1945, et les premiers pas sur la lune, deux moments forts, s’il en est, dans l’histoire de la Nation, censés rappeler à tous que les guerres picrocholines doivent être dépassées. Là encore, il s’agissait bien sûr de vanter l’unité du pays et le travail en commun, pour la grandeur de l’Amérique.

Les réussites de Trump

Mais il n’a pas oublié de rappeler son bilan, notamment économique, et s’est félicité que cela a conduit à un boum économique sans précédent : 5,3 millions de nouveaux emplois créés, dont 600000 emplois industriels, des salaires qui augmentent, 5 millions de personnes qui sont sorties de la grande pauvreté et n’ont désormais plus besoin de l’aide alimentaire d’urgence (food stamps), le taux de chômage le plus bas depuis les années soixante, avec les plus bas historiques pour les Africains-Américains, les Hispaniques ou les Asiatiques. Il a évoqué les baisses massives d’impôts,  et la fin de l’obligation de s’assurer à l’Obamacare. La fin de toute une série de régulations a selon lui redonné confiance aux entrepreneurs et permis de relocaliser un grand nombre d’entreprises.

Le moment étonnant de la soirée est arrivé alors qu’il a affirmé que les femmes ont particulièrement profité de toutes les réformes qu’il a mises en place. L’atmosphère s’est subitement échauffée à ce moment-là dans les rangs républicains, la plupart applaudissant à tout rompre, certains se laissant même aller à crier « USA, USA, USA » comme si il s’agissait d’un meeting de campagne.

First Step Act

Peut-être est-ce pour revenir à une ambiance plus propice au travail en commun et à une écoute mutuelle, le président Trump a particulièrement insisté sur la réforme de la justice, qui a été adoptée en décembre : Le First Step Act a été voté par les deux camps et  représente en effet l’exemple de ces réformes que Donald Trump a appelé de ses vœux au cours de ce discours. Cela lui a aussi donné l’occasion de tacler discrètement l’opposition en les invitant à poursuivre sur cette voie plutôt que de poursuivre des chimères qui divisent, comme des « enquêtes partisanes ridicules ». Ce sera la seule référence à l’enquête de Robert Mueller de la soirée. Il a réclamé que le travail soit fait au Congrès et que les 300 personnes nommées à des postes divers et dont la nomination est bloquée au Sénat soient confirmées rapidement.

La crise à la frontière sud

Toutefois, les appels au compromis et les mains tendues n’ont pas dévié Donald Trump de ses objectifs et il a abordé la crise à la frontière avec le Mexique avec la même dramatisation dont il est maintenant coutumier. Le changement notable est qu’il explique désormais que le mur doit être construit pour empêcher les trafics en tous genres comme les trafics de drogues. Sa lutte contre l’immigration illégale a également été placée dans cette nouvelle vision et il a affirmé sa détermination à lutter contre les trafics d’être humains

Le mur

Cela a été le moment le plus tendu de son discours et chacun attendait une annonce forte sur le sujet, comme l’entrée dans l’état d’urgence. Cela n’a pas eu lieu, le président se contentant de rappeler qu’il y a une date limite à la discussion. Et que c’est le 15 février. Cependant, il n’a pas cédé un pouce de terrain et a affirmé très fortement que le mur sera construit quoi qu’il arrive : « le mur sera construit. JE le ferai construire ».

Les priorités de demain

La suite du discours présidentiels a apporté beaucoup de surprises. Donald Trump a d’abord abordé la question de la guerre commerciale, notamment avec la Chine: "il faut protéger les emplois US: nous avons renégociés les traités commerciaux qui n'étaient pas bons et continuerons à le faire pour ramener les emplois chez nous et développer le Made in USA." Mais, immédiatement, il est passé à une série de propositions, qui ne pouvaient que satisfaire l’opposition démocrate: développement des infrastructures, baisse du prix des médicaments et des hospitalisations, meilleurs accès au soin, meilleure prise en charge des maladies chroniques, avec un effort tout particulier sur les cancers qui touchent les enfants et a promesse d’éradiquer le HIV en dix ans.

Le nouveau Trump

La grande surprise a été l’annonce d’une congé maternité et paternité pour tous. Ce que l’on n’avait pas vu venir, toutefois, c’est que Donald Trump a inscris cette idée dans une discussion plus large,  englobant celle de l’avortement, ce qui l’a amené aussi à réclamer un loi pour l’interdiction de l’avortement au cours du dernier trimestre. En ajoutant que « les enfants sont à l’image de Dieu et qu’ils doivent être protégés », il a envoyé un message clairs aux évangéliques, qui se battent justement pour la restriction de ce droit à l’avortement et seront satisfaits d’avoir été entendus. C’était la plus nette incursion dans la campagne pour 2020 que l’on a pu entendre au cours de la soirée.

La politique internationale

Enfin, il a terminé par les questions internationales, défendant son programme de retrait des troupes en Syrie et promettant d’autres réductions d’effectifs partout dans le monde, y compris en Afghanistan parce qu’une grande nation ne doit pas conduire  à des guerres sans fin ». Il a aussi confirmé sa deuxième rencontre avec Kim Jong et précisé qu’elle aurait lieu les 27 et 28 février au Vietnam. Un Evoquant la situation au Venezuela, il a à nouveau taclé les démocrates en s’attaquant au socialisme : "Le socialisme ne doit pas s'installer dans notre pays: notre sommes nés libres, nous resterons libres", a-t-il scandé, alors que à l'opposition tend à glisser vers la gauche et que certains de ses élus se revendiquent du socialisme. La campagne présidentielle de 2020 est bien lancée!

La conversation de Donald Trump à la pensée conservatrice –et évangélique– américaine a été très claire lors de la conclusion de son discours : « Nous devons construire l'avenir: le chemin passe par une foi plus profonde et une prospérité retrouvée."

Reste à savoir si l’appel à l’unité prônée par le président Trump sera entendu. A en juger par la réponse apportée par Stacey Abrams, au nom du Parti démocrate, c’est loin d’être gagné !  Mais croyait-on réellement qu’un seul discours et quelque proposition pourraient changer le climat délétère de Washington ?  Donald Trump n’en attendait certainement pas tant.

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